09 novembre, 2013

Colère et rage !

 Chute libre !

La colère est une émotion bien connue qui apparait lorsque l'on sent que notre statut au sein d'un groupe est menacé. En un sens, il y a colère dès lors que la fierté, la dignité, le statut, la position ou le statut sont menacés.

Certes même si elle est légitime, même si elle a été sélectionnée par l'évolution, la colère n'est pas forcément la conduite le plus appropriée et chacun se rappelle de l'adage qui explique qu'elle est mauvaise conseillère.

Ce qui ne veut pas dire qu'il faille la minorer ou penser qu'elle ne serait qu'une émotion produite par une forme d'immaturité psycho-affective. Car même si l'âge venant, un individu apprend de ses expériences et se mettra moins en colère qu'un enfant, cela ne veut pas dire que la colère disparaisse totalement ni surtout qu'elle ne soit pas parfois légitime. 

Il ne sert donc à rien de tenter coûte que coûte de faire baisser un état de colère que 'on estimerait légitime. A mon sens, on peut offrir deux voies à cette émotion qui bouleverse tout lorsqu'elle se manifeste.

La première voie consiste à l'extérioriser. Il ne s'agit pas de se rendre coupable de voies de fait mais au moins de l'exprimer ne fut-ce qu'en hurlant un bon coup, en cassant ou en tapant dans quelque chose que l'on aura pris soin de choisir expressément pour cela. Il ne s'agira donc ni d'un objet auquel on tient ni la de la mâchoire de quelqu'un.

C'est la raison pour laquelle, quand je sens face à l'un de mes patients, cette colère qui gronde, je conseille souvent évidemment de parler pour décharger la tension mais aussi de s'adonner à un sport de combat. Sans être un spécialiste, je déconseille les arts martiaux asiatiques pour privilégier la boxe anglaise ou française dans la mesure ou frapper permet une libération de l'énergie. On ne vantera jamais assez les bienfaits d'un sac de frappe pour juguler la colère. Si en plus vous collez dessus la photo de votre ennemi du moment, ce peut être jubilatoire.

Et puis, il y a d'autres moyens de contenir sa colère, plus long, qui nécessite un cheminement personnel plus ardu. La philosophie stoïcienne fait partie d ces moyens. Le Manuel d’Épictète, un grand classique, en nous expliquant que les événements peuvent être divisés entre ceux qui font partie de nous et ceux qui ne dépendant pas de nous, et qu'il faut donc bien se garder de les confondre, est sans doute un concentré de philosophie morale à mettre en toutes les mains. C'est le petit vade mecum que l'on potassera encore et encore pour faire face aux vicissitudes de la vie.

Mais bon, l'être humain est ainsi fait, qu'à moins d'une longue pratique, lorsqu'il se trouve confronté à un événement désagréable, il réagira toujours par une émotion forte comme la colère. Alors sans doute, faut-il que la parole se libère et que les poings frappent un sac de boxe avant que ce brave Épictète ne fasse son chemin jusqu'au cœur.

Il faut donc que la colère se dissipe et ce d'autant plus qu'elle est légitime. Et on ne peut que condamner tous les ersatz de cette mode de la communication non violente née aux USA. Il ne s'agit pas de faire l'éloge de la violence mais bien de comprendre que parfois elle a du bon parce que ses sources sont légitimes. Il faut aussi comprendre que la colère, n'est le plus souvent qu'une manifestation destinée à impressionner l'adversaire, un rituel, et non une vraie violence. De toute manière rien de pire quand on est en colère que d'être confronté à un pisse-froid qui nous dirait de nous calmer, cela décuple l'émotion.

