Mon directeur de banque est un trou du cul ! (2)
Comme j'ai été sage que je ne me suis pas énervé ni mis en colère mais que j'ai su différer la satisfaction, le petit Jésus qui est capricorne comme moi m'a aidé. Il faut dire qu'après ce rendez-vous, je me suis posé en terrasse au café à côté de ma banque. C'est un peu con de prendre un double café pour se calmer mais moi le triptyque café-clope-terrasse c'est toute ma vie et mon vrai luxe.
Et tandis que je sentais ma colère s'apaiser, qui vois-je passer ? Vous l'aurez compris mon directeur de banque qui sortait de son agence et s'apprêtait à rentrer chez lui. Assis au café, je le vois disparaitre dans une rue adjacente d'où je ne tarde pas à le voir ressortir au volant d'une allemande rutilante. Vu le salaire d'un directeur d'agence bancaire, cela m'étonnerait qu'il ait pu se payer une pareille voiture dont le prix équivaut sans doute à son traitement annuel. Bon, il existe des LLD. De toute manière, avec ces nouvelles plaques d'immatriculation on peut tout savoir si on est un peu malin.
Un tour sur Oscaro où j'entre le numéro et je connais la version de sa voiture et même l'année modèle en cherchant bien. L'auto est récente. J'imagine qu'il a mis un apport et qu'il paye un loyer pour se pavaner dans son 4x4 gris métal. Compte tenu de son salaire estimé et du fait que cette année, le résultat catastrophique de sa banque ne lui permettra pas d'avoir de primes, j'en déduis que le bonhomme est prêt à manger des patates toute l'année pourvu qu'il ait la plus belle voiture du parking.
En tout cas, selon mes estimation sa bagnole équivaut à une année de salaire. Bon, sans doute qu'il a accès à des financements privilégiés. De toute manière, la voiture s'accorde parfaitement avec son costume et surtout sa chemise voyante de mafieux du New-Jersey. Je suis persuadé, enfin cela reste intuitif, que ce type dans sa tête s'imagine dans la City ou encore à Wall street !
C'est dommage qu'elles soient hors de prix même en occasion, sinon le bougre se serait offert une Aston Martin de trader, comme les vrais financiers qui brassent des milliards et se font des sueurs froides tout en se tapant le soir les plus belles escorts de la planète ! Il doit se passer Le loup de wall street en boucle le soir chez lui et s'identifier un peu à Patrick Bateman. Dès qu'Apple sortira l'iphone6, il l'aura le jour de sa sortie.
Bon, compte tenu de la manière dont il m'a parlé, des renseignements sur lui qu'il m'a fourni de lui même comme le fait de se déclarer économiste par exemple mais de ce que j'ai pu glaner par ailleurs, le bonhomme aurait quelques grosses tendances narcissiques que cela ne m'étonnerait pas. Fort avec les faibles, faible avec les forts, telle est leur devise. La seule manière de s'en débarrasser est de leur coller une droite quand il vous mette une claque.
Et nous voici vendredi, jour de mon rendez-vous au cours duquel je lui ai promis d'ouvrir un compte professionnel comme il me l'a demandé. Pour l'occasion, je suis accompagné de mon épouse que cela amuse beaucoup de corriger cet impertinent qu'elle a déjà envoyé balader voici quelques mois avant de clôturer ses comptes.
Cette fois ci, nous n'aurons pas de café car la Nespresso est cassée. C'est mon épouse qui commence les hostilités à sa manière, c'est à dire avec la grâce et la délicatesse d'une division blindée. Pointant tout ce qu'il m'a dit la dernière fois, elle s'étonne et lui demande des précisions juridiques. Moi benoitement, en bon psy un peu crétin, je ne moufte pas me contentant d'observer.
Ce que j'aime c'est faire tourner mon radar et observer les expressions de son visage. Comme la tête compte quarante-six muscles permettant au visage d'adopter des mimiques expressives, je suis à la fête. Bon, le type n'est pas mauvais et encaisse bien en adoptant une attitude de poker face. Ceci dit son occipito-frontal le trahit un peu. On le sent tendu pour tenter de ne rien montrer. Faites l'essai et tendez votre muscle du front et vous verrez que cela vous permet de garder une bonne contenance. On sent nettement que les avocats le font chier et qu'il aime bien aborder les points de droit avec ceux qui le maitrise peu.
Une fois qu'il a bien compris la différence entre le droit et la réglementation interne de sa putain de banque, ce qu'il avait tendance à confondre, je le sens mur pour la seconde couche. C'est à moi d'intervenir. Je lui parle en le fixant dans les yeux, les coudes sur son bureau. Comme il connait mon métier et que comme la plupart des gens il a tendance à conférer aux psys des pouvoir que nous n'avons évidemment pas, je le sens tendu. D'ailleurs, il s'éloigne et se cale bien en arrière dans son fauteuil directorial.
Je lui explique alors que comprenant qu'il n'a pas autorité pour accéder à ma demande, je vais tout laisser en l'état et couvrir mon découvert par un virement. Ce sera ainsi plus simple et cela ne le mettra pas en porte-à-faux par rapport à sa hiérarchie. Je m'amuse donc à lui rappeler ses limites. Je veille calmement et très gentiment à ne pas me mettre dans la peau de celui à qui l'on refuse ce qu'il demande mais dans celle de celui qui comprend que la personne en face de lui n'est pas assez haut placée pour décider. C'est misérable mais cela me fait un bien fou mais pas à lui.
