21 juillet, 2014

Solitude parisienne !


J'ai beau exercer à Paris, la solitude est un facteur que je dois de plus en plus prendre en compte dans les thérapies. On a beau imaginer que la capitale est pleine de promesses de sorties exaltantes et de possibilités extraordinaires, cela semble assez faux.

Si l'hédonisme est la valeur montante, il est assez terrible de constater que se préoccuper de soi-même et de son plaisir immédiat conduit de manière irrémédiable à la solitude. Jouir sans entraves c'est évidemment oublier autrui dans les plans que l'on projette sur l'avenir. Or cet avenir au fur et à mesure que les années passent s'assombrit. 

La bande de copains cools que l'on rejoint au café pour de super apéros aura tôt fait d'exploser parce que justement elle n'est qu'un remède contre l'ennui, un ersatz social à la terrible solitude de tous ceux qui pensaient que la vie c'était cool et que l'on ne vieillirait jamais. Le groupe est un phénomène terriblement adolescent qui n'a généralement pas vocation à perdurer quand on est adulte.

L'adulte est confronté au travail puis au couple et la cellule nouvellement formée, qui si elle n'obère pas totalement les amis, ne leur laisse qu'une juste place. Or force est de constater qu'à force d'avoir eu pour unique limite son amusement propre sans vraiment intégrer les contraintes liées aux autres, on parvient facilement à prendre des habitudes de vieux garçon ou de vieille fille. On peut même être totalement hipster et se comporter en vieux machin pénible.

J'ai ainsi dans ma clientèle des jeunes femmes trentenaires désespérément seules mais qui restent pourtant campées sur leurs principes de minettes de vingt ans et considèrent que si un type ne les accroche pas irrémédiablement en une heure, cela ne marchera jamais. A l'opposé, je peux aussi avoir de jeunes hommes trentenaires qui à force de "consommer des femmes" ont totalement oublié ce que l'engagement voulait dire.

Dans ce jeux morbide, la seule échappatoire possible est la rencontre coute que coute en espérant qu'on puisse enfin trouver celle ou celui qui plaira. Comment cela serait-il possible si l'on ne donne aucune chance à autrui mais que l'on attend juste que le moment de grâce se produise. Tomber amoureux c'est avant tout accéder à l'intimité d'autrui et non le/la trouver juste joli(e). C'est avoir de vraies valeurs communes qui vont au-delà de simples accointances concernant la musique que l'on écoute ou les pays que l'on aimerait visiter.

Entre les moments de rencontres furtives, le plus souvent acquis par l'entremise de sites dédiés, il y ale travail puis surtout la solitude. Laquelle est encore plus prégnante au moment des vacances quand on se dit qu'on a beau avoir rencontré cent personnes cette année mais que pas une ne sera disponible pour les vacances et qu'il faudra juste se contenter de quelques jours passés en compagnie des parents.

Il y a bien sur quelques aventuriers voyageurs qui se moquent pas mal de partir seuls, persuadés qu'en route, ils trouveront bien des quidams avec qui parler. Mais ce n'est pas la majorité de l'espèce. Puis, il y a les autres qui voient Paris se vider et attendent août avec anxiété se demandant ce qu'ils vont bien pouvoir faire de leur temps libre.

On imagine qu'il existe cinq réseaux sociaux qui structurent la vie : la famille, le travail, les amis puis les associations et enfin le voisinage. La solitude est au rendez-vous quand on n'en fréquente plus qu'un, ce qui est le lot de beaucoup de monde.

Si le travail est un puissant facteur d'intégration sociale, il n'est pas le seul. Certes, on sait que le chômage est un état qui fragilise grandement les personnes. Ceci étant, n'avoir pour seules sorties que prendre le métro pour aller travailler et rester tous les weekends chez soi est aussi un facteur aggravant.

Si la solitude augmente modestement le risque de mortailité à cause du stress, des études prouvent qu'elle peut cependant engendrer des dommages psycholigiques sévères. Dans des cas extrêmes, la solitude impacte directement la vie de la personne qui la subit. On a ainsi pu prouver que la solitude est corrélée au risque de cancer, spécialement chez ceux qui préfère la masquer mais aussi d'AVC et de maladies cardio-vasculaires.

Elle engendre aussi inévitablement des risques psychologiques comme la dépression et le suicide. La désocialisation peut aussi entrainer des conduites toxicomanes ou alcooliques. Enfin la solitude quand elle est trop importante a une influence directe sur les compétences cognitives comme la compréhension et la mémoire.

Un professeur de psychologie de l'Université de Chivago, John Cacioppo, explique que pour briser la solitude il faut appliquer une métthode en quatre étapes qu'il a nommé EASE pour Extend yourself, action plan, selection et expect the best.

Durant la première étape, il faudra sortir de ses habitudes (extend yourself) et tenter un effort pour changer ses habitudes et briser la routine quotidienne. Il s'agit de s'investir dans une activité quelle qu'elle soit (artistique, sprotive, caritative) de manière à élargir son environnement social.

Dans la seconde étape (action plan), il s'agira de bien préparer l'action en prenant en compte ses forcer et ses faiblesses. Il ne s'agit pas d'agir pour agir mais de murir l'activité qu'on va choisir de manière à ne pas se stresser. Si vous n'avez pas dépasser le niveau du bac L nul besoin d'aller suivre des concurrences scientifiques auxquelles vous ne comprendriez rien. De même que si vous êtes un grand timide, évitez les activités exigeantes socialement (danse, théâtre, etc.).

