03 juin, 2013

Cinéma !

 Bientôt sur Arte !

Hier, un de mes chers patients qui est en école de cinéma semblait tout triste parce qu'ayant rendu son court-métrage de fin d'année, il se trouvait tout désœuvré. J'aurais pu lui conseiller d'aller faire la plonge, de devenir équipier chez Mc Do, de faire du télémarketing en vendant des panneaux solaires à Pantin, enfin n'importe quoi pour s'occuper.

Mais j'ai eu une meilleure idée. Il se trouve que la dernière fois, avec lui et quelques autres, nous avions déjeuné rapidement avant d'aller prendre un café rive gauche. Marchait en tête, le jeune gentilhomme tourangeau, tandis que nous suivions. Et tandis que nous passions par les petites rues de Saint-Germain-des-prés, nous avions été stupéfaits de voir à quel point le jeune gentilhomme tourangeau se fondait dans le décor. 

Que l'on soit à la Fontaine Saint-Michel, dans la rue Saint-André-des-Arts, devant le Lycée Fénelon ou à l'Odéon pour terminer place de la Sorbonne, le quartier était fait pour lui. Il avait le physique, la démarche, la suffisance blasée du regard qu'il affectait de jeter sur tout, cette certitude d'être à la fois bien né et d'avoir une culture encyclopédique, suffisaient à faire de lui le petit germanopratin tel qu'on le conçoit de manière caricaturale.

Comme nous étions évidemment aussi jaloux de son aisance naturelle et que nous sommes de mauvaises langues toujours prêts à nous gausser du talent des autres parce que nous en sommes dépourvus, nous le suivions en imaginant des dialogues fictifs, creux et plein d'emphase. Cette promenade devenait pour nous une sorte de film, ou plutôt de documentaire verbeux dans lequel, il ne s'agissait plus de nous promener mais bien au contraire de suivre, comme le ferait n'importe quelle équipe télévisuelle d'Arte, un jeune auteur médiatisé au fil de ses pérégrinations oiseuses dans son quartier de référence.

Le pauvre ne pouvait regarder un immeuble, une boutique ou quoi que ce soit, sans que derrière, nous n’imaginions quelque pensée qu'à notre avis tout jeune auteur médiatisé se devrait avoir. Avait-il simplement jeté un coup d’œil distrait à l'entrée du Lycée Fénelon à proximité duquel nous étions, que nous imaginions déjà qu'il se rappelait les classes préparatoires (Khâgne) qu'il y avait suivies. S'était-il simplement approché d'un présentoir offrant des cartes postales, que nous le pensions perdu dans quelque rêverie sans fin lui rappelant une rencontre avec quelque femme jadis connue, que nous mettions immédiatement en scène, commentant en voix off.

Mais le pire, c'est que tout cela fonctionnait bien. Eussions-nous disposé d'une caméra voire d'un simple appareil photo filmant en HD que le film était dans la boîte. Le pire étant que le produit de notre délire idiot du moment n'aurait pas eu à rougir face à certaines émissions vaguement intellectualistes proposées par France télévision. De la même manière qu'il est possible de générer des jaquettes de livres sans rien avoir écrit, il est tout à fait possible de créer un auteur en vue de toute pièce sans qu'il ait eu besoin d'écrire un traitre mot.

Un physique, une paire de lunettes cerclées de fer, une chemise blanche, une manière de marcher, un décor et des commentaires pompeux en  voix off, et voici Jean-Nicolas des Lys en chair et en os, aussi vrai que s'il existait. La crédulité des spectateurs fait ensuite le reste, donnant à la supercherie des allures de vérité indéniables. Certains ont ainsi pu duper BHL et Télérama, tandis qu'en des temps plus ancien, d'autres se moquèrent des contempteurs de l'art contemporain. A l'instar des buveurs d'étiquettes qui ne se fient qu'à ce qu'il y a écrit sur la bouteille, la fatuité de certains milieux est tel que pourvu que vous donniez des gages en adoptant le même style creux et emphatique qu'eux, vous pouvez leur vendre n'importe quoi.

Tout cela pour vous dire que puisque ce jeune homme s'ennuyait, je lui ai proposé de passer de la fiction à la réalité en réalisant un court métrage mettant en scène ce fameux Jean-Nicolas des Lys. Bon encore faut-il que le jeune gentilhomme tourangeau accepte de jouer le comédien malgré lui ! Mais je ne vois pas qui pourrait le remplacer ! Sincèrement, il est parfait pour le rôle.

Il cadrera, filmera et nous réaliserons les commentaires. On s'amuse comme on peut !


2 Comments:

Blogger Ana Maria said...

Merci Philippe pour le lien du générateur de jaquettes de livres. J'ai testé, j'ai adoré. Ca fait bien plaisir à mon petit ego de voir mon nom sur des livres, aux titres invraisemblables, que je n'écrirai jamais (sauf en rêve) :)

30/6/13 7:55 PM  
Blogger Élie said...

Générateur de jaquettes. Le personnage aurait pu figurer en bonne place dans le Club des Métiers bizarres de G.K. Chesterton !

10/6/18 2:01 PM  

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