21 juillet, 2014

Au pays des mythos !

 Auditeur comptable chez KPMG, plus qu'un métier, une carrière militaire !

C'est marrant, plus le temps passe, plus j'ai l'impression que même ici en plein Paris, les gens réagissent comme les petits castelroussins après la guerre, quand après des années de disettes, ils voyaient se poser des avions remplis de choses du nouveau monde.

Si je peux comprendre qu'à Châteauroux en 1950, dans une France rurale et très marquée par l'occupation, on ait pu ainsi s'enticher de l'Amérique, j'ai peine à croire que cela soit encore possible à Paris en 2014. Mais force est de constater qu'à la manière d'un hochet agité devant un bébé, il suffit d'angliciser n'importe quoi pour le rendre attirant. L’Amérique, toute frelatées qu'elle soit, est encore le paradis insurpassable.

C'est d'autant plus navrant que cela touche des gens ayant fait de solides études. Les voir ainsi se complaire dans des attitudes que n'auraient pas reniées ces bons sauvages dont on parlait aux siècles passés échangeant leur trésors contre des verroteries. Il parait que Manhattan fut achetée pour quelques couvertures mais il me semble qu'aujourd'hui on puisse acheter la dignité d'un individu contre un titre en anglais assorti éventuellement d'un smartphone.

C'est ainsi qu'on me parle de CTO, de CIO et de VP et qu'un de mes patients est même devenu deal shepherd, c'est à dire "berger de contrat". Avant on aurait appelé cela de l'administration des ventes et cela nécessitait tout au plus un BTS force de ventes. Mais de nos jours, cela nécessite d'être passé par Paris IX. Dès lors que le patient a un lien plus ou moins direct avec la vie des affaires, j'ai le droit au franglais. C'en est devenu risible.

Bien sur les plus intelligents en rigolent ! Ceux qui ont le moins de recul sont cependant consternés par cette inflation de vocables anglo-saxons parce que c'est justement quand vous n'êtes plus capable d'adapter votre langue au progrès que votre civilisation disparait. D'autres au contraire, en plus de rire de ces niaiseries s'en amusent au quotidien, leur étonnement sans cesse renouvelé face à la création incessante de ces bêtises. Comme me le disait un ingénieur de haut niveau : "voir mes responsables user et abuser de franglais c'est rigolo c'est comme de voir des quadragénaires jouer à la marchande avec sérieux".

Le plus amusant, c'est un soir alors que je recevais un jeune type qui avait été soldat et avait fait la guerre, la vraie avec des morts et des blessés, de celles où l'on tremble pour sa peau. Le patient suivant m'annonce alors qu'il ne pourra pas venir à notre rendez-vus et qu'il le désole. Je lui propose alors de le recevoir à 21h00 mais il s'excuse en m'expliquant qu'il est en pleine war room et que cela risque de durer longtemps.

Dans les faits, connaissant son activité, il s'agissait juste d'une réunion destinée à trouver des arguments pour contrer un client ne désirant pas leur payer le solde restant du. Bref, ayant merdé dans la réalisation d'un contrat et leur client refusant de leur payer, il s'agissait de trouver tous les moyens pour faire rentrer a thune, quitte à leur offrir une garantie assortie d'un nouveau contrat. Rien que du très prosaïque et banal discours de VRP tel qu'on le connait.

Mais par la magie des mots, cette négociation qu'avant on pratiquait entre la poire et le fromage devenait une affaire d'état nécessitant une réunion en war room. Dans leurs têtes, cette bande de mythos, se retrouvaient dans le film Point limite. Et comme j'expliquais à mon patient qu'on aurait plus de temps parce que le suivant était en war room, celui-ci me demanda de quelle guerre il s'agissait. Comme je lui expliquais brièvement la situation, il ne put que me dire d'un air affligé : "mais quelle bande de mythos".

C'est dans ces moments là que je bénis le Ciel d'être en libéral, je crois que j'aurais eu du mal à m'intégrer dans ce monde. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si l'on m'avait expliqué que j'avais rendez-vous dans la war room. Je pense que j'aurais eu envie de les secouer pour leur dire de se réveiller que la guerre, la vraie ce n'est pas cela. Ils auraient fini par me foutre à la porte !

Peut-être que mon refus de la war room aurait fait de moi un outlaw voire carrément un maverick, enfin un truc américain super classe dont j'aurais pu me glorifier moi aussi !

Tu n'es qu'un humble consultant ? Alors toi aussi, fais l'américain comme Dick Rivers !

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Il faut jouer l'effet de surprise et se pointer dans la war room en armure de chevalier médiéval - AVEC le cheval qui va avec !

21/7/14 8:39 PM  
Blogger Unknown said...

J'ai remarqué qu'il y a même de vos idoles qui s'expriment en anglais sur votre blog! En femme ça donne...Sheila?

22/7/14 7:14 PM  
Blogger El Gringo said...

Maintenant on ne vend plus aux entreprises ou aux particuliers, on bosse en "B to B" ou en "B to C".

Le ridicule continu à ne faire aucune victime.

26/7/14 5:34 AM  

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