Un coup de gueule fait parfois plus de bien qu'il ne tue. Bien sur, distinguons la colère pathologique qui serait une forme d'irritabilité de caractère, présente par exemple dans les dépressions masquées, de la saine colère résultant d'un fait patent. D'ailleurs comme me le rappelais une fois un connaisseur de la bible, on oublie trop souvent que si Dieu est amour et justice, il est aussi colère. De plus, l'épisode des marchands du temple, nous enseigne que Jésus pour cool qu'il ait été, savait aussi se fâcher tout rouge.

Réprimer la colère à tout prix ne sert donc à rien si ce n'est à la transformer en rage. La rage, c'est l'échelon supérieur de la colère. C'est une colère intense qui met des années à murir, une émotion rance qui macère au plus secret de l'individu, qui d'année en année se charge de haine. C'est un mélange explosif autrement plus dangereux que cette colère dont on nous rebat les oreilles et dont on devrait se débarasser au moyen d'une communication non violente.

C'est justement parce que la colère n'a pas trouvé à se canaliser, voire à exploser tout simplement, que la rage s'installe. Elle est toujours liée à une très grande détresse et à un sentiment de menace tel que la personne sent que sa vie est bouleversée à un point tel qu'elle a perdu tout son sens. Lorsqu'elle s'exprime, la rage indique que la personne explose, qu'elle se désintègre littéralement. Accablée par des atteintes narcissiques qu'aucune colère n'a jamais pu apaiser, la personne passera à l'acte, toujours pour le pire.

En ce sens, et à de très rares exceptions près, il est idiot de se demander pourquoi des gens passent à l'acte lors de manifestations de rage. Ainsi, chaque fois que j'ai entendu des gens dire "on ne comprend" pas lors notamment de drames comme Columbine, j'ai toujours été très étonné.  Ce sont des actes enragés. Je ne pense pas qu'il faille aller chercher bien loin pour trouver l'explication de tels actes, et surtout pas dans des théories sociales ou pathologiques alambiquées.

Lorsque la colère n'est pas entendue, sublimée, accompagnée, elle s'accumule et détruit tout et notamment l'estime de soi. Et quand il ne reste plus rien de l'individu qu'un vaste vide, il ne lui reste rien d'autre pour exister que le mal qu'il pourra s'infliger ou celui qu'il infligera à d'autres. La violence est inhérente à nos destinées, il faut qu'elle s'exprime d'une manière ou d'une autre. 

Plus tôt elle est entendue, moins la rage s'installera. Et puis, plus nous cultiverons les occasions d'être heureux, plus les petites vicissitudes de la vie nous sembleront bénignes.

14 Comments:

Blogger Unknown said...

Pourquoi tjrs choisir des sports de frappe pr exterioriser la colere?c'est forcement prouver qu'elle n'engendre que de la violence;or c'est faut;cette energie peut etre canaliser autrement et si l'individu concerne s'en sert dans son sport favori,il peut battre des records;et la sa passion n'est pas une "fuite"mais une arme contre cette colere qui le ronge...

10/11/13 7:07 AM  
Blogger philippe psy said...

@Menvusa : exact, on peut aussi prendre une hache pour fendre des buches, ça peut marcher. Ou alors casser des cailloux à coups de masse ou courir.

10/11/13 2:26 PM  
Blogger Unknown said...

Pardon,rectification: FauX et canaliseE;j'étais pas bien réveillée ce matin..sinon on va penser que les sportives sont illettrées....

10/11/13 2:30 PM  
Blogger Unknown said...

Entre les trois options,mon coeur balance....;)) je vais y reflechir!...

10/11/13 3:13 PM  
Anonymous Anonyme said...

Dans la même veine qu'Epictète, j'ai aussi beaucoup retiré de Sénèque : l'art d'apaiser la colère.
http://www.amazon.fr/Lart-dapaiser-col%C3%A8re-Cyril-Morana/dp/2755500565

10/11/13 5:07 PM  
Blogger V. said...

Ce post sur la colère est infiniment calme et dépourvu de la moindre ironie. C'est sobre et sensible.
Pour la première fois j'ai l'impression que vous livrez quelque chose que vous ne travestissez pas au nom du devoir de réserve...
En tant que "passeuse à l'acte", je vous remercie pour cet article.

