08 avril, 2007

Confession d'un salarié de Sean !


Il est sept heures et le réveille sonne. J’ai mal dormi, d’un sommeil très agité, peuplé de rêves étranges durant lequel un ours blanc, mais plus petit, mais avec des yeux bleus cruels, me poursuivait pour me déchiqueter et se repaître de mes entrailles fumantes. Je me lève enfin, on lit est un champ de bataille et je suis en sueur. Je tremble, j’ai froid, je claque des dents. Tous les matins, c’est pareil. Il n’y a que le week-end durant lequel je vais mieux. Et encore, lorsque le dimanche soir, arrive, tout fiche le camp, mon fragile équilibre chavire et les tremblements me reprennent.

La semaine dernière, alors que nous regardions « 7à8 » sur TF1, j’ai eu une absence durant laquelle, l’espace d’un bref instant, je me suis retrouvé là-bas, avec lui. J’ai hurlé en me griffant le visage. Ma femme, assise à côté de moi, sur le canapé était folle d’inquiétude. Elle m’a demandé si c’était à cause de Lui. Je me sentais si lâche de lui avouer que je n’ai rien dit, mais elle a bien compris.

Lui, je ne peux même pas citer son nom, je n’en ai pas le courage. C’est une sorte d’ours blanc, fait homme. Moins grand bien sur, mais la même démarche de plantigrade un peu pataude, le même faux air bonasse et gentil de gros nounours. Mais attention, ne vous y fiez pas, il est capable d’une rapidité fulgurante et vous coupera la tête d’un coup de patte. Ceux qui se sont laissé prendre à Son apparence, ne sont plus là pour vous parler. Une moitié pointe à l’ANPE, sans grand espoir, tandis que l’autre est en arrêt longue maladie, sous neuroleptiques. On m'a raconté, que certains hurlent encore dans leur sommeil des années après, mais je ne sais pas si c'est une légende ou non.

Je crois que le pire, c’est sa tête ! Imaginez une très grosse tête carrée, comme blindée, aux pommettes saillantes, auréolée d’une touffe de cheveux blonds, coiffés un peu n’importe comment. On m’a dit que cette coupe de cheveux, était la coupe réglementaire chez les « spetsnaz », les troupes d’élite russes. Vous savez les malades qui ont pris d’assaut l’école de Beslan en massacrant trois-cents gosses ! Je n’en sais rien, de toute manière, je n’ai jamais vraiment eu le courage de Le regarder en face plus de deux secondes. La seule image fugace que j’aie de lui, c’est cette grosse tête carrée, aussi massive qu'un char T34, surmontée de poils blonds en bataille, et puis ses yeux. Deux yeux bleus qui vous scrutent. Le phoque qui va se faire dévorer par l’ours blanc, doit avoir ce genre d’expérience aussi, de dernière expérience. Deux yeux aussi clairs que les eaux du lac Baïkal, et tout aussi insondables.

On dit des ours, qu’ils sont les fauves les plus dangereux parce qu’ils ont une physionomie figée, qui ne prévient pas. Le lion se signale par des attitudes qui vous montrent qu’il va passer à l’attaque : l’ours non. Lui, il est pareil. Il vous sourit. Enfin sa bouche vous sourit tandis que ses yeux restent froids, je ne sais pas comment il fait cela ! Il n’est pas peut-être pas humain, c’est ce qui se chuchote dans les bureaux. Avant on en riait, et maintenant on a presque finit par y croire. On le surnommait Léon et on vite fini par l’appeler Terminator. Plus les jours passent, plus je finis par penser que ce mec n'est pas humain !

Toujours est-il qu’il vous sourit, l’air de rien, et que le soir en rentrant chez vous, vous avez la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable de licenciement. Vous savez que vous perdrez de toute manière, il est capable de fabriquer des preuves. Vous ne l’avez pas vu venir, comme un ours. Vous vous êtes dit que c’était un gros nounours ronchon et vous avez eu tort. Vous n’avez même pas réalisé que vous vous étiez trompé dans votre profilage, que Sa patte a jailli vive comme l’éclair. Votre tête a aussitôt roulé sur le plancher de Son immense bureau directorial ultra climatisé. Vous êtes encore debout, vos carotides crachent un sang à jet saccadé, et vous vous affaissez, vous tombez, vous êtes mort.

