Dix ans déjà !
Vous l'aurez noté, j'écris peu depuis quelques temps. J'ai beaucoup de travail et d'occupations qui ne me laissent pas le temps de venir sur ce blog ce que je regrette. J'ai aussi peut-être moins d'inspiration et il en faut pour écrire des articles. Le temps je le retrouverai et l'inspiration aussi, je n'ai pas d'inquiétude. J'ai noté qu'il suffisait que je m'installe à mon bureau, que j'ouvre mon i-Mac pour qu'elle revienne. Je crois en effet que c'est en forgeant qu’on devient forgeron. Si l'on se tient loin de l'ouvrage, rien n'avancera.
A dire vrai mon éloignement n'a rien à voir avec le manque de temps ou d'inspiration. Du temps, j'en ai à revendre puisque j'ai organisé ma vie afin de pouvoir disposer de cette ressource dont tout le monde manque : le temps ! Pour en faire quoi ? La plupart du temps rien, d'autres fois, des choses. Quand je ne fais rien, je ne fais pas rien d'ailleurs, je lis, je collecte des centaines d'informations inutiles que je stocke dans ma mémoire.
Je me laisse alors voguer au gré de mes lubies pouvant aller d'un centre d'intérêt à un autre. Comme je l'ai souvent écrit et je crois être "l'inventeur de ce néologisme", je suis lubique. C'est d'ailleurs sans doute ce que j'aurais détesté à travers l'école puis les études supérieurs, cette obligation d'engranger des connaissances utiles au mépris des chemins de traverses que j'adore emprunter.
Je suis toujours stupéfait en voyant les gens aussi affairés autour de moi, toujours occupé à faire quelque chose qui leur semble important, n'ayant de temps pour rien d'autre et surtout jamais pour se laisser vivre. Moi j'ai organisé ma vie autour de mon activité professionnelle et de ma glandouille, cinquante/cinquante. Je concentre tous mes rendez-vous sur trois jour et demie, et le reste, je ne fais rien de précis, si ce n'est quelques menues obligations que je me dois d'accomplir. Et encore sont elles mineures dans la mesure ou je suis parvenu à n'avoir que des liens très très ténus avec la vie telle que l'envisage mes concitoyens.
Mon éloignement de ce blog, je crois que je le dois à ce fabuleux outil qu'est mon i-Pad air. C'est petit, léger, et doté d'une très bonne autonomie et cela me permet de lire sans quitter mon canapé. De ce fait, j'approche beaucoup moins de mon i-Mac et de ce fait de mon blog ! Je pourrais bien sur écrire de mon i-Pad mais quiconque a déjà tenté de taper un long texte sur un clavier virtuel sait que c'est impossible. Quand je vois mon épouse répondre à ses mails de son i-Phone, je suis admiratif, moi je ne pourrais pas. Je me borne à envoyer de brefs SMS, c'est vraiment tout ce que mes gros doigts gourds me permettent !
Pourtant ce blog, je l'aime beaucoup, il m'aura apporté beaucoup de bonheur et surtout beaucoup de belles rencontres. Si j'en parle ainsi aujourd'hui, c'est que cela fait dix ans déjà que je l'ai ouvert. Au départ, j'envisageais juste d'écrire des articles pour montrer que la réalité de nos cabinets, n'était pas celle que l'on décrit dans les romans ou les séries télévisées. J'en avais marre de l'image du psy froid, à la limite du sadisme et dénué d'empathie, pratiquant la reformulation rogerienne face à un patient dénué de toute pathologie que l'on nous présente sans cesse. J'avais envie de montrer une autre réalité, du moins celle qui est la mienne. Puis, de fil en aiguille, et parce que mes capacités de concentration sont limitées, je ne suis pas parvenu à suivre parfaitement la ligne éditoriale que je m'étais fixée et mes articles ont tapé dans tous les sens. Je gage que bon nombre de mes confrères me lisant ont du s'interroger sur ma santé mentale.
Elle va bien rassurez vous, ma santé mentale. Si je me suis laissé aller à écrire sur tout et n'importe quoi, c'est j'ai toujours été partisan de la dédramatisation. Quand je me suis installé voici bien des années, un vieux psychiatre m'avait mis en garde en m'expliquant que nous étions nombreux sur Paris. Je lui avais alors rétorqué qu'il avait sans doute raison et qu'il m'appartenait de faire valoir un savoir-faire différenciateur. Ce savoir-faire différenciateur tenait pour moi en deux choses : d'une part le fait que j'aie eu une vie avant qui me permette de comprendre ce que l'on me raconte sans pour autant psychologiser et enfin ma capacité à dédramatiser, sachant que de toute manière on finira tous par mourir et que ce serait idiot de mourir malheureux.
