27 janvier, 2007

Salauds de psychothérapeutes !



J’ai trouvé un superbe site que j’ai lu de long en large. Il s’agit du site Psychothérapie Vigilance. Déjà, l’appellation est excellente ! Comme j'ai une imagination débordante, je me représente déjà une milice de blaireaux déguisés en chasseurs du dimanche et armés de nerfs de bœufs pour patrouiller sous les fenêtres de nos cabinets prêts à traquer tout déviant. J’entends déjà les aboiements de leurs berges allemands et je commence à avoir peur !

La page de garde vaut son pesant d’or puisque l’on annonce carrément :


«Psychothérapie Vigilance est au service des demandeurs de soin psychique
et des victimes de psychothérapies déviantes ou abusives.»

Pourquoi pas, les gens sont libres mais d’où leur vient leur mission et surtout en quoi sont-ils aptes à évaluer quoique ce soit ? Ainsi, si on se sent victime d’un psy, ce qui peut arriver, plus besoin d’aller voir la police, puisque Psy Vigilance, est là et veille sur vous. Et après, que font-ils ? Ben, j’imagine qu’ils conseillent de faire ce que j’expliquais dans l’article précédent. A savoir que si vous vous estimez victime d’un psy, ce qui peut arriver, il faut aller déposer plainte et puis voilà. Les textes existent et les avocats sont là pour cela !

Je vous laisse le soin de lire la page d’introduction de ce site. Finalement, il me semble que l’auteur, ayant connu, lui-même ou un de ses proches, de graves déboires en suivant une thérapie effectuée par un charlatan, ait voulu partager son expérience en proposant à ses lecteurs de ne pas tomber dans le même piège.

Allez soyons sérieux et analysons le message. Si l'intention de l'auteur de ce site est louable, la méthode employée est plus que discutable. En effet, l’auteur en appelle encore et toujours à l’Etat comme si la caution étatique était une garantie d’honnêteté. Tout au plus, cette caution est une garantie d’un niveau de formation mais rien d‘autre. Et encore, existe-t-il de nombreuses formations privées garantissant aussi un excellent niveau. De toute manière, même un psychiatre ou un psychologue, sera obligé une fois son diplôme en poche de suivre une formation privée s’il veut devenir spécialisé dans un type de thérapie car la faculté n’y prépare pas !

Enfin, il semble que son cheval de bataille soit la lutte contre les sectes et il accuse certains psychothérapeutes autoproclamés ou pseudo-thérapeutes d’être des chevaux de Troie, embrigadant des gens faibles dans leurs girons. Ce combat contre les sectes est louable sans l’être car il y a un risque énorme de judiciarisation de la pensée et des croyances.

N’oublions pas que voici deux mille ans, des chrétiens furent jetés aux lions, et que voici environ soixante ans, les juifs furent persécutés, au motif que leurs croyances ne convenaient pas aux pouvoirs en place (pouvoirs pourtant réguliers). Si l’on ne peut que combattre les groupuscules criminels manipulant les individus fragiles, reste encore et toujours à définir ce qu’est une secte ! Sinon, c’est remettre au législateur la capacité de définir ce en quoi l’on peut croire ou non ! Et c’est un grave danger, cela s’appelle la dictature ! Pour ma part, je pense que la psychanalyse fonctionne un peu comme une secte et n’a pratiquement aucun intérêt thérapeutique. Pourtant il ne me viendra jamais à l’idée d’exiger une loi l’interdisant ! Les gens sont libres et je n’ai aucune envie de les mettre sous tutelle ! J'ai aimé Jung, je trouve qu'il ya quelques bonnes trouvailles et j'évite de jeter le bébé avec l'eau du bain.

Enfin, l’auteur semble penser que la dérive sectaire serait le fait de psychothérapeutes autoproclamés qu’il appelle pseudo-thérapeutes. Déjà attention aux termes employés car Lacan ne disait-il pas qu’un psychanalyste ne s’autorise que de lui-même. De plus, quelle que soit sa formation, se lancer dans la psychothérapie ne dépend jamais uniquement de sa formation mais aussi de la confiance que l’on a en soi. On finit donc toujours par s’autoproclamer capable. Un individu qui se sent capable uniquement du fait de la caution que lui donne l'Etat serait un pauvre type dénué de conscience, une sorte de gros immature dangereux. un jour lisez La mort est mon métier, et vous verrez ce que donne un type qui pense que ce qu'il fait est bien simplement parce que cela s'inscrit dans un cadre légal ! La légalité ne suffit jamais, il faut une conscience pour choisir !

