27 janvier, 2007

Haro sur les psys !


Voici quelques temps que les psys sont sous les feux de l’actualité. D’ou cela vient-il, je n’en sais rien. Toujours est-il que l’on nous suspecte manifestement de dangereuses pratiques.

Manifestement, le monde psy semble infesté de gourous sectaires, d’obsédés sexuels et d’incompétents, tant et si bien, qu’à l’initiative du député Accoyer, une loi stupide a même été votée visant à réglementer le titre de psychothérapeute, qui serait dès lors réservé aux seuls psychologues et psychiatres, qui sont des professions réglementées par l’Etat. Or, de l’Etat point de salut, et tous ceux qui ont pu faire des formations privées, dont certaines sont pourtant excellentes, n’auront peut-être plus le droit au titre de psychothérapeute. Seuls les psychanalystes ont échappé à cette loi en ayant le droit de s’organiser eux-mêmes. La loi est donc singulièrement injuste et idiote puisqu’elle n’autorisera pas un simple psychothérapeute ni médecin et ni psychologue à traiter un individu, mais autorisera un simple psychanalyste, lui même ni médecin, ni psychologue, à le faire, alors que la psychanalyse est elle-même une forme de psychothérapie. Nous ne sommes plus dans a règle de droit mais dans le n’importe quoi. De plus, à moins de travailler avec des ayatollahs de la santé mentale, chaque psy sait que les frontières entre formations sont moins marquées qu’il n’y paraît. Certains psychiatres ont même expliqué au ministère de la santé que cette loi était stupide et qu’eux-mêmes adressaient des patients à des psychothérapeutes non psychologues en qui ils avaient toute confiance.


Les études de psychiatrie et de psychologie sont, certes des études garantissant un excellent niveau en psychopathologie mais ne comportent pas de modules pratiques de psychothérapie. Dès lors, imaginer que ces seuls diplômes garantissent un bon niveau en pratique psychothérapeutique est illusoire. La psychothérapie est un métier bien particulier nécessitant certains outils et une pratique particulière ; D’autre part, sachant qu’il existe plus de deux cents types de thérapies recensées, on imagine mal comment l’Etat pourrait préparer à chacune d’elles. De plus, tout psychologue ou psychiatre dûment formé, peut, pour des raisons personnelles, se sentir attiré par tel ou tel type de pratique thérapeutique qui ne serait pas celles offertes par les universités. Enfin, à moins d’être crédule voire totalement débile, aucun texte de cette sorte ne peut rien garantir au patient. Des psychiatres ou des psychologues peuvent commettre des abus. S’il suffisait que les professions soient réglementées pour faire naître l’honnêteté, cela se saurait.


A l’initiative de cette loi, il y a toujours bien entendu, le souhait de protéger le public de pratiques dangereuses de professionnels mal formés. De toute manière, souvenez-vous, que chaque fois l’état restreint votre liberté, le motif allégué est toujours la nécessité de vous protéger. A l’heure actuelle, le décret d’application de cette loi, n’a toujours pas été publié. Et en tant qu’ancien juriste, je ne vois pas comment il pourrait être rédigé et surtout appliqué. Mais l’état nous a habitué depuis quelques temps à une foule de lois bidons inapplicables, oubliant le bel adage de Montesquieu qui disait : « Les meilleures lois ne sont pas les plus justes, mais celles qui durent ». Comme toujours en France, depuis quelques années, l’hystérie législative est à l’œuvre, et on préfère créer une nouvelle loi plutôt que d’en appliquer d’anciennes existantes.

Le Code pénal recèle pourtant d’excellents articles destinés à protéger les individus de toutes pratiques abusives. Qu’il s’agisse d’atteintes à la personnes (abus sexuels, abus de faiblesse, etc.) ou encore d’atteintes aux biens (vols, escroqueries, etc.), des lois existent et peuvent être appliqués et je n’imagine pas que les psys sont des individus si particuliers qu’ils nécessitent un arsenal législatif sur mesure. Si un individu veut se plaindre de son psy, c’est simple ! Qu’il dépose plainte au commissariat le plus proche ou avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instruction du Tribunal de grande instance dont il dépend. Auquel cas, le psy incriminé, quelque soit sa formation, sera auditionné par la police et éventuellement poursuivi par un procureur auquel cas un juge d’instruction sera éventuellement désigné pour instruire l’affaire.. Suivant l’instruction, soit il n’y aura un non lieu, lorsque l’infraction n’est pas constituée, soit un renvoi devant le tribunal correctionnel, en cas de délit, ou en Cour d’assises, en cas de crime. Si le psy est médecin, ce sera au Conseil de l’Ordre des médecins de statuer en première instance.

