Management !
Lui, c'est un ingénieur des Mines hyper brillant et rigolo même si au premier abord il n'a pas l'air si drôle que cela vu qu'il a l'air de ce qu'il est : un ingénieur. Mais moi j'aime bien que les gens ne soient pas toujours ce qu'ils ont l'air d'être. Par exemple moi-même, je pourrais passer pour un gros con de base, ce que je ne suis pas du tout.
Alors mon ingénieur vient d'être nommé chef de projet. Autant vous dire que la belle vie est finie vu qu'il doit encadrer d'autres ingénieurs. Et c'est là que le bât blesse. Il leur donne des trucs à faire et ensuite, ils n'en font qu'à leur tête, c'est à dire le plus souvent rien. S'il ne les relance pas, rien n'arrive et à la fin il doit tout faire tout seul et même subir les engueulades de ses chefs à lui.
Bref mon pauvre ingénieur était fort marri de cette situation et in repensait avec nostalgie à la bonne époque où il n'était pas gradé et n'était responsable que de son boulot à lui. J'aurais pu lui dire que c'était bien fait pour lui et que cela lui apprendrait à vouloir être chef et que l'orgueil était le chemin de la perdition.
Mais délaissant la voie du prêche pour faire mon métier, lui et moi, nous sommes amusés à faire l'inventaire des trois gusses qu'il encadre. Il s'en est suivi que si l'un d'eux est une vraie plaie, les deux autres sont rattrapables. En ce qui concerne le mauvais, une seule voie à suivre, celle mise en scène dans Le parrain 2 quand Pacino admet qu'il faut assassiner son frère qui l'ouvre trop de manière discrète et que les tueurs l’exécutent au cours d'une balade en barque.
Une semaine après, le clampin était débarqué de la mission et on pouvait considérer qu'il avait débarassé le plancher. Restaient les deux autres ! Qu'en faire ? Assez jeunes, l'un et l'autre, et tous deux diplômés d'écoles d'ingénieurs, on ne pouvait leur reprocher leurs compétences mais simplement leur difficulté à être indépendants en faisant preuve d'initiative ! Quoique mon patient leur dise de faire, il fallait les surveiller comme le lait sur le feu.
Et donc ? Et donc rien ! C'est un phénomène que connaissent bien tous ceux qui ont un peu étudié le management. A la fin des années soixante, deux chercheurs, Blake et Mouton, valident une grille permettant de mettre en exergue quatre styles de management mêlant plus ou moins un accent sur les résultat et/ou sur l'humain.
Ce qui pose un problème puisque ces quatre types de management ne sont pas plus mauvais les uns que les autres. Des débats se créent pourtant au cours desquels on avance que tel ou tel style serait meilleur qu'un autre. c'est alors que deux autres chercheurs Hersey et Blanchard, mettent tout le monde d'accord en énonçant que ce débat est stérile.
Il n'y a pas un meilleur style de management qu'un autre, tous sont bons. Oui, tous sont efficaces mais pourvu qu'ils soient adaptés aux personnes que l'on doit manager. Ils classent donc les individus en fonction de leurs compétences et de leur motivation. Il s'ensuit dont que l'on aura quatre types de personnes à encadrer en fonction de leur maturité professionnelle :
Maturité faible D1: les collaborateurs n'ont pas les connaissances nécessaires et sont peu motivés.
Maturité moyenne-faible D2 : malgré un manque de connaissance, les collaborateurs sont motivés.
Maturité moyenne-élevée D3 : malgré les connaissances, les collaborateurs sont peu motivés.
Maturité élevée D4 : les collaborateurs sont à la fois motivés et compétents.
On comprendra que moins les salariés sont "matures", plus il fait être présent et faire preuve d'empathie en mettant au premier plan les facteurs psychologiques dans la manière de les encadrer. On les encadre certes mais on leur sert aussi de papa, de garde-chiourme et même de maman pour leur dire quand c'est bien. Bref, avec eux, il faut être présent. A l'inverse si l'on encadre du D4, nul besoin d'être très présent, il suffit d'expliquer aux gens ce que l'on attend d'eux puis de leur foutre la paix. D'ailleurs je lui ai dit que s'il voulait du D4, pourvu qu'il paye bien, je pouvais lui trouver deux ingénieurs très bien, dans le genre autonome, mais qu'aucun d'eux ne savait faire un nœud de cravate parce que ce sont de purs geeks.
Voilà c'était tout simple. Et voici que mon patient ayant évidemment parfaitement pigé le truc, de me dire : finalement moi je les encadrais comme j'aime que l'on m'encadre. Certes, certes, jeune ingénieur brillant ! Mais justement tout le monde, même s'il s'agit d'ingénieurs dument diplômé, ne possède pas ipso facto, la maturité professionnelle nécessaire à un style de management 1.1 !
Finalement, j'aurais du faire coach, c'est super bien payé coach. J'ai un patient qui voit un coach régulièrement et il l'admire. Moi, je trouve que son coach ne fait rien et que c'est moi qui règle les problèmes. Mais bon, comme je ne suis pas coach, que je n'ai pas eu d'expérience à l'international au sein d'une multinationale, on minore mes victoire. J'en ressens un fort dépit et parfois ça me donne envie de chanter Le mal aimé de Claude François.
Je suis parfois bien malheureux de ne pas être coach ! J'aurais eu des super costards, des Lobb, et un bureau dans le huitième arrondissement avec tout plein de boiseries sombres, des œuvres d'art contemporain, un grand tapis de soie et des lumières tamisées et j'aurais pratiqué des honoraires dispendieux ! J'aurais roulé en Jaguar f-Type et j'aurais eu ma cantine au Fouquet's.
2 Comments:
Généralement, les chefs de projet n'ont pas de responsabilité hiérarchique et c'est bien le problème. Ils ne peuvent que mendier des budgets et des délais auprès de leurs interlocuteurs transversaux.
D'autre part, les chefs de projets compétents et indépendants, soumis à une direction, font peur à leur direction qui a peur de leur expertise mettant en lumière la fréquente nullité des chefs de services. Donc, ils finissent au placard ou sont virés...
Principe de Peter.
Bien sur que les geeks savent faire un noeud de cravate : ils demandent juste à google de leur donner des explications. Bon, bien sur, le résultat ne sera pas nécesairement excellent, et le fait que la cravate soit correctement assortie avec le reste de la tenue n'est pas une certitude.
Variante : ils demandent à leur copine, voire leur mère pour les moins dégourdis.
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