02 mars, 2007

Un peu de culture !


Après mon article précédent relatant les méfaits d’un ministricule, j’avais besoin de me calmer. Besoin, surtout d’en appeler aux mânes de penseurs célèbres qui n‘auraient sans doute jamais gâché le quart d’heure que m’a coûté la rédaction de cet article, pour tenter de s’opposer à notre ministre et à son PNNS. Bien sûr, le plus adapté en cette circonstance est le célèbre Diogène, celui qui vivait dans son tonneau et qui, ayant osé envoyer chier Alexandre le grand, aurait bien rigolé face au maire de Saint-Quentin ! Je viens aussi de réaliser, que moi qui me plaignais de voir mon nombre de lecteurs s'effondrer, je viens de perdre les encartés de l'UMP !

L'école cynique fondée par Antisthène, prône que la vertu et la sagesse, sont des qualités qu'on ne peut atteindre que par l’exercice de la liberté. Cette liberté, est une étape nécessaire pour parvenir à un état vertueux et non une finalité en soi. La liberté du cynique se veut radicale face aux conventions communément admises, dans un souci toujours constant de se rapprocher de la Nature. Ainsi, selon Antisthène, aucun discours ne vaut, aucune étude ni savoir. Seules comptent la sagesse et la vertu, double et ultime finalité de la philosophie cynique. Une fois cette vertu atteinte, le philosophe peut se considérer comme libre, car vivant dans l'atuphia, l'« absence de vanité ».

Les armes imparables du cynique sont la transgression et l'ironie mise en œuvre dans le quotidien le plus infime. En transgressant tous les interdits, le cynique veut démontrer qu'aucune des règles sociales n'est essentielle, que seule compte l'éthique. Les philosophes de l'école cynique se refuseront toujours à de grands discours, préférant éventuellement les maximes sibyllines et ironiques, mais surtout l'efficacité de l’exemple quotidien préférant la preuve par les faits et non par la parole.

Le cynique le plus connu est Diogène de Sinope, plus connu sous son surnom de Diogène le Cynique (410 – 323 av. J.-C.), que Platon définissait comme un Socrate furieux dont le but fut de subvertir tout conformisme et tout modèle moral. Sa philosophie se traduisit par des actes volontaires et provocateurs très connus et il ne laissa aucun écrit.
Le stoïcien Épictète voit en lui le modèle du sage, qui cherche à s'affranchir des conventions des hommes pour revenir à la nature. Mais, lisons ce qu'on rapporte de ce philosophe !

« […] Ayant vu un jour une souris qui courait sans se soucier de trouver un gîte, sans crainte de l'obscurité, et sans aucun désir de tout ce qui rend la vie agréable, il la prit pour modèle et trouva le remède à son dénuement. Il fit d'abord doubler son manteau, pour sa commodité, et pour y dormir la nuit enveloppé, puis il prit une besace, pour y mettre ses vivres, et résolut de manger, dormir et parler en n'importe quel lieu.

Il affirmait opposer à la fortune son assurance, à la loi sa nature, à la douleur sa raison. Dans le Cranéion, à une heure où il faisait soleil, Alexandre le rencontrant lui dit : «Demande-moi ce que tu veux, tu l'auras.» Il lui répondit : «Ôte-toi de mon soleil !»
Il se promenait en plein jour avec une lanterne et répétait : «Je cherche un homme.»

Pendant un repas, on lui jeta des os comme à un chien; alors, s'approchant des convives, il leur pissa dessus comme un chien.



Il remarquait avec étonnement que les choses les plus précieuses se vendent le moins cher et inversement. Ainsi on paie trois mille drachmes pour une statue, et pour deux sous on a de la farine. Il conseilla à Xéniade, qui l’acheta, de lui obéir, et comme l’autre répondait :
"Les fleuves alors remontent vers leur source ?" Diogène répliqua : « Si tu avais acheté un médecin et que tu fusses malade, tu lui obéirais sans dire que les fleuves remontent vers leur source».

