Ecrire un livre !
Alors que nous glandions gentiment en terrasse d'un estaminet proche de mon cabinet, Jean Sablon, le jeune gentilhomme tourangeau et moi-même, voici qu'un quidam surgi de nulle part nous posa un livre sur la table en nous expliquant qu'il était là pour la journée pour dédicacer son dernier livre. Ce qui en termes plus corrects aurait pu s'exprimer par le fait qu'il était auto-édité et qu'il tentait de refourguer sa dernière production comme il le pouvait puisque les circuits classiques de distribution, à l'exception d'Amazon, lui était interdits du fait de son absence totale de notoriété.
Avant même qu'il eut exposé ce dont parlait son ouvrage, c'est d'une seule voix que nous lui répondîmes que nous n'étions pas intéressés et je comprends qu'il l'ait mal pris puisqu'il fut traité de la même manière dont on traiterait n'importe quel mendiant rom dans le métro. D'une part, il perturbait notre conversation par la manière grossière qu'il eut de nous interrompre en jetant son pavé sur notre table.
D'autre part, et c'est là le plus important, là où il ne voyait que trois quidams attablés, étaient en réalité trois fins lettrés, capables de distinguer un bon livre d'un mauvais au simple titre et à la mise de son auteur.
De fait le titre, faussement provocateur évoquait tant le post-adolescent pénible qui luttera sans cesse contre tout et n'importe quoi, incapable de comprendre et de se faire au monde, que le militant socialiste lourdingue pour qui toute injustice, fut-elle inhérente au monde, devient une occasion de piailler et d'en appeler à je ne sais quels grands principes que de toute manière nous ne souhaitions pas débattre. C'était même choquant qu'il ait osé poser son livre sur notre table, comme si nous avions des têtes de lecteurs de Libération !
Sa mise à lui, même s'il est très triste d'avoir autant de préjugés, ne laissait aucune surprise quant à ses idées sur le monde en général. Maigre, le teint pâle, hâve, tout vêtu de noir; je le cataloguais d'emblée dans la catégorie des anciens toxicomanes spécialisé dans l'héroïne. Et même si j'étais fort aise et ravi pour lui, qu'il soit ainsi passé de la drogue à l'écriture, je n'en distinguais pas moins chez lui cette attitude pénible qui lui ferait toujours refuser le monde tel qu'il est.
Hélas, sitôt abandonné le filtre que devait lui procurer sa dose quotidienne pour supporter le monde cruel, cet homme maintenant clean tel qu'on le qualifierait aux NA, s'était mis en tête d'écrire pour dénoncer. Dénoncer quoi ? Nous ne le saurons pas puisque rustres et égoïstes comme nous le fumes, pas un de nous ne tendit sa blanche main pour ne fut-ce que prendre connaissance de la quatrième de couverture.
Il y a fort à parier qu'il devait dénoncer le capitalisme, les dérives de la finance, la perte des vraies valeurs humaines, la tendances des gens à se soumettre plutôt qu'à se révolter. A notre avis, nous avions à faire à une sorte de Stéphane Hessel en plus jeune (et vivant) à tendance junky-voyageur, le genre de type à qui il ne faut surtout pas parler sous peine d'être submergé par un flot de paroles aussi pénibles que rancies : une indignation sélective et orientée.
Mais bon sa mauvaise éducation nous avait découragé de faire le moindre effort. Autant cette attitude hautaine et pleine de morgue est coutumière du jeune gentilhomme tourangeau, autant il en faut beaucoup pour que des empathes réels tels que Jean Sablon et moi-même ne prenions pas une minute pour aider autrui. Mais las, le cuistre nous avait rebuté dès le début en s'arrogeant de facto le droit de considérer notre table comme un étal sur lequel il avait plaqué son livre comme s'il se fut agi de la vérité sortant de la bouche de Dieu lui-même, persuadé que la conversation que nous menions méritait d'être interrompue par son irruption. Son idée, c'était de hurler "enculés de bourgeois repus, voilà le cri que je jette à la face du monde !". Et bien soit, criez mais allez hurler plus loin car vous nous dérangez.