En plus, je ne sais pas comment Il fait, mais Il sait tout. Certains pensent qu’Il va dans les PC, sur vos mails, qu’il regarde l’historique de vos connections Internet, et qu’il enregistre tout dans sa prodigieuse mémoire. D’autres disent qu’Il coucherait au bureau. Une femme de ménage terrorisée l’aurait aperçu à cinq heures du matin, assis à son bureau. Il l'a saluée avec son sourire terrible. Elle n’a jamais pu parler de son expérience, ses mots se brouillaient. On l’a aidée en la mettant sous hypnose et elle est en maison de repos depuis. Quelques uns pensent qu’Il fouille aussi dans les poubelles, le soir quand vous êtes parti. Les ours du parc Yellowstone le font bien, à la recherche de nourriture, pourquoi pas lui après tout ?

Je pense à tout cela, en me rasant, et je me suis coupé, merde ! Tant pis, je m’habille. Ma main tremble si fort en prenant mon café, que j’ai du m’acheter un gobelet comme dans les hôpitaux, avec une sorte de bec : j’en avais marre de tacher mes chemises. De toute façon rien ne reste dans mon estomac, je suis trop stressé alors je vomis et je risque quand même de me tâcher. Et les jours ou tout semble aller un tout petit peu mieux, je suis tout de même suffisamment stressé, pour que dix minutes après l’avoir mise, ma chemise soit tâchée sous les bras de grandes auréoles de sueur aigres. En plus, depuis que je pile dix lexomil dans mon café le matin, pour tenir toute la journée, il a un goût immonde.

J’avais pensé à acheter un chien pour aller au bureau mais le règlement intérieur l’interdit. Peut-être qu’un pitbull aurait pu m’aider, me secourir ? Je l’aurais attaché au pied du bureau médiocre que j’occupe. Mais, je n’y crois pas. Je suis sur que si j’avais eu l’occasion de m’absenter, ne fut-ce que cinq minutes pour aller faire une photocopie, ou simplement uriner, j’aurais retrouvé mon chien mort, la gorge tranchée, dans une mare de sang. Et Lui, n’aurait pas été loin et m’aurait regardé de ses yeux bleus amusés. Si je l’avais scruté, je suis sur que j’aurais retrouvé des poils de mon chien à la commissure de ses lèvres.

J’ai pensé à me syndiquer, mais mon collègue le plus proche, qui est là depuis plus longtemps que moi, me l’a déconseillé. Il paraît que voici cinq ans, un type dont on a oublié le nom, avait eu cette idée. Et il s’est fait avoir tout de même parce que le syndicat auquel il voulait adhérer a refusé de le recevoir quand ils ont su qu’il travaillait chez Lui. Ils lui ont conseillé une armurerie paraît-il, en lui disant que c’était plus adapté à son cas.

Comme j’ai tout de même fait des études, j’ai replongé dans mes livres de management pour comprendre et nommer ce qui m’arrivait. J’en ai déduit, qu’il appliquait un management de type 9.1 extarenforcé et qu’Il nous prenait pour des collaborateurs D0, moins que des D1 ! Alors j’ai laissé tomber. Ce que je vis, les spécialistes en management ne l’avaient pas prévu ! Comme si ces messieurs, issus de prestigieuses universités américaines, avaient pu prévoir qu’un ours serait manager !?

Alors j’ai laissé tomber la voie classique et pour canaliser mon stress, pour que mon histoire serve à quelque chose, j’ai décidé d’écrire. Je me disais, que ma tête serait tombée tôt ou tard mais que je ne mourrais pas pour rien. Que si j’écrivais ce que j’ai vécu, je laisserai un témoignage sur mon enfer, que ma mort servirait à quelque chose, que je serais le martyre de la vérité. J’imaginais, mon ouvrage passant de main en main, dans l’obscurité de quelques cafés d’intellos, comme un samizdat, du temps de Staline. Je me voyais soldat sacrifié pour une noble cause. Mes enfants seraient au moins fiers de moi !

