12 janvier 2017 !
María Eugenia Ignacia Agustina de Palafox-Portocarrero de Guzmán y Kirkpatrick, marquise d’Ardales, marquise de Moya, comtesse de Teba, comtesse de Montijo.
- dite Eugénie de Montijo, Impératrice de France -
Par Winterhalter.
Oui, la date n'est pas anodine puisque ce matin, à onze quarante exactement, j'ai atteint l'âge vénérable de cinquante ans. J'ai donc pris une énorme claque. L'année passée, j'ai été invité aux anniversaires d'amis qui atteignaient ce même âge, ravis qu'ils étaient de fêter leur entrée dans la seconde moitié de leur vie. Et encore quand je parle de moitié, je suis gentil, encore faudrait il pouvoir vivre jusqu'à cent ans ce qui n'est pas donné à tout le monde. Tenez, à la fin de l'année, je suis allé aux obsèques de deux personnes. Le premier est décédé à l'âge de soixante-seize ans et le second à soixante-quatre ans.
C'est vous dire si c'est présomptueux de se dire qu'on a atteint la moitié de sa vie. Pour les moins chanceux, le plus gros est déjà fait ; il faut songer à choisir crémation, chêne ou acajou. Dans mon cas, ce qui est bien, c'est que j'ai déjà ma place dans un caveau sympa. Comme tout bon capricorne qui se respecte, je serai inhumé à l'endroit où j'ai toujours vécu. C'est déjà rassurant de savoir que quoi qu'il arrive, et quelle que soit la date, je resterai capricorne, adepte des habitudes jusqu'à la fin.
Pour le reste, c'est vrai que j'ai eu des dizaines de témoignages d'amitié. Moi qui aime me lamenter comme tout bon saturnien qui se respecte et me dire que décidément la vie est bien courte et qu'elle passe bien vite, je ne peux pas me plaindre d'être isolé. Je ne compte plus les SMS ou appels téléphoniques de personnes qui m'ont souhaité mon anniversaire. Cela me fait plaisir même si en vérité, je n'ai plus fêté un seul de mes anniversaires depuis l'âge de vingt-neuf ans. Quand le compteur est passé à trente, j'ai vite compris que quelque chose d'important arrivait. Quand il est passé à quarante, j'ai saisi que c'était grave. Et aujourd'hui, qu'il vient de passer à cinquante, je réalise que c'est irrémédiable.
Bien sur, les réactions furent différentes. Certains témoignages m'ont vraiment touché. Par exemple celui de mon père me disant "un demi-siècle, je n'en reviens pas". C'est certain que pour quelqu'un qui m'a connu au biberon, le changement doit être spectaculaire. Et puis, il y a les amis sincères qui se disent que les années ont passé sans vraiment m'altérer. Et c'est assez vrai. Né vieux, comme je le proclame souvent, les années n'ont pas de prise sur moi. Seul ce qui est à la mode se démode. Moi, je n'ai jamais aimé la mode. J'aurais traversé cinq décennies en étant généralement moi-même, ne sacrifiant à l'époque que ce qu'il fallait pour ne pas sembler totalement incongru. Mais pour le reste, s'agissant de mes idées, je crois être resté à peu près le même. Je déteste toujours autant l'autorité, c'est à dire les juges, la police, les élus et l'état de manière générale même si j'admets que tout cela est nécessaire.
C'est en achetant par hasard un Que-sais-je intitulé Les anarchistes de droite dans une librairie Place de la Sorbonne que j'ai enfin pu, à l'âge de dix huit ans, me classer politiquement. Depuis, je n'ai pas bougé d'un iota. J'aime l'ordre, le faste et le pouvoir et pour autant je serai toujours du côté des faibles et des opprimés. Et même si cet anniversaire m'a fichu un coup, j'avoue que savoir que je n'ai pas changé d'idées depuis trente ans et quelques années me fait plutôt plaisir. dussè-je mourir demain, j'aurais maintenu mes idées et mes principes. J'aurais pu faire de grandes choses que je n'ai pas faites, j'en avais les moyens. Je ne regrette rien. Au moins je serais resté le même et je n'aurais pas dilué mes principes moraux dans la fréquentation de parvenus.
Il eut ensuite les témoignages de mes deux amis les plus proches, Olive, celui qui est riche et roule en Ferrari, et Lionou, le fainéant qui se fait entretenir par sa femme. Ceux là, se sont foutu de ma figure parce qu'entre nous, existe une plaisanterie récurrente concernant la boite à caca. Si vous ne le saviez pas, ej vais vous l'apprendre. Il se trouve que l'administration, soucieuse de notre bien être, envoie depuis quelques années à tous les hommes venant de fêter leurs cinquante printemps, un courrier dans lequel on les avise qu'un kit de dépistage du cancer colorectal est disponible chez leur médecin. Avant, il s'agissait d'une petite boite dans laquelle vous glissiez un morceau de fèces. Maintenant il semble qu'il s'agisse d'une sorte de papier test avec lequel on doive s'essuyer l'anus. Mais dans notre imaginaire personnel et quelque peu enfantin, avoir cinquante ans, c'est recevoir sa boite à caca, à poster sous les plus brefs délais. Quand ils ont eu cinquante ans, quelques mois avant moi, je ne me suis pas privé de leur rappeler comme je l'avais fait au Gringeot quand il a fêter les siens voici quelques années.
