13 mai, 2013

Nouvelles du front !

Photo cucul illustrant la fin ! Wow la symbolique !

Pour mon faux schizo j'ai bataillé dur. J'étais pourtant sur de moi mais il n'est guère facile d'avoir fac eà soi la faculté représentée par deux psychiatres, un hospitalier et un qui tenait une clinique privée, un peu comme Cahuzac gérait sa clinique d'implants de cheveux, pour faire de l’oseille et point barre et puis un généraliste.

Le premier psychiatre consulté dans un célèbre hôpital n'a pas voulu voir plus loin que le bout de son nez. Il s'est juste contenté de jeter un diagnostic un peu à l'arrache, du genre : "Tiens ce jeune semble un peu à l'ouest, allez hop il doit être schizo, vous me le mettez sous neuroleptiques et on le revoit dans un mois".

Le second psychiatre s'est lui sans doute contenté de demander aux parents s'ils avaient une bonne mutuelle et a pris mon patient dans sa clinique durant deux mois pour lui faire faire du macramé et de la peinture sur soie avec de temps en temps des séances de thérapie vaguement freudiennes. A la sortie, bien sur il a assuré aux parents que leur gamin n'irait jamais bien et qu'il devrait revenir dans sa clinique. Voilà une affaire rondement menée.

Quant au généraliste, alors lui, sans doute parce que son trip dans la vie était d'être un bon petit soumise, il s'est contenté de poursuivre un traitement prescrit par le premier psychiatre sans rien changer d'un iota ni surtout ne rien remettre en cause. Si le chef dit quelque chose, il faut l'écouter parce que c'est le chef et puis le chef est spécialiste !

Ensuite, il y a les parents qui se sont arrachés les cheveux durant quinze ans parce qu'on leur avait que leur fils était schizophrène et qu'il serait une charge pour eux toute sa vie. Bon, une fois ils sont allés à un groupe de paroles destinés aux parents d'enfants schizophrènes et ils n'ont pas du tout, mais alors pas du tout reconnu leur fils dans les portraits que les autres parents dressaient de leurs gamins. Ils se sont bien posés des questions mais puisque les psychiatres leur avaient dit qu'il n'y avait rien à faire, ils ne sont pas allés chercher plus loin, même pas une simple lecture sur internet où ils auraient vu que leur fils n'avait aucun des symptômes de cette pathologie. 
Qu'il s'agisse du généraliste ou des parents, on appelle cela du conformisme en psychologie sociale et cela a été bien étudié. On est capable de mettre deux plombiers en concurrence pour la réfection d'une salle de bains, mais si monsieur le Maire, le docteur ou l'agent de police dit quelque chose, alors c'est que c'est vrai ! Aujourd'hui, il n'y a plus guère que monsieur le curé dont on ose se foutre et encore, simplement parce que monsieur le député le permet !

C'est amusant parce que bien que ne possédant pas les connaissances que l'on est en droit d'espérer de mes illustres confrères, j'ai tout de suite vu que mon patient n'était pas schizophrène. C'est un ami à lui et ancien patient à moi qui me l'avait amené. On s'est appelé par nos prénoms immédiatement, on a papoté deux trois minutes devant la porte puis nous sommes montés à mon cabinet. Parvenus à la porte de mon cabinet, tandis que je mettais la clé dans la serrure pour ouvrir, je me suis tourné vers lui pour lui dire "j'ai une bonne nouvelle, vous n'êtes pas schizophrène".

Il a rigolé et m'a dit "vous me dites ça comme ça ?". Ce à quoi j'ai répondu "quoi vous vouliez une invitation à diner et un bouquet de roses ?". Il a rigolé et nous sommes rentrés pour faire cette foutue séance durant laquelle, je voulais m'efforcer de comprendre ce qui avait pu motiver trois médecins à le penser schizophrènes alors que j'étais sur du contraire. Bien sur, je ne niais pas l'existence de symptômes ayant donné lieu à ce diagnostic mais je voulais comprendre d'où ils venaient.

Certes, leur diagnostic était erroné mais s'il avait été posé, c'est qu'ils avaient forcément du être induits en erreur par des symptômes plutôt violents. Le problème, c'est justement que face à de tels symptômes, avant d'envisager la fameuse schizophrénie qui explique tout bien que l'on n'en connaisse pas grand chose, il aurait fallu plonger dans la vie du patient, réaliser une anamnèse comme on dit. Pour cela, il aurait fallu certes atteindre la fin de la crise et parler avec le patient, avoir une vraie relation thérapeutique, une alliance comme on dit aussi. 

