05 février, 2018

L'écoute !



Une fois, on déjeunait avec Le Touffier en compagnie de deux de mes patients, deux Nicolas. Outre le fait qu'ils portent le même prénom, les deux se distinguent par un TDAH avéré. Ce sont de vrais hyperactifs et de vraies mitrailleuses. J'en avais un à droite et un à gauche et les deux ne cessaient de parler à toute vitesse avec de grands gestes.

A un moment donné, Le Touffier m'a demandé comment je faisais pour supporter un tel bombardement. Je lui ai répondu que c'était sympa, que j'avais l'impression d'être Ben-Hur dans son char entraîné par deux chevaux piaffants et hennissant. C'est vrai que c'était l'impression que j'avais. Les deux sont tellement bourré de vitalité qu'ils en devenaient saoulant mais comme je sais m'y prendre avec eux et que je suis un bon gars, je maitrisais assez bien la situation. J'avais l'impression de faire le tour du Colisée avec mon attelage furieux.

Alors Le Touffier qui n'est pas la moitié d'un imbécile vu qu'il est chirurgien, m'a demandé si je parvenais à écouter ce qu'ils disaient vu le flot ininterrompu de paroles qu'ils proféraient. Je lui ai répondu que non, que je ne les écoutais pas vraiment ou à la limité un mot sur dix et que cela suffisait. Parce que s'il fallait perdre son temps à écouter les patients, je n'en aurais pas fini de m'emmerder.

C'est assez drôle que j'aie pu dire ça vu que l'essence même de ma profession est d'écouter les gens, ce que je fais assez bien. D'un autre côté, je ne vous cacherai pas qu'ils racontent tous la même chose. Alors que faut il faire, écouter ou non ? 

Comment vous répondre ? En fait, bien sur que j'écoute les gens et même que c'est le principal reproche que je fais à certains confrères en leur reprochant de classer trop vite les gens dans des boites alors qu'il suffirait de les écouter.

Bref je suis le mec qui n'écoute pas toujours ou imparfaitement alors même que je pense que l'écoute est le fondement de notre profession. Comment réduire cette inéquation ? Comment rendre intelligible ce qui apparait comme un syllogisme.

J'en parlais justement jeudi avec Jean-Caribou, un patient émigré au Québec, venu en France pour faire un tour et qui ne manque jamais de venir me voir à cette occasion. On parlait justement d'écoute et je lui soumettais cette curieuse attitude que je peux avoir, qui fait que je n'écoute pas toujours les gens tout en promouvant l'écoute. J'avais l'impression que j'étais le mec capable de dire qu'il faisait nuit et jour en même temps tout en étant persuadé que ce que j'exprimais était véridique. Parce que parfois, je pense des trucs qui sont pour moi d'une logique absolue alors que cela n'apparait pas comme tel aux autres. J'ai l'habitude de dire que je me comprends et que c'est le principal.

Et voilà que Jean-Caribou saisit parfaitement ce que je veux lui dire et m'explique que là-bas au pays des grands espaces blancs, il a pour ami un vieux psy qui frise les quatre-vingt balais qui lui a expliqué qu'il n'écoutait qu'avec les patients il n'écoute pas ce qu'ils disent mais ce qu'ils sont. J'ai trouvé la formule jolie et totalement adaptée à ma pratique.

C'est vrai que je me suis toujours vu en tailleur de pierre. En fonction de la structure et de la forme je sais à peu près ce que je vais pouvoir faire de la personne en face de moi. A partir de là, les gens me parlent et c'est bien normal et je retiens ce que je veux et c'est aussi normal.

J'écoute ce qu'ils sont et non ce qu'ils disent. Ça fait cucul sorti tout droit d'un séminaire de coaching mais c'est assez juste comme formule. Je la ressortirai un peu honteux parce que je trouve cela aussi juste juste que c'est cucul.

M'en fous, suis sur qu'il y en a qui trouveront ça super et qui se diront que j'ai tout compris. C'est le principal : l'effet qu'on a sur les gens.

2 Comments:

Blogger Nicole said...

C'est cela il y a les paroles et la musique.

20/2/18 3:38 AM  
Blogger cmosorchestra said...

Je pense qu'Henri Virlogeux vous aurait donné raison.

25/4/18 12:54 AM  

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