La thérapie est une activité en marge de la médecine mais n’est pas de la médecine, et s’apparente plus souvent à une démarche philosophique dans laquelle un individu tente de donner du sens aux expériences qu’il vit. Et s’en remettre toujours à l’Etat revient à dire que ce serait à lui, de décréter par exemple, qui est philosophe, de qui ne l’est pas. Quelle que soit les motivations, trop réglementer cette activité reviendrait aussi à reconnaître que les difficultés de vie, divorce, deuils, mauvaise orientation, chagrins d’amour, sont en fait des maladies que l’on peut circonscrire et traiter de la même manière ! De plus, comme le fait fort justement remarquer l’auteur, tous les gens connaissant des difficultés de vie n’ont pas forcément besoin d’un psy. Ce qui est problème pour untel ne l'est pas pour autrui alors que dans la médecine, un virus aura en général la même nocivité ! Non, la psychothérapie n'est définitivement pas de la médecine !

Voyons maintenant ce qu’est une secte.

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES - anciennement : MILS Mission Interministérielle pour la Lutte contre les Sectes) est un organisme de l'État Français ayant comme mission d'observer et d'analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire. Le rapport de 1999 de la MILS donnait la définition suivante du mot « secte » :

« Association de structure totalitaire, déclarant ou non des objectifs religieux, dont le comportement porte atteinte aux droits de l'Homme et à l'équilibre social ».

Pour sa part, la Commission des droits de l'Homme proposait fin 1993 cette définition :

« Groupement se présentant ou non comme une religion, dont les pratiques sont susceptibles de tomber sous le coup de la législation protectrice des droites des personnes ou du fonctionnement de l'État de droit ; comportement sectaire : refus des lois, en exerçant des voies de fait, en accomplissant des détournements, des abus de confiance, des infractions financières et fiscales, des mauvais traitements, de la non-assistance à personne en danger, des incitations à la haine raciale, des trafics de stupéfiants ».

On le voit la notion de secte est totalement obscure car bon nombre de partis politiques, hier pourchassés, aujourd’hui au pouvoir, auraient pu être qualifiés de mouvements sectaires. Ce fut sans doute le cas de toute religion naissante. Que faire ? Accepter, à l’instar des syndicats représentatifs, que tout ce qui n’est, ni catholique, ni protestant, ni juif, ni musulman relèverait du mouvement sectaire ? La définition est à creuser sous peine de dérives liberticides. Par exemple, notre conception des sectes heurte les américains habitués à la plus totale liberté religieuse. Allez à Los Angeles, et vous verrez que les sectes, qui sont appelées « Eglise de je ne sais quoi », pullulent. Elles sont cependant encadrées par des lois et ne peuvent se permettre n’importe quoi, souvenez-vous des Davidiens de Waco. Il faut certes canaliser les délires, sans pour autant tous les interdire !

Enfin, pour être qualifiée de secte, il faudrait que coexistent les critères de dangerosité suivants :
D'une part

  • • La déstabilisation mentale

  • • Le caractère exorbitant des exigences financières

  • • La rupture avec l'environnement d'origine

  • • L'existence d'atteintes à l'intégrité physique

  • • L'embrigadement des enfants, le discours antisocial, les troubles à l'ordre public

  • • L'importance des démêlés judiciaires

  • • L'éventuel détournement des circuits économiques traditionnels

  • • Les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics


  • D'autre part

  • • La menace d'atteinte à l'ordre public

  • • Des conditions de vie déstabilisantes

  • • Les atteintes à des personnes en état de faiblesse et d'ignorance

  • • La sujétion mentale conduisant à des actes ou à des abstentions préjudiciables

  • • Le refus des autres et l'isolement dans un groupe

  • • La violation des principes fondateurs de la République

  • • Le non-respect des conventions internationales ratifiées par la France


Tous ces critères sont proprement délirants ! Car si on les applique stricto sensu, alors on peut qualifier les religions classiques mais aussi bon nombre d’organisations politiques et syndicales ou la franc-maçonnerie de sectes ! Par exemple, pour un laïque pur et dur, rentrer prier dans une église sera un acte totalement aberrant relevant de la psychiatrie et le prêtre sera un gourou. Pourtant l’Eglise n’est pas une secte. Durant la seconde guerre mondiale, un mouvement de résistance aurait pu être qualifé de secte au regard de ces critères.

Si tout est secte, rien n’est secte ! Nous ne sommes plus dans le droit mais dans le fait du prince, dans ce que l’on nomme une clause purement potestative, et ce n’est plus du droit. Une clause potestative est une clause faisant dépendre l’existence d’un droit de la seule volonté de l’une des parties à l’acte. Par exemple, si je vous achète une voiture et que je vous dis que je vous la paierai quand je veux ou si je veux, alors c’est une clause purement potestative. La définition de la secte prend ce même chemin puisque c’est le législateur, qui via des groupes non élus (c’est important), s’arroge le droit de désigner tel ou tel groupement du vocable de secte.