Pour cela, il faut qu'il soit en confiance et qu'il n'imagine pas que vous êtes une sorte de flic mandaté par l'état pour lui faire avouer coûte que coûte ses conneries afin de les noter dans un dossier administratif conservé dans les archives de l'APHP. Parce que sinon, le gonze, surtout s'il est jeune et un peu flippé et soumis à ses parents qu'il redoute, il prend peur et ne vous dira rien. Je pense qu'avec l'anamnèse, l'alliance thérapeutique est la seconde chose la plus importante pour exercer la profession de psy. Vous pourrez empiler les doctorats, les DU et les formations, si vous ne savez créer un bon lien avec votre patient vous l'avez dans le l'os pour ne pas dire dans le cul.

Alors voilà, quand je l'ai vu, j'ai su en deux minutes qu'il n'était pas schizo. D'ailleurs je l'avais dit à la personne qui me l'avait amené : "si je suis en forme, je vous le dirai en trente secondes, si je suis un peu fatigué, il me faudra deux minutes". J'avais ouvert ma gueule comme souvent mais bon c'est une manière de me jeter des défis. Après l’avoir ouverte, il faut assurer. On s'est vu durant six mois, toutes les semaines ou presque et on s'entendait bien. Naturellement hypersensible sans être pour autant fragile, je pense que mon cher patient était une énigme pour lui même. Issu d'une famille ou la tradition était d'être ingénieur, il faisait un peu tache et ses qualités étaient vite devenues des défauts pour ses parents. Bref plutôt que de l'accompagner avec ses spécificités en lui apprenant à s'épanouir on lui avait juste appris à se contrôler en pointant du doigt chaque comportement s'éloignant de ce que l'on attendait de lui. Bref, sans le vouloir, on l'avait rendu fou à force de vouloir en faire un type bien.

Je crois que durant l'année passée, c'est le patient qui m'aura le plus causé de soucis, celui dont je me serais dit souvent "pourvu qu'il ne soit pas flingué" ou encore "pourvu que je ne me sois pas planté sur le diagnostic". Et puis pour parfaire le tout, il y avait les parents, qui bien qu'en direct m'ait assuré de leur confiance, n'étaient pas vraiment convaincus. J'étais un peu vécu sur le mode gentil allumé qui va tenter un truc mais dont on se méfie mais à qui on tente de faire confiance parce que c'est le dernier espoir.

Il faut dire qu'auparavant, j'avais un peu partagé avec un autre psychiatre, un type très âgé mais au diagnostic très sur qui avait confirmé ce que je pensais : la schizophrénie est rare. Et lui, était persuadé tout comme je l'étais, aux symptômes que je lui rapportais que mon patient était tout sauf schizo. Comme il est âgé et ne veut plus de nouveaux patients, je lui ai demandé de me donner les coordonnées d'un confrère à lui, mais un bien, pas un charlot, pas de ces ânes à diplômes dont le cerveau est une gigantesque bibliothèque dont ils ne connaissent pas très bien les rayons.
Sur les trois adresses que j'ai eues, un faisait l'affaire. Je le connaissais vaguement et je l'ai choisi parce qu'il faisait de la photo et qu'il pourrait avoir un point commun avec mon patient. Au départ, mon patient ne voulait plus entendre parler de psychiatrie. Il en avait peur. Au fond de lui, il craignait qu'on l'interne. Bon je l'ai rassuré et puis comme il ne l'était qu'à moitié je lui ai expliqué qu'il m’emmerdait avec ses craintes et que tout se passerait bien ! C'est vrai, c'est lourd à la longue de se casser le cul pour quelqu'un qui ne veut pas franchir la ligne d'arrivée alors qu'elle n'est qu'à deux mètres. L'empathie a des limites, parfois la pédoculthérapie prend le relais.
Le premier  rendez-vous chez ce psychiatre s'est très bien passé. D'abord, il a baissé les antidépresseurs puis le neuroleptiques. J'ai revu mon patient moins souvent, laissant la main à ce nouveau psychiatre avec qui il se sentait en confiance et s'entendait bien. Puis, mon cher patient a trouvé un boulot saisonnier dans le sud pour mettre du large entre lui et ses fréquentations un peu nazes. Et au bout d'un mois, il avait arrêté son neuroleptique et tout allait bien. 

Alors il m'a juste envoyé un SMS :
"Salut Philippe, je ne prends plus aucun médicament. Tout va très bien, j'ai la pêche et le boulot me convient. C'est magique, je revis. Merci de tout coeur, tu m'as sauvé. Merci."

Moi j'ai juste répondu :
"Tant mieux, suis ravi et en plus mes honoraires ne sont pas élevés et je fais parfois crédit" 

Alors il a rajouté :
"Oui à propos, tu peux encaisser le chèque ! A bientôt".

Voilà, fin d'une belle aventure !

1 Comments:

Blogger Unknown said...

Impressionnant!

13/5/13 10:21 PM  

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