28 mars, 2007

"Je le tuerai !" Tuer est-il un acte facile ?

Enfin tranquille ! Alors chose promise, chose due, voici mon article ! Je recommence donc pour planter le décor, sinon vous ne pourriez pas suivre !

Alors voilà, qu’au cours d’une discussion animée lors d’une soirée, les gens s'interrogeaient pour savoir s'ils seraient capables de tuer si on leur avait gravement nui. Chacun d'eux disait : « moi si on me fait çà (au choix : tuer mon gosse, violer ma femme, piquer ma Yamaha 1300, etc.), je serais capable de flinguer le responsable ! ».

J'ai émis l'idée, qu'au-delà de la discussion de pochetrons au cours de laquelle il est facile de jouer les matamores, il était en fait très difficile de tuer ! Tous ces bourrins me disaient le contraire, ce à quoi j’ai maintenu que tuer était un passage à l'acte difficile, du moins quand on n'est pas bourré ou sous l'emprise d'un produit toxique quelconque qui fasse décompenser !

D’ailleurs, dans cette soirée, j’ai émis l’idée que seules deux personnes dans l’assemblée, pourraient passer à l’acte et en être capable. D’une part mon ami Sean, parce qu’il a de bonnes dispositions. C’est un type capable de licencier un de ses salariés, avec mise à pied conservatoire immédiate, parce qu’il n’aime pas son sourire, alors on peut imaginer qu’il pourrait aller plus loin et flinguer si le droit du travail le lui permettait. Mais je n’en crois rien parce qu’au-delà de l’aspect bourrin qu’il se donne dans le cadre de son activité professionnelle, par laquelle il cherche sans doute à se reviriliser, Sean est justement un type extrêmement sensible. Enfin, mon épouse, qui est capable d’avoir des colères froides impressionnantes, pourrait éventuellement avoir les ressorts psychologiques pour tuer. Mais je ne suis pas sur qu’elle passerait à l’acte elle-même, elle irait plutôt recruter chez elle sur l’Ile de Beauté, des professionnels patentés, tandis que cinquante témoins garantiraient son alibi en jurant qu’elle jouait au poker dans un cercle de jeux, en écoutant I Muvrini.


Tuer est donc un acte difficile ! C'est d'ailleurs tellement vrai qu'on vit entourés de gens ! Or si tout un chacun avait flingué à chaque fois qu'il l'a pensé, nous ne serions pas nombreux sur terre ! Moi, bien sur, j'aurais survécu parce que tout le monde m'aime !


Alors, pourquoi ne tue-t-on pas facilement ? Trois pistes existent :

  • La piste sociobiologique postule qu’il existerait entre les humains, un principe de coopération, qui fait que s’entretuer, serait une chose antinaturelle et exceptionnelle. Cela pourrait survenir, lorsque la survie est en jeux par exemple en cas de disette ou de manque de femelles. Sinon, le meurtre resterait un épiphénomène, survenant surtout entre mâles, et encore dans des cas très rares, puisqu’à l’instar de nombreux mammifères, il semblerait que le mâle dominé, prenne la fuite face au mâle dominant.

  • La piste psychologique, envisage qu’il existe un conditionnement tellement important que le meurtre devient très tôt pour l’être humain, un interdit absolu érigé un dogme, que reprennent d’ailleurs la plupart des grandes religions. Sauf cas spécifiques, dans lesquels une foule est manipulée (guerre), il semblerait qu’un individu normal ne tue pas.

  • La piste sociologique, mise en avant en sociologie comme en psychologie sociale, imagine qu’il existe aussi un conditionnement du groupe, dans lequel l’individu admet, sans les discuter, les tabous, qui régissent le groupe, et son partagés par le plus grand nombre ; Dès lors, si « ne pas tuer », est un impératif catégorique partagé par un groupe, seuls quelques individus, pour des motifs que j’expliquerai ci-dessous, passeront à l’acte, tandis que l’immense majorité ne fera rien. Parfois, le groupe, sous l’égide du pouvoir en place, peut voir ce tabou changer, mais jamais de manière absolue. Au contraire, on ne légimitera jamais le meurtre en tant que tel, mais seulement celui d’un groupe tiers. En désignant ce groupe tiers, comme étant l’ennemi, on conditionne l’individu lambda, et donne le permis de tuer, et on fait des guerres ou des pogromes. Dans ce cas, il fallu un bonne raison, pour que tuer soit permis et non plus empêché par nos instances biologiques ou morales.


Pour ma part, entre ces trois pistes, idée de nature ou idée de culture, je ne puis me prononcer. D’ailleurs peu importe puisque la résultat est le même, tuer autrui est un acte grave qui requiert des capacités psychologiques importantes dont sont dénués l’écrasante majorité des individus.

Tuer n’est facile que dans les cas suivants :

  • Lorsque l’individu est amené à décompenser brutalement. C’est le cas lorsqu’il est sous l’emprise d’un produit ou d’une grande émotion anormale, qui le fait décompenser, en brisant ses résistances internes. C’est par exemple le cas de l’alcool, puisque l’on envisage que 30% des meurtres seraient commis sous un état d’emprise alcoolique. Certains grands alcooliques, auront d’ailleurs besoin de passer ce cap, de l’homicide volontaire ou involontaire (accident de voiture, coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner, etc.) pour prendre conscience d’un état de dépendance qu’ils ont eu tendance à juger moins grave que dans la réalité. Les psychanalystes disent d’ailleurs que le « surmoi », l’instance gérant les interdits, est soluble dans l’alcool, ce qui est une jolie formule. Ce sera aussi le cas, pour un héroïnomane en manque, chez qui la souffrance est si forte, que tous les moyens sont bons pour la faire cesser et qui n’hésitera pas à tuer pour voler de quoi acheter sa dose. Enfin, certains individus, sous le coup d’une très forte émotion, peuvent aussi décompenser, c’est le « passage à l’acte » que l’on nomme trivialement le « pétage de plomb » et qui survient dans le cadre d’émotions extrêmement fortes.

