24 mars, 2007

Les libertins sont morts !

Donatien, Marquis de Sade

Dans l’article précédent, j'expliquais que mon ami Florent nous avait parlé de son projet de CD dans lequel il référençait toutes les boites à cul de France et de Navarre, et auquel il avait donné le doux nom de « Itinéraire libertin ». Bien entendu, le titre est meilleur que s’il avait choisi «Guide du gros queutard en goguette » parce que libertin cela fait plus classe, plus XVIIème siècle, même si les amateurs actuels de ce genre de boîtes échangistes n‘entretiennent qu’un lointain rapport avec le divin marquis.

Dans les faits, il existe effectivement deux acceptions au mot libertin (du latin libertinus, esclave qui vient d'être libéré) :
  • Dans sa version originale, le libertin est celui qui remet en cause les dogmes établis, c'est un libre penseur dans la mesure où il est affranchi, en particulier, de la métaphysique et de l'éthique religieuses : c’est donc un penseur, un philosophe ;

  • Le sens qui prévaut de nos jours se réfère au libertin de mœurs, c'est-à-dire celui qui s'adonne aux plaisirs charnels avec une liberté qui dépasse les limites de la morale conventionnelle et de la sensualité bourgeoise normale, mais aussi, avec un certain raffinement cultivé.

Il serait donc souhaitable de cesser de confondre le « libertinisme », en tant que courant philosophique et littéraire, avec le « libertinage », qui désignerait plutôt un style de comportement relevant du second sens du terme « libertin ».

En effet, en tant que relecture des théories du philosophe grec Épicure, le libertinisme est un courant de pensée né au XVIe siècle, développé en Italie (Cardan, Paracelse, Machiavel) et qui débouchera au XVIIIe siècle sur la notion de raison critique des philosophes. C'est donc avant tout un courant philosophique très original puisant ses racines dans l'antiquité.

Totalement matérialistes, les libertins considèrent que tout dans l'univers relève de la matière, laquelle impose, seule, ses lois. Ils estiment donc que la compréhension du monde relève de la seule raison, reniant, pour beaucoup, la notion de créateur et donc l’idée de Dieu.

Puisque que la monarchie française reposait sur une légitimité divine, on comprend facilement la menace que pouvaient représenter des individus se voulant indépendants de toute règle imposée du dehors par la morale ou la religion, établie par l’Église, l’État ou la Tradition. Ce d'autant que les libertins appelaient de leurs vœux l'apparition d'une société reposant sur le mérite (et non les privilèges), dans un esprit de justice et d'entente sociale. Les libertins prenaient donc des risques véritables.

Si l'on ne retient aujourd'hui volontiers que l'aspect sensuel et vaguement immoral du libertinisme, notamment au travers des écrits du Marquis de Sade, ce rejet d'une morale fondée sur la vertu n'est finalement que la conséquence de leur philosophie : l'absence de Dieu légitime l'envie de jouir de sa vie terrestre et cette quête, qui ne se fera néanmoins pas au mépris d'autrui, est le but ultime.

S'engouffrant dans la brèche ouverte par les libertins de pensée, certains ne se contentent pas de se libérer de toutes contraintes imposées par la tradition pour penser mais aussi pour agir à leur guise en limitant les freins moraux. C'est le libertinage de mœurs. Les libertins de mœurs se réclament du même courant philosophique que les libertins de pensée mais l'excès de certains ont contribué à discréditer le premier mouvement (profanation de lieux saints, blasphème, débauche sexuelle, exploitation d’autrui, etc.).

De nos jours, il est évident que cette savante distinction entre libertinisme et libertinage n’a plus cours, sauf chez de brillants esprits. Ne reste le plus souvent de ce courant philosophique, qu’une bande de queutards dépravés, cachant leur tendances sexuelles addictives et honteuses, sous les oripeaux d’un prétendu libertinage qui n’a aucun lien avec celui pratiqué au XVIIIème siècle.

Lisez un jour « La philosophie dans le boudoir » et vous constaterez qu’au-delà des détails croustillants que ne retiennent que les gros bœufs, le personnage de Dolmancé est un philosophe redoutable. On est libre ou non d’être en accord avec lui, mais force est de constater que Dolmancé, possède une érudition et une intelligence lui permettant d’exposer des concepts de hauts niveaux, qui le rendent très différent de l’exploitant lambda de la première boîte échangiste venu.

C’est pour cela, que lorsque l’on me parle de libertins, alors qu’il eut mieux valu parler de «queutards », parce qu'il faut toujours appeler un chat un chat, j’ai toujours envie de balancer des beignes. Les gens font, certes ce qu’ils veulent, mais qu’ils soient au moins honnêtes avec eux-mêmes et cessent de d’entourer leurs turpitudes de vagues oripeaux philosophiques. Car malgré cette précaution oratoire, leur misère sexuelle, leur difficulté à lier des relations fructueuses avec autrui, fut-ce au pieu, fait souvent mal à voir.

De plus, la référence sans cesse renouvelée au libertinage, avec ce qu'il y a de raffiné dans ce terme, peut parfois permettre d'accepter les pires pratiques. Et, lorsque je parle de pires pratiques, il ne me vient pas à l'idée de remettre en cause les orientations et choix sexuels de mes contemporains.

Non, je rappellerai seulement que le libertinage, s'absout certes d'une forme de morale religieuse ou bourgeoise, mais ne prétend pas pour autant s'absoudre de toute forme de morale. S'il ne devait rester qu'un rempart à ne jamais renverser, c'est celui du libre-choix, de la liberté de pratiquer ou non cette sexualité sans entraves.

Or ma pratique professionnelle, m'a trop souvent confronté, à des personnes, jeunes pour la plupart et le plus souvent de sexe féminin, amenées contre leur gré, via de patientes et perverses manipulations mentales, à des pratiques discutables. Ces personnes sont des victimes et ceux qui les ont manipulées des pervers. Et, de la perversité morale au libertinage, il y a un pas immense qu'aucun discours ne devrait permettre de franchir.

5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

C'est fini, plus jamais j'achéterai des Royco Minute Soupe aux petits croûtons !! beurk

25/3/07 10:45 PM  
Blogger Alexis said...

Tout d’abord laissez-moi me vautrer dans la flatterie la plus vile en déclarant d’entrée de jeu que je suis un fan inconditionnel de votre blog. Il est drôle, instructif et fustige le principe même de l’Etat. Que demande le peuple ?

Voilà, ça c’est pour alimenter votre Ego.

Maintenant une question. Quels sont, selon vous, les évènements, les projections qui peuvent conduire un homme ou une femme vers l’échangisme et le libertinage ?

28/3/07 2:27 PM  
Blogger philippe psy said...

Merci de vous vautrer dans la flatterie, j'adore ca!
Quant à votre question, pff que vous répondre ? N'étant pas psychanalyste, je n'ai pas réponse à tout. Tout au plus, aurais-je des ébauches de réponses à proposer. J'y réfléchirai !

28/3/07 4:35 PM  
Blogger philippe psy said...

Au fait, quel est votre blog ? Votre profil étant inaccessible, je n'ai pu m'y rendre !

28/3/07 4:37 PM  
Blogger Alexis said...

En fait, j'ai un Blog dormant, dont l'adresse est http://exuveludo.hautetfort.com
Mais il est dormant.

29/3/07 10:48 AM  

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