Dans la troisième étape (selection), il s'agit une fois l'activité démarrée de sélectionner les gens avec qui vous sentez que vous pourriez avoir des affinités. Ce n'est pas parce que l'on partage un moment social donné que l'on aura forcément des affinités avec tout le monde.Il s'agit de privilégier la qualité sur la quantité. Ce que justement ne font pas beaucoup de personnes qui sortent pour sortir et voient du monde pour voir du monde en multipliant de fait des moments sociaux de basse qualité impropres à juguler leur sentiment d'isolement.

Enfin la quatrième étape (expect the best), consiste à rester positif pour persévérer en espérant le meilleur. L'optimisme suscitera plus de réponses positives de la part de l'environnement qu'une attitude défaitiste. Cela permettra de renforcer le sentiment de rester connecté à la société en créant une boucle de rétrocation.
 
Les neurosciences sociales, sont une discipine émergente qui peut se définir comme étant l'exploration empirique, via la biologie et les neurosciences, des phénomènes traditionnellement examinés par la seule psycholgie sociale tels que les comportement altruiste, sexuels, de compétition, etc. Le but des neurosciences sociales est de comprendre les mécanismes biologiques qui sous-tendent les relation interpersonnelles.
 
Trois principes fondamentaux guident cette nouvelle approche :
  • 1) Tous les phénomènes psychologiques, qu’ils soient adaptatifs ou non (le domaine de la psychopathologie) sont sous-tendus par des mécanismes neurobiologiques.
  • 2) Les relations entre domaines biologiques et sociaux sont bidirectionnelles et réciproques : les événements neurochimiques influencent les processus sociaux, et ceux-ci influencent la neurochimie de l’individu. Par exemple le niveau de testostérone chez les primates mâles encourage les comportements sexuels tandis que la disponibilité de femelles réceptives influence les taux de cette hormone chez les mâles.
  • 3) L’articulation des niveaux d’analyse biologiques, cognitifs et sociaux favorise une explication plus complète de l'esprit humain et des comportements sociaux. L’idée étant que les humains sont des systèmes bio-sociologiques complexes, et que ceux-ci ne peuvent pas être compris par une simple extrapolation des propriétés de leurs composants élémentaires.
De fait, les interactions entre l'individu et son milieu ont des implications évidentes sur son comportement et sa santé. La solitude, en tant qu'absence totale de liens actifs avec autrui, est une variable importante à prendre en compte lors d'une thérapie. Il ne s'agit pas de briser la solitude pour endiguer la dépression, comme si l'interaction sociale était la suite d'une dépression enfin vancue mais bien au contraire de comprendre que la solitude, dans la mesure ou elle est subie, est totalement corrélée à la dépression.

Actuellement la plus âgée de mes patients a soixante-huit ans et se plaint d'une grande solitude. Comme elle ne cesse de me répéter, elle regrettera toujours d'avoir demandé le divorce. Et comme je ne cesse de lui répéter, je joue avec les cartes que l'on me donne. De puis un an que je la vois, je l'ai à peine écoutée, dans la mesure où ses plaintes récurrentes ne m'apportent aucun élément intéressant destiné à la traiter durablement.

En revanche, je me suis astreint à appliquer le modèle EASE décrit ci-dessus en la forçant à "avoir rendez-vous avec la vie chaque jour". La solution est empirique et basique et l'on est loin des grands concepts analytiques en vogue chez les intellos. Cependant, j'ai constaté une amélioration spectaculaire de son état. Et de la même manière j'ai pu constater que le psychiatre qui la suivait en parallèle réduisait de manière évidente, non seulement le nombre de molécules prescrites, mais encore leur dosage.

Bref, si vous vous sentiez seul, brisez ce cercle de la solitude en agissant. Et surtout privilégiez toujours de vraies relations épanouissantes à des moments sociaux médiocres.

7 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Le problème n'étant pas de rencontrer des gens mais de rencontrer des gens intelligents et intéressants qui font d'avantage que parler de la pluie et du beau temps.

Pas simple du tout !

21/7/14 6:54 PM  
Blogger philippe psy said...

D'où la nécessité de choisir et de ne pas se contenter de "moments sociaux" sans saveur ;)

21/7/14 8:43 PM  
Anonymous Anonyme said...

Ah, mais pour choisir il faut qu'il y ait du choix... or les gens intéressants se comptent sur les doigts d'une main d'un "adepte" du Yubitsume ! ;)

21/7/14 10:41 PM  
Blogger Lucie Trier said...

Superbe.
Je me sentais vieillote à n'avoir jamais supporté cette tradition sociaholique de ma génération qui consiste à voir des gens en zapping hystérique h24 sans vraiment les regarder.
C'est exactement comme lire, ce processus d'entrée active et multidimensionnelle devenu désuet, qui semble avoir quitté aussi le champ des mondanités. Si tant est qu'il ait jamais été, de tous temps, rien d'autre qu'exceptionnel.

23/7/14 12:48 AM  
Blogger El Gringo said...

"elle regrettera toujours d'avoir demandé le divorce"

Bien fait!

26/7/14 5:36 AM  
Blogger Unknown said...

"Le problème n'étant pas de rencontrer des gens mais de rencontrer des gens intelligents et intéressants qui font d'avantage que parler de la pluie et du beau temps." ??

le problème c'est que quand on parle s'autre chose de la pluie et du beau temps , la plupart du temps on se fait jeter.. totalement paradoxale augustine c..

1/12/14 2:09 PM  
Blogger Élie said...

On dirait que les gens se préoccupent d'eux-mêmes sans s'occuper d'eux-mêmes, alors qu'il faut s'occuper de soi ! Et pour moi cela ne passe pas par de la consommation à tout-va, mais par une meilleure connaissance de soi-même et de ses vrais besoins.
La consommation des ménages est paraît-il un indicateur de niveau de vie, mais sûrement pas à mes yeux un indicateur de bien-être !

12/6/18 11:24 AM  

Enregistrer un commentaire

<< Home