En dix ans j'aurais donc écrit des centaines d'articles sans doute très très inégaux sachant que mon objectif était en premier lieu de me faire plaisir et enfin d'être utile si d'aventure quelqu'un me lisait. Au départ, je ne pensais pas qu'on me lirait, ou alors par erreur, au gr d'une requête Google qui aurait égaré quelqu'un par hasard chez moi. A aucun moment, je n'avais envisagé que ce blog puisse me permettre d'avoir accès à une patientèle. Vous aurez noté qu'il est anonyme même s'il est possible par je ne sais plus quel tour de passe-passe d'obtenir mes coordonnées. Je l'ai ouvert pour moi, pour me faire plaisir, parce que j'aime écrire même si je ne mets aucune prétention dans cette activité. Donnez moi un carnet et un stylo et je suis heureux alors imaginez mon bonheur avec un ordinateur !
Dix ans se sont passés que je n'ai pas vus disparaitre. J'avais trente-neuf ans et j'en ai aujourd'hui quarante-neuf. Le monde va de plus en plus mal. Rien n'a évolué dans le bon sens en dix ans mais pour ma part, je surnage, je m'accroche et tout ne va pas si mal. Je reste stoïque et confiant pratiquant depuis longtemps un pessimisme optimiste de bon aloi : ça va mal finir mais après ça ira mieux.
Et bien que je ne l'ai pas cherché ce blog est aujourd'hui à l'origine de la moitié de ma clientèle. Il y a dorénavant les patients envoyés par les médecins pour qui j'ai évidemment le plus profond respect et ceux du blog qui restent pour moi particulier et pour qui j'aurais toujours plus de tendresse. Il faut dire que ce blog m'aura permis de connaitre des individus hors du commun que je pense, bien peu de confrères voient dans leurs cabinets.
En premier lieu j'ai été étonné d'être lu par autant d'ingénieurs. Pourtant, c'est de loin la catégorie socio-professionnelle la plus importante à être venue via ce blog. J'en ai tellement qu'aujourd'hui, je pourrais ouvrir une SSII ou un cabinet de conseil. Bien sur, mes ingénieurs à moi restent très très atypiques, cela va de l'ingénieur des Mines se passionnant pour les langues tokhariennes jusqu'au polytechnicien glandeur en passant par le centralien féru d'astrologie. J'ai une clientèle d'ingénieurs allumés assez improbable. Bien entendu, le terme "allumé" n'a rien de péjoratif bien au contraire ! Tous sont assez talentueux pour que leurs activité professionnelle ne représente qu'un faible pourentage de leur puissance de calcul, ce qui leur permet de se passionner pour des sujets parfois très ésotériques. C'est un vrai régal puisque cela me permet aussi de partager mes centres d'intérêt parfois étranges.
Ensuite, j'ai aussi eu beaucoup de médecins. Une fois encore, j'aurais pu monter un hôpital privé ! Du simple généraliste jusqu'aux spécialistes en passant par des chirurgiens, j'ai tout eu même parfois des spécialités peu communes comme une hématopédiatre ou une anatomopathologiste. Parfois, sachant qu'ils aiment à se tirer la bourre entre eux, chacun d'eux étant forcément le produit du concours très difficile de l'internat, le résultat d'une lutte à mort, je m'amuse à les opposer les uns aux autres. Le meilleur client à ce jeu là étant bien sur Le Touffier, chirurgien obstétricien de son état, à qui j'adore dire que j'ai dans ma clientèle un cardiologue qui pense le contraire de ce qu'il vient de me dire. Là, il bondit et ne cesse de me dire que les cardiologues sont des ù$@# et pire encore des &"'§# dont la pensée ne doit jamais être prise en compte. C'est toujours drôle de le voir bondir ainsi.
Enfin, j'ai aussi eu des professions plus confidentielles comme des policiers, des pompiers, des gendarmes, des militaires et même un petit gars de la Royale. Savoir que je suis lu dans ces cercles aussi étonnants que l'infanterie de marine, une frégate, une caserne de pompiers, une gendarmerie, un commissariat ou la DGSI m'amusera toujours. On se met derrière un écran, on tape et on ne sait jamais où finiront nos mots.
Une patiente récente, envoyée par quelqu'un venu précédemment du blog, m'a récemment dit que j'avais une clientèle étonnante et d'un niveau très très élevé. Je lui ai dit que c'était du à mon blog et que moi-même je ne me l'expliquais pas toujours. J'écris, je m'amuse la plupart du temps même si parfois je sais être grave et je ne maitrise pas le résultat. Sans doute que mon approche pragmatique de ma pratique alliée à mes idées politiques anarcho-droitières ont du séduire des personnes qui habituellement se méfient de ma profession. Effectivement, aller mieux n'est pas très compliqué. Pour d'autres encore, il a sans doute du exister suffisamment de similitudes entre eux et moi pour que cela les rassure. Oui, on peut sembler étrange à beaucoup de gens, avoir des lubies, des idées baroques sur le monde et n'en pas moins être totalement structuré et opérationnel.