Mais bon sa mauvaise éducation nous avait découragé de faire le moindre effort. Autant cette attitude hautaine et pleine de morgue est coutumière du jeune gentilhomme tourangeau, autant il en faut beaucoup pour que des empathes réels tels que Jean Sablon et moi-même ne prenions pas une minute pour aider autrui. Mais las, le cuistre nous avait rebuté dès le début en s'arrogeant de facto le droit de considérer notre table comme un étal sur lequel il avait plaqué son livre comme s'il se fut agi de la vérité sortant de la bouche de Dieu lui-même, persuadé que la conversation que nous menions méritait d'être interrompue par son irruption. Son idée, c'était de hurler "enculés de bourgeois repus, voilà le cri que je jette à la face du monde !". Et bien soit, criez mais allez hurler plus loin car vous nous dérangez.
Voyant qu'il ne gagnerait pas sa croute avec trois vilains réactionnaires (i.e. non socialistes) comme nous, l'auteur maudit s'en fut s'asseoir à une table et commanda quelque chose, commençant dès lors à piocher dans ses bénéfices. C'était le mieux qu'il eut à faire puisqu'il est prouvé que les terrasses de cafés sont faites pour s'y asseoir et commander et non pour y emmerder ceux qui y sont.
C'est quelques minutes après que nous eûmes congédié ce fâcheux, que mes petits camarades et moi en vînmes à parler de littérature et plus spécifiquement de littérature bas de gamme nourrie aux bons sentiments comme les poulets aux hormones. Qui des deux prononça le nom de Katherine Pancol (avec un K pour faire américain), je ne sais plus. Toujours est-il que moqueurs comme nous le sommes, nous nous esclafames au souvenir du titre le plus idiot qui puisse sans doute exister pour un livre, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, en abreuvant de sarcasmes tous ceux qui pouvaient lire de telles inepties.
Et puis, la discussion prit un autre tour et nous nous mimes à parler de je ne sais quoi encore en passant un excellent moment, tout juste réchauffés par un timide soleil qui nous convenait bien puisque nous ne sommes pas du genre à nous affaler à une terrasse avec des lunettes de soleil au moindre rayon en clamant d'un air entendu comme si c'était la chose la plus naturelle du monde "ah la la depuis le temps qu'on l'attendait le soleil !".
Ce n'est que le lendemain que Jean Sablon m'envoyait ce fabuleux lien qui permet, même lorsque l'on a jamais rien écrit de sa vie, de faire croire aux autres que l'on a déjà écrit plusieurs ouvrages puisque ce générateur de jaquettes vous permet d'afficher la couverture de votre livre avec une photo idiote, un titre inepte, le tout étant édité dans une maison inconnue.
4 Comments:
Oui... Dans "le complots des pervers", j'ai imaginé une fiction dans laquelle un saltimbanque notoire est assassiné par le pouvoir en place pour d'obscures raisons. L'originalité du récit réside dans l'instrument du crime puisque cette mise à mort est perpétrée par le truchement d'un camion venant percuter la motocyclette pilotée par le saltimbanque.
Je passe sur les détails rocambolesques de ce fabliau pour venir préciser ici que je le destinais à un lectorat pré-adolescent. J'ai donc été fort surpris lorsque mon éditeur m'a assuré, et la suite lui donna raison, que beaucoup d'adultes un peu immatures pourraient aussi y croire.
@Grinteot : bon tu admets finalement que Coluche a été assassiné ! C'est bien. Nous n'aurons pas discuté deux heures de cela pour rien :) GCM attend ton livre, il le lira dès qu'il aura fini celui qui explique que les dinosaures sont morts suite à une attaque extra terrestre commandée par Bush !
@ Philippe
GCM sait lire???
@Gringeot : oui il fait lire bien sur ! Pauvre GCM ! Il est moins brillant que la plupart des gens que je fréquente mais il a tout de même 103/104 de QI. Mais je comprends que sa normalité puisse t'agresser !
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