Pour ma part, je pense que seul le second critère est valable lorsqu’il est associé à un groupement enseignant une croyance. En effet, dès lors qu’un groupement exige de vous des contreparties financières exorbitantes, il y a de grandes chances que vous ayez à faire à une secte. Les religions classiques, n’exigent jamais rien de tel. Et vous pourrez par exemple vous convertir à l’Islam ou au Catholicisme, en suivant un enseignement gratuit. Méfiez-vous où il y a demande excessive d’argent il y a souvent escroquerie.

Alors ma conclusion est que ce site fort bien réalisé, et très riche, part d'une excellente intention mais me semble toutefois très excessivement alarmiste et simpliste dans sa démarche en instaurant un climat paranoïaque. Je pense que l'on peut parvenir à mettre les gens en garde sans pour autant sombrer dans le sensationnalisme ! De plus, certaines affirmations et amalgames, sont à la limite de la diffamation, tendant à discréditer des praticiens honnêtes au simple motif qu'ils ne seraient pas diplômés d'Etat. Je rappelle que la diffamation est l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé (article 29 de la loi du 29 juillet 1881 - en France). Il n'est pas nécessaire que le propos soit calomnieux (donc faux) pour tomber sous le coup de la loi. Une intention, fut-elle louable, ne permet pas d'écrire n'importe quoi ! Je connais des psychothérapeutes remarquables, diplômés en philosophie, qui font un travail admirable !

1- Je ne crois pas du tout à la nécessite de réglementer mais bien au contraire, comme je l’affirmais dans l’article précédent, de simplement utiliser l’arsenal législatif existant qui est bien suffisant. Toute loi est liberticide est contraignante pour les gens honnêtes.

2- Je ne crois pas que l’honnêteté soit liée à une formation fut-elle validée par l’Etat ! Par exemple, le grand Maître de l’Ordre du Temple Solaire, Luc Jouret, était médecin !

3- Je ne crois pas que les sectes soient un danger prééminent chez les psys, quels qu’ils soient. C’est l’arbre qui cache la forêt. Et en étant un peu malin, on peut facilement déjouer ce genre de psys sectaires ;

Alors oui, il y a effectivement parfois un risque de dérive sectaire de la part de certains confrères mais surtout un risque d’escroquerie, en dépensant du fric chez un charlatan sans voir de modifications de son état. Ces dérives peuvent être facilement évités sans pour autant exiger une nouvelle loi liberticide nuisant à des professionniels au-dessu de tout soupçons, pourvu que les patients soient normalement vigilants. Dans un prochain article, je proposerai quelques pistes.

Chers patients, si vous étiez aussi sérieux dans votre démarche thérapeutique, que vous l’êtes quand vous achetez un objet de consommation, les escrocs en seraient pour leurs frais !

Madame, soyez aussi sérieuse dans votre recherche de psy que vous l'êtes lorsque vous faites les soldes, prête à dénicher les bonnes affaires sans vous tromper !

Monsieur, soyez aussi malin en dénichant le psy qui vous conviendra, que vous l'êtes lorsque vous achetez votre bagnole, un ordinateur ou de la Hi-Fi, et que vous êtes prêts à dévorer des magazines pour être un acheteur averti !

Ne soyez pas crédules !

J. Edgar Hoover, fondateur du FBI et type pas très sympa mais très très très vigilant !

4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Psychologue, je ne suis pas du tout de votre avis, cher collègue. Réglementer n'est pas judiciariser. En l'occurence, il ne s'agirait pas permettre aux psychologues et psychiatres d'être thérapeutes sans autre formation ... mais pour l'instant toute personne peut se proclamer psychothérapeute sans autre formalité ! Et c'est un problème absolument préoccupant !!
Et si l'honnêteté n'est lié à aucun diplôme d'état, le suivi d'une formation sérieuses permet d'éviter que les individus les moins conséquents et les moins scrupuleux s'autoproclament thérapeutes ( ce n'est pas parceque la ceinture n'évite pas la mort à tout les coups qu'il faut l'abolir et qu'elle ne sert à rien !!)- faîtes un tour sur les pages jaunes ou les certains annuaires électroniques, c'est simplement révoltant !! (thérapies magnétiques, etc..) Il y a bien besoin d'une réglementation.

