02 décembre, 2013

Altérité !


C'est fou, j'ai l'impression que la solitude s'abat un peu partout. Où que je tourne la tête, ce ne sont que jeunes célibataires trentenaires, ou plus, des deux sexes se lamentant de ne point trouver de partenaire ! On a beau parler et reparler de la solitude des agriculteurs, ou de celle des personnes âgées, celle de mes patients urbains est tout autant alarmante.

Fut un temps, où l'on disait qu'on rencontrait son conjoint durant ses études ou sur son lieux de travail. Aujourd'hui, il semble que cela ne soit plus vraiment le cas, du moins sur Paris d'où proviennent la majorité de mes patients. Et pourtant, Dieu sait s'ils font le maximum pour trouver, qu'il s'agisse de sortir dans des bars du genre Machin café ou encore de s'inscrire sur des sites de rencontres, mais rien ne se passe, rien ne dure vraiment.

A travers les témoignages que j'ai pu entendre, j'ai noté certaines constantes qui peuvent éventuellement rendre plus difficile la création d'un couple. Parce que finalement, la question est de savoir si l'on épouse forcément la fille ou le type dont on rêvait ? Il serait amusant de savoir combien de couples durables se sont constitués sur la base d'un coup de foudre mais je ne sais pas si de telles statistiques existent. Aujourd'hui, il me semble que la facilité d'accès aux rencontres et les exigences démesurées soient responsable de cet état de solitude.

Ainsi, beaucoup de gens sortent et hantent bars et boites de nuit. Les hommes sortent en groupe et les femmes font de même. Les rencontres ont lieu et ne donnent généralement pas grand chose. Sitôt passée la rencontre, une fois l'effet de surprise dissipé, ce ne sont souvent que quelques jours assez mornes durant lesquels l'un attendra les SMS de l'autre tandis que l'autre ne saura comment se débarrasser de l'un. Durant ces quelques jours, comme diraient mes confrères pscyhanalystes, c'est le retrait des projections, la princesse tant espérée n'en était pas une, à moins que ce ne soit que le prince entrevu qui ne soit pas au rendez-vous.

Qu'à cela ne tienne l'accès au sexe opposé est si facile, qu'il s'agisse des bars, boites de nuit ou des sites de rencontres, que le week-end prochain, on s'y remet en espérant toujours la bonne rencontre, celle qui fera enfin vibrer le cœur. Comme me l'explique souvent un de mes patients, il attendra encore une fois la fille fac eà laquelle il pourra faire "wooow" tandis qu'une de mes patients espérera celui qui sera un peu moins ceci ou un plus cela que celui qu'elle a rencontré la semaine précédente. De toute manière, le stock semble tellement inépuisable qu'il leur semblerait totalement stupide de creuser avec quelqu'un si ce(tte) dernier(e) ne présente pas toutes les spécificités requises dans le cahier des charges.

Jamais, il n'y a accès à l'altérité, à l'intimité de l'autre. On se séduit en présentant une image totalement idéale et en espérant aussi quelque chose d'idéal de l'autre. Chacun projette sur l'autre ses manques et attend plus de sa conquête une réparation narcissique qu'une vraie rencontre. Finalement, ce "cahier des charges" ne contient pas tant ce qui lui plairait que ce qu'il imagine qui puissent plaire aux autres. En espérant trouver l'élu(e), il tente vainement de séduire son entourage, d'y trouver une place et de conquérir un statut. Il s'agit de montrer sa conquête comme on s'afficherait avec le dernier Iphone ou une belle voiture, pour prouver un statut.

Ainsi, l'ingénieur un peu coincé dans sa jeunesse qui a enfin accédé à des fonctions prestigieuses espèrera une fille valorisante qui puisse lui prouver que c'est est bien fini de l'époque où il galérait pour faire des rencontres. Maintenant qu'il a un beau costume et qu'il maitrise à peu près bien les codes sociaux qu'il imagine être les bons. De l'autre côté, la petite provinciale arrivée depuis peu à Paris, se voulant plus parisienne que les parisiens, aura hâte de se trouver un hipster, un type qui connait les bonnes adresses, dont le goût est sur afin de ne jamais être prise en défaut.

Chacun choisissant l'autre comme le miroir dans lequel il aimerait se mirer, aucune histoire réelle ne commence. Bref, on aura beau multiplier les lieux de rencontres, qu'il s'agisse de bars, de boites de nuit, de sites, de soirées pour célibataires, etc., tant que l'accès à l'intimité de l'autre ne fait pas partie du projet et que l'on en reste à la séduction, la solitude sera au rendez-vous.

5 Comments:

Blogger Unknown said...

quette agitée des trentenaires... tout aussi flagrante chez les quarantenaires avec enfants, chez qui la séduction a du bon car elle rend vivant ; mais qui se heurtent aussi au passé de l'autre, à ses enfants, et à cette intimité qu'il ne veut surtout pas dévoiler? la prudence se situe de part et d'autre bien sûr, mais les blessures, les attentes, l'égoïsme, sont bien lourds à mouvoir et la construction d'une intimité à deux assez complexe à établir. Il me semble que le vernis de la séduction masque bien des envies de projet....

17/12/13 9:49 AM  
Blogger filleàgentils said...

Votre texte mériterait d'être imprimé ET distribué.
Il suffit de s'éloigner de Paris pour trouver quelqu'un. Que ce soit à Strasbourg, Toulon ou ailleurs....Les gens ont moins d'exigences et plus de temps à vous consacrer!

18/12/13 11:45 PM  
Blogger Unknown said...

ah la quette agitée des trentenaires.... qui l'est tout autant chez les quarantenaires!
il bien agréable de doux vernis de la séduction car il donne un instant l'impression d'être vivant. La quarantenaire seule et avec enfants se heurte justement à la complexité de l'intimité de l'autre, à sa difficulté de se/la dévoiler, et même si l'envie ancrée, viscérale de vie à deux est bien présente, il désormais apprendre ce nouveau pas de deux : solitude et "visite" de/chez l'autre ; intimité et séduction ; envie de partage et dégringolade....

20/12/13 9:02 AM  
Blogger Unknown said...

j'ai posté deux commentaires tout à fait semblables.... le second est peut être plus joli, merci de le garder!
les mystères de l'informatique me dépassent

20/12/13 9:16 AM  
Blogger Élie said...

Beaucoup d'offre, beaucoup de demande, mais une mauvaise étude de marché.

9/6/18 2:55 PM  

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