  • Lorsque l’individu est coupé du réel et en proie à des hallucinations terribles au cours desquelles il peut imaginer recevoir un message l’amenant à tuer quelqu’un. On est alors dans le cas de schizophrénies paranoïdes graves. L’individu est alors ce que l’on nomme un tueur désorganisé. Où qu’il soit, même en présence de la police, il tuera sous l’emprise de ses hallucinations. Dieu, ou un démon, ou une autre voix intérieure lui parle et lui enjoint de tuer untel, et il passera à l’acte.

  • Lorsque l’individu est un sociopathe (aussi appelé psychopathe ou personnalité antisociale) totalement dénué de la plus élémentaire conscience morale. Dans ce cas là, cet individu obéit à ses pulsion : il veut, il prend. Entre son envie et son geste, il n’existe aucune délibération morale parce qu’il est totalement dénué d’empathie. Et encore dans ce cas, la criminologie montre, que ces individus ne deviennent pas des tueurs du jour au lendemain, mais que bien au contraire, il existe toujours une escalade amenant du délit au meurtre ou à l’assassinat. Par exemple Guy Georges, avant d’être le criminel que l’on connaît, fut d’abord un délinquant, puis un violeur. Ayant une fois, tué, il s’est aperçu que ce n’était pas si difficile et il a poursuivi ce comportement parce qu’il lui permettait d’avoir ce qu’il souhaitait, des femmes, sans encourir le risque d’être dénoncé. Dans ce cas, ce qui a retenu le sociopathe de tuer, ce n’est pas un problème moral mais le fait qu’il n’était pas encore suffisamment formé dans le cadre de son parcours criminogène. Les paranoïaques sont aussi en règle générale des gens potentiellement dangereux.


Donc, hormis les cas de trouble neurologique du à l’emprise d’un toxique, de pathologie psychiatrique très grave, ou de troubles spécifiques de la personnalité, tuer reste quelque chose de très difficile.

Lorsqu’ils disent que, par exemple, si l’on tuait leur enfant, ils seraient capables de tuer le criminel, les individus réagissent de manière émotionnelle sans aucune rationalité.

En effet, ils imaginent qu’ils pourraient préméditer la mort de quelqu’un, c’est à dire commettre un assassinat, sans penser ce que cela nécessite :

  • Choix de l’arme (arme à feu, arme blanche, objet contondant, poison, etc.) ;

  • Trouver l’arme ;

  • Choisir une date et un lieu, c’est à dire planifier froidement ;

  • Passer à l’acte, c’est à dire tuer froidement le jour J ;

Quiconque, n’a pas de tendance sociopathique, comme je l’expliquais ci-dessus, c’est à dire une maîtrise totale de ses nerfs, voire une quasi-absence d’émotions comme le tueur à gage froid et méthodique, est incapable de réaliser un tel plan. Justement parce que l’individu normal est capable d’imaginer, et que ce qu’il imaginera, à savoir les conséquences de ses actes, est suffisamment anxiogène pour lui interdire de passer à l’acte. En un mot comme en cent, imaginer qu’on étranglera l’assassin de son gosse, est aisé, le faire est presque impossible.

Dès lors, on retombe dans ce que j’écrivais au-dessus, pour tuer, il faut soit décompenser brutalement sous l’effet d’un produit ou d’une émotion brutale, et passer à l’acte immédiatement sans réfléchir, soit être tellement dénué de sens moral, qu’on est à peine humain.

Donc, pour vous ou moi, tuer est impossible. Alors, si on nous tuait notre enfant, on serait comme ces malheureux à qui ce drame est arrivé, on attendrait une réponse plus ou moins satisfaisante de la justice, puis on passerait le restant de notre vie dans la tristesse et la souffrance en cherchant pas tous moyen à s’en sortir (Psychothérapie, Foi, philosophie, etc.), avec plus ou moins de succès.
Jeune sociopathe en action !

7 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Analyse intelligente, même si cela aurait pu être plus concis.

28/3/07 4:50 PM  
Blogger philippe psy said...

Je déteste la concision!!! Pfff

31/3/07 4:00 AM  
Blogger El Gringo said...

Alors celui-là, vous le ranger dans quelle catégorie?

http://www.wikio.fr/article=13144829

http://www.telleestmatele.com/article-6197238.html

31/3/07 3:54 PM  
Blogger El Gringo said...

En fait, j'aimerais beaucoup avoir votre avis de psy sur le couple Maurice...

http://www.france5.fr/programmes/articles/actu-societe/915-verdict.php?page=1

31/3/07 4:31 PM  
Blogger philippe psy said...

Je viens de lire les articles et c'est effectivement aberrant.

Quant à profiler le couple, il n'y a pas suffisamment d'éléments !

De plus il aurait fallu avoir d'autres renseigenements, alcoolisme, toxicomanie,etc.

Merci pour les liens !

31/3/07 6:18 PM  
Blogger El Gringo said...

Si ça vous dit, c'est rediffusé dimanche soir (en fait lundi matin) à 0h12.

1/4/07 12:53 AM  
Anonymous Anonyme said...

Qu'appelez-vous absence de sens moral? Je comprends bien sûr, mais la constitution de la société aujourd'hui n'est-elle pas dénuée de sens morale, elle permet l'existence des "sociopathes". Quelle responsabilité prenez-vous par rapport à cela?

28/9/07 3:31 PM  

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