Je le sens devenir teigneux. J'ai effectivement mis trois gouttes de pipi sur son territoire et il n'aime pas cela. Je crois que ce qu'il n'aime pas c'est quand je lui dis que finalement il n'a pas plus de pouvoir que le directeur d'établissement d’une petite agence postale. Et le voici qui devient arrogant me débitant tous les pouvoirs qui sont les siens. Pouvoirs que bien entendu je m'empresse d'amoindrir en lui rappelant sans cesse cette fameuse réglementation dont il m'a rebattu les oreilles lors de notre premier entretien.
Il souhaite me montrer ses ailes de géants et je ne cesse de mettre en relief les barreaux de sa cage. Après tout c'est lui qui m'a donné les munitions voici deux jours quand il était content de m'envoyer chier en se retranchant derrière ses putains de règles. Mais je le fais très gentiment en compatissant et Dieu sait si un narcissique n'aime pas être pris en pitié ou pire, considéré comme une victime d'un système qui le dépasse.
Et finalement je lui dis que le métier de directeur de banque est devenu terrible puisqu'il doit se coltiner tous les problèmes de management sans pour autant avoir beaucoup plus de pouvoirs qu'un simple conseiller de clientèle. Alors là, il se débat encore plus et m'explique que tandis qu'un conseiller clientèle pourrait aller jusqu'à un engagement de dix mille euros, lui peut bien plus. Je lui demande si c'est toujours dans les soixante-dix mille et là il ne veut pas me répondre arguant du fait que c'est un secret entre lui et la banque.
Là, il commence un peu à s'énerver mais pas moi. Je lui dis que je suis étonné qu'il fasse un tel cas d'un secret de polichinelle puisque c'est un renseignement que je pourrais obtenir en une heure. Là, il se ferme totalement. Je sens que cette capacité d'engagement c'est son talon d'Achille. Sans doute que dans sa tête, il se voit en grand argentier alors que dans les faits, il doit référer à sa hiérarchie lors d'une commission d'engagement dès lors que les financements qu'on lui demande excèdent un niveau relativement bas.
Et je lui décoche alors ma flèche du Parthe en lui disant que même si comme il me l'explique les dernières réglementations ont considérablement minoré sa marge de manœuvre, ce doit être plutôt sympathique d'être en prise avec l'économie locale au travers des petites PME et des artisans du coin pour qui le directeur de banque est un allié de poids. Pauvre gars, il n'apprécie pas vraiment ma réflexion. Lui il s’imaginait discuter stratégie avec Bernard Arnaud et voici que j'en fais l'allié de José le plombier. Un peu plus et je le dépeins en secrétaire d'une mairie rurale du siècle passé, poste souvent tenu par l'instituteur, à qui les analphabètes s'adressent pour remplir des formulaires. Il commence à m'expliquer qu'il a aussi de gros clients et que ...
Et que rien du tout, parce que je le coupe pour signifier que l'entretien est clôt. Je le remercie du temps qu'il m'a consacré. Je lui répète que je suis d'accord pour ne rien changer mais qu'à l'occasion je serais ravi de l'inviter à déjeuner parce que j'ai apprécié notre échange. Je suppose qu'il n'a pas très envie de déjeuner avec moi mais il ne peut pas m'envoyer balader. Quant à moi, j'aime bien inviter à déjeuner les salariés méritants.
Il nous raccompagne alors jusqu'à la porte. Je peux sentir tout le mal qu'il pense de moi mais j'affiche un sourire épanoui comme si lui et moi étions dorénavant les meilleurs amis du monde. Je me fends d'un "alors à très bientôt pour déjeuner" et il me répond un froid "avec plaisir".
Tout cela est bien sur inutile mais d'une part, en ce début de vacances pluvieux, je n'avais pas grand chose d'autre à faire et enfin c'est toujours amusant de faire de la psychologie appliquée. Et puis, je suis content de moi parce que je ne me suis pas énervé lors du premier rendez-vous. J'ai su différer la satisfaction, je ne suis pas tombé dans le piège.
Ceci dit maintenant j'ai intérêt à trouver une autre banque parce qu'au moindre écart, il ne me ratera pas ! Enfin, on a bien rigolé et c'est le principal. Parce que nous sommes de passage sur terre et qu'on ne va pas se laisser emmerder par des petits merdeux non ?
3 Comments:
Joli :)
joli ? une avocate et un psy foutent une branlée à un pécore à qui, finalement, ils n'avaient rien à demander (puisqu'un virement réglait le problème).
j'aimerais avoir la version où Philippe Psy et son épouse, sont toujours aussi intelligents, mais un brin ric-rac.
Parce que ce joli article tient la route, uniquement parce qu'il y a possibilité de faire ce fameux virement.
dès le départ nous savons où sont les forts et ou sont les faibles.
et en l'espèce, ce n'est pas le faible qui s'en prend au fort.
Sur le fond, il n'y a qu'un abruti (qui ne marche pas) et deux intellectuels (assis) :-)
Je plains vos futurs invités à déjeuner...! Ils vont se croire des TDC sans être DDB!
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