10/11/13 8:41 PM  
Blogger philippe psy said...

@Laurett : bravo pour Sénèque, un vieux capricorne comme moi !
@V : mais je suis toujours sincère ! Et parfois sérieux ou plus sérieux ... Tant mieux si l'article vous a plu.

11/11/13 4:08 AM  
Blogger chaton said...

Remarque, Jésus, il est toujours un peu au bord de la bonne colère, au moins dans les évangiles synoptiques. "Génération incroyante, combien de temps devrais-je encore rester parmi vous!"

11/11/13 2:33 PM  
Blogger V. said...

Merci Philippe pour votre réponse. Toutefois, je me demande ce qui, dans mon commentaire, a pu vous laisser entendre quelque doute que ce soit concernant votre sincérité...

11/11/13 4:51 PM  
Blogger Morovaille said...

Très intéressant comme article ! Comme le soulignait menvusa plus haut, beaucoup de choses peuvent appaiser cette colère : je connais qqu'un pour qui c'est la philosophie. Pour moi c'est encore autre chose. Pas besoin que ce soit une activité violente, un travail suffit.

De plus, je pense que la colère perpétuelle ne s'agit pas forcément d'un décalage entre individu et société : il peut s'agir de l'essence d'un caractère. Je pense notamment au caractère EAS (passionné) de la caractérologie de Le Senne ; qu'on peut recouper avec le premier caractère des ennéagrammes...

11/12/13 10:14 AM  
Blogger Unknown said...

J'ai essayé bien des choses pour apaiser ma colère : la sophro, l'hypnose, la relaxation, la méditation, la course à pied, les psys mais c'est la boxe qui m'a vraiment aidé et pour infos on se blesse bcp moins en boxe qu'en faisant des trails, des courses qui abiment les tendons etc...

3/3/18 1:23 AM  
Blogger Élie said...

Faute de pouvoir pratiquer le squash dans le coin, casser des assiettes et balancer des livres à travers la pièce, c'est pas mal, tant que c'est pas de la porcelaine de Sèvres ou les éditions de la Pléïade. Et sinon la bordée de jurons ou d'insultes (en dehors de la présence des personnes concernées) défoule bien aussi.

Sinon, il y a aussi la colère envers cet objet imprévisible et malicieux qui n'en fait qu'à sa tête : l'ordinateur. La colère traduit alors chez moi mon impuissance rageuse vis-à-vis de cet artéfact vicelard.

À part ça, j'ai l'impression que chez certains, la colère est quasi permanente et surgit surtout d'un sentiment d'injustice, envers soi ou envers d'autres : c'est sûr qu'on peut toujours trouver ici bas une raison de s'indigner, une cause à défendre, un combat à mener.

9/6/18 6:50 PM  
Blogger Energie Positive 999-0-1 said...

En 1984, lors d'une thérapie innovante en France, pour évacuer la colère plutôt liée à des agressions sexuelles enfantines, un exercice consistait à faire frapper, avec un objet "la bataqua" (sorte de grosse quille rouge agrémentée d'un manche) un fauteuil, par exemple, j'ai refusé de faire cet exercice, pleurant toutes les larmes de mon corps, plutôt que de prendre le risque d'un éclatement schyzoïde. c'était bcp trop violent comme méthode. Je suis devenue mon propre thérapeute.
Françoise 70 ans.

26/8/18 2:52 PM  
Blogger Unknown said...

Jai pas fais de hache ce soir...je reste loin parfois cest plus sur. Je suis tombe sur ce texte ...mon apport quotidien en rage est parti, merci seigneur je n'ai tuer personne. Jai aimé parce que la rage s'explique et c'est rassurant de voir que certaines personnes sont au courant.

28/10/18 2:45 AM  

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