16 février, 2007

Rassurer coûte que coûte !

Bien des fois, j'ai envié les médecins qui m'adressent leurs patients ! J'ai souvent rêvé d'avoir, moi aussi, un bel ordonnancier que je pourrais utiliser, pour ne pas être confronté à l'aveu d'impuissance face à un cas, dramatique ou non, pour lequel je me sens impuissant !

Imaginez un bel ordonnancier, financé par un labo pharmaceutique, qui en plus m'aurait envoyé une belle petite VM en jupe courte et talons hauts (visiteuse médicale), quelle joie ! Etre dérouté face à un cas, mais se dire, qu'on peut encore faire quelque chose, même inutile, en prescrivant n'importe quoi, qu'il s'agisse d'une boîte de paracétamol ou encore d'une batterie de tests complémentaires ! Etre médecin, c'est génial, on botte en touche et on expédie le patient chez un spécialiste qui, lui-même pourra le dégager chez un autre spécialiste et ainsi de suite. Et si le patient meurt, on pourra toujours dire que c'est la faute du tabac : c'est toujours la faute du tabac depuis quelques temps !

Tout plutôt que de s'avouer dépassé ! Rester dans la toute puissance est un art consommé qui nécessite un sang froid et un culot ahurissant ! La première règle est de ne jamais se sentir responsable et d'y croire au plus profond de soi. La seconde règle est d'être suffisamment adroit pour toujours faire croire au patient que c'est de sa faute !

Las, je n'ai rien de cela puisque je ne prescris pas ! Alors à défaut d'ordonnance magique qui me dédouanerait de mes inévitables limites, j'ai mis au point quelques formules rituelles. Formules rituelles que j'emploie face à un patient pour lequel il me semblera difficile de faire quelque chose mais face auquel je ne veux surtout pas reconnaître mon impuissance. Ces formules sont :

  • "Souvenez mieux que c'est mieux que si c'était pire !";

  • "Tout finit toujours par s'arranger, même mal" ;

  • "Rassurez-vous, au point où vous en êtes, cela ne peut qu'aller mieux" ;

  • "De toute manière, on finira tous par mourir" ;


Evidemment l'important est de les prononcer très sérieusement et d'un ton docte. Pour bien le faire, il faut s'entraîner des heures face à une glace en posant bien la voix. Cela ne coûte pas grand chose et au moins, je n'ai pas l'impression d'avoir volé mes honoraires !

Tout ne s'apprend pas en faculté, on a tous nos petites ficelles.