De même, si certains thérapeutes sans diplôme d'état s'en tirent bien, tant mieux. Une clause dîte "du grand-père" est prévue pour eux (art52 du projet de loi). Mais pour continuer sur la métaphore routière, ce n'est pas parceque certains ont appris à bien conduire sans permis qu'il faut laisser ma grand-mère rouler sans permis sur l'autoroute ... !

Bien à vous

27/1/07 9:13 PM  
Anonymous Anonyme said...

Halte aux escrocs, aux charlatans, aux manipulateurs, gourous et Cie d'accord mais il y en existe dans toutes les professions ! Alors pourquoi uniquement fustiger les psys avec cette réglementation arbitraire ? Dans ce cas, tous les corps de métier doivent être "épurés" !

Je ne pense pas que cette réglementation résoudra le problème car bon nombre de personnes bardées de diplômes ont le vice dans la peau et voueront leur vie à tenter d'enfumer, escroquer les autres. Donc seule la justice sera apte à leur faire barrage ! Il serait d'ailleurs intéressant de comparer le cursus universitaires des thérapeutes qui ont commis des actes répréhensibles par la loi. Je ne suis pas persuadée que les fautes les plus graves aient été commises par des "auto-proclamés"…

Il faut juste un minimum de bon sens, que les personnes "outragées" s'en remettre à la justice en cas de préjudice !

Il est indéniable que pour exercer efficacement le métier de psychothérapeute, il faut des connaissances, une formation sérieuse mais il faut en plus un don d'une haute importance : celui de savoir d'écouter et ressentir les autres, avoir un radar pour détecter les souffrances ou les malaises est bien plus important. Ce talent est inné et donc ne s'apprend pas !

Ce besoin de réglementation sent la frustration de ceux qui la réclament : des gogos écervelés et dépourvus de bon sens qui ont été abusés ou des thérapeutes surdiplômés qui n'arrivent pas à se frayer un chemin parmi la concurrence de psys moins diplômés, tout à fait honorables qui font un travail extraordinaire grâce à leur talent… donc on demande lâchement à l'Etat de légiférer pensant que tout va s'arranger !

Quant aux gourous, ils trouveront une autre parade !

28/1/07 3:20 AM  
Blogger philippe psy said...

Merci pour vos commentaires.

Cher Cv, je rédigera prochainement un article pour vosu répondre. D'ores et déjà, je ne puis que m'inscire en faux contre vos arguments même si je vous comprends.
Je pense que vous manquez de discernement.
Cordialement
Philippe

29/1/07 1:22 AM  
Blogger laurent said...

Bonjour
Merci pour ce site rafraîchissant
Pour ce qui concerne la législation, je rejoins votre raisonnement
Il existe déjà un arsenal légal important et suffisant pour gérer d’éventuels abus.
Ils ne sont pas plus nombreux chez les psychothérapeutes que chez les médecins, les psychologues les psychanalystes ou les plombiers zingueurs.

Une loi pourquoi pas ? Mais alors une vraie loi, juste, équitable, et intelligente et qui accepte les différences, pas une loi qui prend le titre des uns pour le donner aux autres en niant la spécificité de leur approche.
La profession de psychothérapeute s’est auto régulée en créant des certifications selon des critères clairs, et croyez bien qu’il n’est pas facile d’obtenir ces certifications. Les concepteurs de cette loi se sont bien gardés de les reconnaître.

Cette loi, au fur et a mesure de son avancement devient de plus en plus excluante et restrictive. Pour les aménagements destinés aux personnes déjà installées, ils consistent à faire évaluer les compétences d’une partie de la profession par une autre partie utilisant des méthodes et théories différentes … cela nous annonce une belle impartialité …
Cela veut simplement dire que ceux que l’on n’aura pu éliminer par la loi pourront l’être aisément par les règlements qui en découleront.
Si elle était juste et utile, elle ne soulèverait pas tant de polémiques et serai applicable depuis cinq ans.

Un titre ce n’est ni une compétence ni un gage d’honnêteté
Si je voulais abuser mon prochain, avec ce que j’ai appris pendant des années d’études hors faculté, je m’afficherai « voyant » plutôt que psychothérapeute ou je vendrai des assurances vie …
Pour information, selon le journal l’express psychothérapeute est une des professions libérales les moins payées en France.
Quand à moi, si je ne suis plus psychothérapeute, je serai thérapeute relationnel, coach ou bobologue Ce sont des médecins et mes anciens clients qui m’envoient mes clients , pas pour mes diplômes mais pour mes résultats …
Pour en finir, une réflexion, est-il plus difficile de faire condamner pour son incompétence ou pour abus devant un tribunal :
Un psychiatre, un médecin, un psychanalyste, un psychologue, ou un psychothérapeute …à votre avis ?...

16/4/09 10:45 PM  

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