Ces dix ans sont évidemment l'occasion de remercier tous ceux qui m'ont fait confiance en venant me consulter en espérant que je n'aurai pas démérité. Je ne le crois pas. Sincèrement, je pense avoir toujours rempli mon obligation de moyens, ne ménageant ni mon temps ni ma peine pour aider du mieux que je peux ceux qui m'ont fait l'honneur de me consulter.
Bien sur, sur le nombre, j'ai un ou deux regrets, une ou deux personnes pour qui je me dis que j'aurais sans doute pu mieux faire. Mais que voulez-vous, je ne suis pas à l'abri d'erreurs. Erreurs que je m'empresserai de réparer si d'aventure ces quelques personnes prenaient de nouveau rendez-vous.
Dix ans viennent de passer et je m'en souhaite dix autres, aussi calmes et agréables que celles qui viennent de s'écouler. Je resterai fidèle à mon blog et quitterai ma tablette afin d'écrire plus souvent.
Dans tous les cas, chers lecteurs, je vous remercie tous de votre fidélité et espère que vous m'accompagnerez pour ces dix prochaines années.
7 Comments:
waouhhhhh touchant cet article Philippe mais ça sent les Adieu!!je me trompe j'espère......
Bon anniversaire. Toujours beaucoup de plaisir à lire les articles publiés. Perso, je suis venu via H16.
Bonne journée
" Dans tous les cas, chers lecteurs, je vous remercie tous de votre fidélité et espère que vous m'accompagnerez pour ces dix prochaines années." Pas de soucis avec plaisir :D
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Cher psychothérapeute, un grand merci pour votre blog que je suis depuis le début ou presque. C'est toujours un immense plaisir de vous lire.
Félicitations pour votre succès mérité. Votre site est à la fois enrichissant, stimulant, fascinant et certains articles formidablement marrants.
Longue vie à vous et à votre blog.
A chaque fois que vous en parlez, je me dis que j'aimerais tellement rencontrer ces ingés et ces médecins qu'ils nous parlent de leur passions éclectiques et iconoclaste.
Alors je viens de créer un groupe FB "Les Lubiques".
https://www.facebook.com/groups/1860057850893730/
Rendez-vous là-bas !
J'ai beaucoup assoupli mon opinion au sujet des cardiologues, il leur arrive par inadvertance de déboucher des canalisations encombrées voire carrément de sourire sans retenue les jours de pleine lune des années bissextiles. Je sais garder un regard critique et un jugement lucide.
Mais peut-on sincèrement accorder sa confiance à ces dandys du 18 trous quand on les voit défaillir à l'approche du seul orifice qui assure la perpétuation de l'espèce, chargé des senteurs de l'orient, de la sueur de l'honnête travailleuse syndiquée et dont l'exploration méthodique évoque les riches heures du Duc de Berry et toute la complexité olfactive du terroir français, du noble Saint-Nectaire à la terrine de lièvre au calvados.
Et ne cherchez surtout pas à m'accuser de ségrégation ou d'amalgame, je vous mets au défi de dénicher le moindre Tweet de ma part qui témoignerait d'un début de condescendance envers l'orifice alternatif du petit sentier boueux. Les golfeurs ont bien leurs bunkers, personne n'est à l'abri d'une fausse manœuvre ou d'une erreur balistique plus ou moins volontaire.
Il ne s'agit pas d'une rivalité d'ordre technique mais d'une dualité patriotique, quand le cardiologue soigne son put sur le green, le gynécologue franchit le Col de l'Utérus au son glorieux des trompes de Fallope, négligeant les mugissements de ces féroces soldats qui s'étendent sur nos compagnes, insensible au sang impur qui s'écoule du sillon, solide sur ses appuis et âpre à la tache, il inonde de mornes plaines du soleil d'Austerlitz et éventuellement de bestioles entreprenantes, car enfin, si Grouchy avait été gynécologue, Blücher ne serait arrivé qu'après la délivrance victorieuse et on trouverait la station Waterloo entre Bir-Hakeim et Cambronne, et n'y voyez aucune allusion fâcheuse au message que je souhaite transmettre à mes excellents confrères et néanmoins collègues.
On ne compare pas un patriote et un joueur de golf, monsieur, c'est tout. Ou bien on s'égare, et pas toujours Saint-Lazare.
Je ne vois toujours pas ce qui peut vous amener à envisager une rivalité sordide entre spécialités médicales. Bon anniversaire malgré tout.
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