Au-delà de tout cela, souvenons-nous qu’en droit français, seul un médecin est habilité à porter un diagnostic et à procéder à un traitement, quelque qu’il soit. Dès lors, que l’on soit psychologue et psychothérapeute, ou seulement psychothérapeute ou psychanalyste, le traitement n’est possible que par une tolérance de l’Etat et ne remet pas en cause le rôle du médecin dans la santé publique : aux patients de prendre des renseignemetns auprès de leur médecin traitant avant d'aller d'eux-mêmes consulter le premier charlatant venu.

Le législateur, n’avait donc pas attendu le docteur Accoyer, ORL de formation ce qui n'en fait pas un juriste quelle que soit ses prodigieuses capacités, pour prévoir ce genre de choses. Alors pour qui roule Monsieur Accoyer, et d’où vient cet acharnement contre une profession qui globalement s’auto-organise plutôt bien ? Certains confrères imaginent que les laboratoires pharmaceutiques auraient organisé un énorme lobbying afin de réserver la pratique thérapeutique aux seules professions de santé, afin de pouvoir fourguer des psychotropes plus facilement. D’autres confrères, ayant établi un profil psychologique de ce député, arguent du fait qu’il aurait des tendances paranoïaques sévères avec un délire persistant l’amenant à considérer les psys comme des individus potentiellement dangereux. Le bon député Accoyer serait, selon certains confrères une sorte de Edgar J. Hoover, rêvant d’un contrôle total. Bien sûr, on admet que certaines personnes, connaissant leurs travers pathologiques mais désireuses de ne pas être démasquées, ont une peur panique de notre profession. Pour ma part, je me garderai bien d’adhérer à l’une ou l’autre de ces théories, je ne fais que me poser des questions !


Ce que je regrette, c’est qu’il existe encore une nouvelle loi liberticide. Le droit français prévoit pour ceux qui n’ont pas leurs facultés, trois régimes de protection. Il s’agit du plus strict au plus souple :

  • Le régime de représentation : La tutelle dans laquelle, le tuteur ou son représentant légal est donc seul habilité à effectuer pour le majeur protégé tous les actes, et ce sous le contrôle du Juge des Tutelles ou du Conseil de famille.

  • Le régime d’assistance : La curatelle qui est une mesure permettant de conserver à la personne sa capacité d’effectuer les actes de la vie courante (entre autres de gérer ses ressources). Elle institue une véritable collaboration entre la personne protégée et le curateur.

  • La sauvegarde de justice : Il s’agit d’un système de protection immédiat, soit dans l’attente de la disparition des altérations des facultés mentales ou corporelles, soit dans l’attente d’un jugement de mise sous tutelle ou curatelle (le plus courant). Il s’agit d’une protection rapide et provisoire qui n’affecte pas les capacités juridiques de la personne.

Enfin, pour toutes les personnes ne rentrant dans aucune de ces cases, l’Etat qui veut votre bien, vous permet d’invoquer l’Article fourre-tout 223-15-2 du Code pénal, réglementant l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, qui stipule :

« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables […] »
Comme on le voit, femmes enceintes, handicapés, ou déficients mentaux, l’Etat mélange tout, confond toutes les situations mais protège tout le monde dans une fureur de christianisme social dévoyé, bien décidé à faire votre bien ! Voilà, maintenant, tout le monde eput geidnre et invoquer la protection de l'Etat pour n'importe quel motif ! Même si cet article n’est plus du droit mais du n’importe quoi, qui amènera bien des affaires en Cour de cassation, au moins nous permet-il de constater que le projet de loi du sieur Accoyer n’était pas nécessaire !

Dormez tranquilles bonnes gens, l’Etat veille sur vous ! Et il veille tellement bien sur vous, que dorénavant il vous enjoindra de consulter untel ou untel mais certainement plus le psy que vous aviez choisi en toute connaissance de cause, voire sur les conseils de votre médecin. L’Etat sait ce qui est mieux pour vous. L’Etat pense pour vous.