Alors, ils se sont vengés, me rappelant avec force ire gras que moi aussi j'allais bientôt chier dans la boite. Ce serait bien mal me connaitre car même si je ne doute pas qu'il s'agisse d'un acte raisonnable, il est bien hors de question que je me plie aux désidératas de l'état. C'est stupide me direz vous et je l'admets. Mais moi qui ne gère déjà pas ma banque, je ne me vois pas gérer mes intestins en chiant dans une boite ou me frottant l'anus à un papier test. J'ai vécu en dandy et un dandy ne se résoudra jamais à faire ce genre de choses. Je suis sur que Le Touffier, chirurgien de son état, et ayant dépassé les cinquante ans, n'a jamais effectué ce test.
S'il ne l'a pas fait je ne me vois pas le faire non plus. Et si le moindre généraliste me reproche mon inconscience, je répondrai qu'un chirurgien brillant m'a expliqué que cela ne servait à rien. Le mot chirurgien ça calme tout de suite les bobologues. Rien qu'en l'écoutant, ils se mettent en PLS ! Et puis si par malheur, je finis avec un anus artificiel et une poche à merde, au moins je pourrais en rendre Le Touffier responsable en l'accusant de m'avoir mal conseillé. C'est toujours bien d'avoir un responsable à incriminer quand un malheur nous atteint. Rien de pire que de se dire que c'est le hasard qui nous frappe. C'est un coup à se sentir maudit de Dieu.
Et puis, il y a eu la réaction de Jean Sablon avec qui j'ai déjeuné ce jour maudit. Ce petit branleur qui n'a pas encore trente cinq ans a osé me parler de la boite à caca ; et pire encore, puisque alors que l'on commandait à déjeuner, il a osé me demander si c'était raisonnable pour mon cholestérol ou mon hypertension de vouloir manger ce plat. Il a osé me traiter en vieux. J'ai évidemment immédiatement contre attaqué en faisant courir le bruit qu'il était doté d'un micropénis. Pour le reste, il n'a eu le droit qu'à mon mépris parce que j'ai beau avoir cinquante ans aujourd'hui, pour rien au monde je ne voudrais en avoir vingt de moins dans le monde qui est le nôtre. Moi qui suis né en mille neuf cent soixante sept, je suis le dernier représentant d'un monde disparu. Je suis un survivant d'un monde auquel les jeunes rêvent tandis que je l'ai connu.
Je suis né sous De Gaulle, la première fois que j'ai embrassé une fille, il y avait Born to be alive qui passait, j'ai vu Coluche au théâtre du Gymnase, Le Luron à l'Edouard VII et vu la troupe du Splendid sur scène, fumé dans un avion, croisé Orson Welles, été triste à la mort de Claude François et parlé à des héros de Verdun ou Dien Bien Phu. Je suis le témoin d'une époque. Une époque à laquelle le franglais n'était pas la norme, ou seuls moins de quinze pour cent des élèves obtenaient leur bac et ou les anglais restaient l’ennemi héréditaire. Et tout cela cela me plait bien. Aujourd'hui, j'ai beau macérer dans une demie tristesse en me disant que décidément ces cinquante années ont passé bien vite, je suis tout de même heureux qu'elles soient passées de cette manière. J'ai de beaux souvenirs. Je n'aurais jamais connu Erasmus par exemple !
Je me dis que je suis le lien entre deux mondes. L'un disparu que certains tentent de ranimer et l'autre qui a éclot en mille neuf cent quatre vingt quinze avec l'Internet. Je me souviens que tout petit, mon arrière-grand-mère, décédée en 1973 à près de cent ans, m'expliquant qu'un des plus beaux souvenirs de sa vie aura été de faire la révérence à l'Impératrice Eugénie, l'épouse de Napoléon III. Et aujourd'hui que je fête mes cinquante ans, à défaut d'impératrice, le seul honneur que je pourrais avoir c'est de serrer la main de Cyrille Hanouna ou pire encore de l'infâme François Hollande !
Comme tous ceux de ma génération, je suis la charnière entre un ancien monde pour lequel j'ai de la nostalgie et un nouveau qui me déplait le plus souvent. C'est ainsi !
5 Comments:
Ah oui c'était indiqué votre anniversaire sur fb
"Lionou, le fainéant qui se fait entretenir par sa femme" Ah mais ça doit être chiant,j'imagine que c'est lui qui doit se taper les taches ménagères du coup XD
Houlà, cher quinqua, loin de moi la tentation de prétendre effacer le spectre d'une justice immanente en la dissimulant sous le tapis de la fatalité. Le dépistage c'est comme le réchauffement climatique, ça ne se discute pas.
J'ai simplement supposé que la production standardisée des boites à caca laissait peu d'espoir quand à la probabilité d'en dénicher une à votre taille, je n'ai jamais dit que c'était impossible.
Plus amusant que la boite à caca, se faire souffler dans le trou de balle pendant qu'on dort avec une caméra dans le fondement. Au réveil, on pète de bon coeur...
La coloscopie, c'est que du bonheur!
Intéressant contraste avec ma propre expérience... Né sous Giscard j'ai adopté les mœurs de l'époque à mesure qu'elle changeait: dans les années 80 fervent TouchePasAMonPotiste au social-démocratisme austère, dans les 90s fan de Music Videos, de sitcoms américaines et d'informatique 8 bits, au tournant du siècle accro à l'Internet et aux Badger-Badger et autres Grumly, les balbutiants hérauts des mèmes viraux qui inaugureraient bientôt l'ère des médias sociaux, pour finir dans les années présentes à forger mes opinions autour du phénomène du féminisme "intersectionnel" (=fourre-tout) de troisième vague.
Qui sait comment je vais finir... Mais bon, le changement constant n'est-il pas une forme de permanence ?
Ne l'écoute pas, Boss, El Gringo est prêt à toutes les extrémités pour sonner comme un pot d'échappement Kuryakyn. ;-)).
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