Alors, j’ai écrit, j’ai couvert de mon écriture serrée, des centaines de feuillets, à la lueur d’une maigre lampe de bureau. J’ai tout dit, je n’ai rien caché ! J’ai parlé de toutes mes humiliations. J’ai même raconté la fois où Il m’a dit qu’il détestait les gens avec les mains moites. Ce jour funeste, ou terrorisé, je me suis mis à genoux, devant Lui, en pleurant et en implorant son pardon. Tout, j’ai tout écrit, je n’ai rien caché. Je me suis livré dans le plus simple appareil, auréolé de ma lâcheté.

Cela n’a servi à rien. Les éditeurs m’ont renvoyé des lettres types dans lesquelles ils me remerciaient en s’excusant de ne pas e publier. Un seul a osé me préciser les raisons de son refus. Il avait trouvé mon livre très beau mais il a jugé qu’il ressemblait trop à « L’archipel du Goulag » de Soljenitsyne, et que cela avait été fait. Et que de plus, personne ne croirait que cela puisse se passer à Paris, que mon bourreau était trop inhumain pour être réel, que j’essaie chez un éditeur spécialisé en SF !

Alors, aujourd’hui est mon dernier jour d’esclave, je veux redevenir un homme libre. J’ai pris une décision qui n’a pas été facile ! Au début, je voulais démissionner ! J’ai un bon contact à la sécurité sociale qui me disait de venir, qu’il pourrait me faire rentrer ! Je n’ai pas pu me résoudre à une telle lâcheté ! J’ai répondu à cet ami que tant que j’aurais un cerveau qui pense, et un libre arbitre dépassant celui d’un ver de terre, jamais je n’irai travailler à la sécurité sociale. Que ce que je vivais était un enfer certes, mais pas au point de renoncer et d’entrer dans une non-vie dans un bureau moche entouré de, lobotomisés mal fagotés ! Je veux me battre aux côtés des anges étincelants de Dieu et non pactiser avec le diable !

Non, aujourd’hui, j’ai choisi. J’ai embrassé mon épouse et mes enfants, en refoulant mes larmes. J’ai bu mon café-lexomil, comme chaque matin, pour ne pas trembler. Et je suis parti en laissant une lettre sur la table. Je suis sorti léger, sur de moi, j’avais presque envie de chanter, alors que cela ne m’était pas arrivé depuis que je travaille chez Lui.

Ce matin, je ne me suis pas rendu dans le XVIIème arrondissement comme d’habitude. Non, ce matin, pris d’un courage totalement fou, comme seuls ceux qui n’ont plus rien à perdre peuvent avoir, j’ai changé d’itinéraire. J’ai atterri Gare de L’est. Je me suis dirigé exactement où je voulais parce que j’avais déjà tout préparé. J’ai approché de leur stand à pas de loup, car j’ai de l’entraînement avec Lui. Ils m’ont jaugé en me regardant des pieds à la tête et m’ont demandé en quoi ils pouvaient m’être utiles. Alors je leur ai dit :

« Je reviens de l’enfer. Je veux m’engager dans la légion étrangère. Je suis votre homme. »


5 Comments:

Blogger El Gringo said...

Bravo pour votre courage!
Je ne vois qu'une seule solution contre ces patrons-voyous:

http://www.arlette-laguiller.org/

No pasaran!

8/4/07 8:31 PM  
Blogger philippe psy said...

Pas de chance, Sean se dit de gauche ! Une sorte de gauche archéo-centrée que l'on croyait disparue depuis la mort de Staline !

8/4/07 11:18 PM  
Blogger El Gringo said...

Dans ce cas, le camarade Sean s'est vraisemblablement rendu compte que vous êtes un dangereux révisionniste à la solde du grand capital et des entreprises du CAC 40 réunis. Un séjour en camp de rééducation vous fera le plus grand bien.

8/4/07 11:44 PM  
Anonymous Anonyme said...

Je compte bien vous convaincre tous: La seul solution efficace avec cette bande de détritus de droite est la methode 9.1.
Le règne sans partage!

11/4/07 2:18 PM  
Blogger philippe psy said...

Pfff, y'en a pas un de droite ! Pour accepter ce genre de situations faut etre des moujiks de gauche !

12/4/07 3:29 AM  

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