On lui demanda pourquoi il était appelé chien : «Parce que je caresse ceux qui me donnent, j'aboie contre ceux qui ne me donnent pas, et je mors ceux qui sont méchants.»


A Xavier Bertrand qui voulut lui promouvoir son Plan National Nutrition Santé, Diogène répondit vertement "Ainsi, c'est toi l'homme au double menton, gras comme un cochon de lait, avide de pouvoir, qui veut enseigner aux autres la sagesse et la modération ? Casse-toi de là gros nul !"

Quelqu'un lui dit : «Tu ne sais rien, et tu fais le philosophe.» «Mais, dit-il, simuler la sagesse, c'est encore être philosophe.»
Il disait encore que les hommes se battaient pour secouer la poussière et frapper du pied, mais non pour devenir vertueux.

Il s’étonnait de voir les grammairiens tant étudier les moeurs d’Ulysse, et négliger les leurs, de voir les musiciens si bien accorder leur lyre, et oublier d’accorder leur âme, de voir les mathématiciens étudier le soleil et la lune, et oublier ce qu’ils ont sous les pieds, de voir les orateurs pleins de zèle pour bien dire, mais jamais pressés de bien faire, de voir les avares blâmer l’argent, et pourtant l’aimer comme des fous.

Il reprenait ceux qui louent les gens vertueux parce qu’ils méprisent les richesses, et qui dans le même temps envient les riches. Il était indigné de voir des hommes faire des sacrifices pour conserver la santé, et en même temps se gaver de nourriture pendant ces sacrifices, sans aucun souci de leur santé. Par contre, il admirait les esclaves de ne pas prendre de mets pour eux quand leurs maîtres étaient si goinfres.

Il disait qu’il fallait tendre la main à ses amis, sans fermer les doigts.
Ménippe, dans son livre intitulé la Vertu de Diogène, raconte qu’il fut fait prisonnier et vendu, et qu’on lui demanda ce qu’il savait faire. Il répondit : « Commander », et cria au héraut : « Demande donc qui veut acheter un maître. » On lui défendit de s’asseoir : « Qu’importe, dit-il, on achète bien les poissons couchés sur le ventre ! »

Une autre chose encore l’étonnait : « Quand nous achetons une marmite ou un vase, nous frappons dessus pour en connaître le son ; s’agit-il d’un homme, nous nous contentons de le regarder. » Il dit à Xéniade, qui venait de l’acheter, qu’il devrait lui obéir bien que Diogène fût son esclave, car s’il avait pour esclave un médecin ou un pilote, il lui obéirait.


On lui demandait ce qu'il y avait de plus beau au monde : «La franchise», dit-il. Quelques auteurs veulent qu'il ait demandé qu'on laissât son corps sans sépulture, pour que les chiens pussent y prendre leur morceau, et qu'au moins, si on tenait à le mettre en fosse, on le recouvrît seulement d'un peu de poussière. […] ».

Extraits choisis parmi les "Anecdotes et traits" rapportés par Diogène Laërce dans "Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres " (3iècle), traduction R. Genaille (1933).

Bien des années plus tard, des psychiatres qui décidément n’ont rien compris à ce qu’enseigna Diogène par son mode de vie, on nommé un ensemble de symptômes apparaissant parfois dans la démence du nom de Syndrome de Diogène. Je rappelle qu’un syndrome est un ensemble de signes et de symptômes caractéristiques d'une pathologie.

Le syndrome de Diogène est un syndrome décrit en 1975 pour caractériser un trouble du comportement qui intervient parfois chez la personne âgée, associant entre autres :

  • Négligence extrême de l'hygiène corporelle et domestique.
  • Syllogomanie : accumulation d'objets hétéroclites.
  • Déni de la réalité et absence de honte.
  • Isolement social.
  • Refus de toute aide vécue comme intrusive.
  • Personnalité pré-morbide : méfiant, rusé, distant, tendance à déformer la réalité.

Voilà, c’était la minute culturelle offerte par Psychothérapeute.blogspot.com !