01 avril, 2007

La théorie de l'équité !

Hier soir, lors de ma soirée chez des amis, j’avais des prises de position plus violentes que certains des convives. La mode étant à la tempérance, qui confine parfois à la passivité, on a pu me reprocher d’être trop peu modéré. Je me suis bien sur défendu, arguant du fait, que tous, autour de cette table, ne vivions pas la même réalité.

Si on m’en avait laissé le temps, j’aurais pu justement parler de la théorie de l’équité qui pouvait expliquer nos comportements différents. En effet, dans un environnement donné, en fonction de leur âge, de leur situation socioprofessionnelle, des risques qu’ils prennent ou ne veulent as prendre, les individus parviennent soit à une forme de satisfaction, soit d’insatisfaction. Tandis que la première engendre la sérénité, la seconde pousse à la frustration qui amènera la colère.

La théorie de l’équité est une norme couramment utilisée par les individus pour évaluer le caractère juste ou injuste de ce qu’ils obtiennent lors d’un échange social ou à l’issue d’une transaction. Ainsi dans une fratrie, un enfant pourra dire, que ce qu’il vit à l’instant n’est pas juste parce que son grand frère, par exemple, a eu tel droit qu’on lui refuse.

Il s’agit donc d’une norme de mérite : l’individu va percevoir une situation juste dans la mesure où ce qu’il obtient (R) par rapport à ce qu’il engage (A) est proportionnel à ce que l’autre partie obtient (R1) par rapport à ce qu’elle a engage (A1). La théorie nécessite donc toujours qu’il existe une comparaison entre soi-même et autrui.

La perception de justice ou d’injustice est nécessairement relative à un autre socialement identique qui va servir de référent car une situation n’est pas juste ou injuste dans l’absolu. Cette théorie est une théorie cognitive puisqu’elle repose sur la perception que l’individu a de lui même et d’autrui.

Dans cette théorie, on admet que l’individu calcule un score pour lui même et pour autrui, afin d’évaluer si il existe entre sa situation et celle de celui avec qui il se compare, une forme d’équité, c’est à dire de justice. On la met en équation de la manière suivante :

Score =( R/A)

R correspondra aux résultats (ex. : salaire) tandis que A représente l’Apport (ex. : effort donné). Et donc :

  • Si le score du sujet est égal à celui d'autrui, alors il y a équité, et donc il sera motivé ;

  • Si les scores sont inégaux, alors il n'y a pas équité, mais iniquité, et la motivation baisse.

L’iniquité survient dans deux cas :

  • Lorsque l’individu est « sous-rétribué », c’est à dire lorsque son score est inférieur à celui de l’individu auquel il se compare ;

  • Lorsqu’il est « sur-rétribué » c’est-à-dire lorsque son score est supérieur à celui de l’individu auquel il se compare.

  • Il semblerait par ailleurs que le sentiment de sous-équité soit plus vite atteint que celui de sur-équité. L’individu vit évidemment mieux le fait d’avoir un score plus élevé que plus bas qu’autrui, situation qu’il justifiera toujours plus facilement.

Le sentiment d’iniquité entraîne toujours chez l’individu un état de tension psychologique :

  • En situation de sous-équité, l’individu va avoir un sentiment de colère de frustration ;

  • En situation de sur-équité il va culpabiliser.

L’individu va toujours chercher à rétablir le sentiment d’équité afind e résoudre sa tension psychologique soit :

  • De manière comportementale en augmentant ou en diminuant les contributions et rétributions des ratios. L’individu travaillera plus ou moins pour rétablir l’équité par exemple.

  • Quand agir est impossible, de manière cognitive adaptant ses valeurs perçues des contributions et des rétributions. Par exemple l’individu se dira qu’il peut-être est moins bien payé que X alors qu’il fait les mêmes efforts mais que finalement, X est un crétin.


Ainsi par exemple, dans le monde du travail, un salarié en situation de sous-équité, peut agir (comportement) en réduisant par exemple son implication au travail, demander à son employeur une promotion, voire quitter l’entreprise. Mais il pourra aussi modifier cognitivement les ratios en changeant de référent pour se comparer à d’autres personnes dans la société dont le ratio contribution/rétribution lui permettra de rétablir une situation d’équilibre.

Dans tout système qui néglige cette théorie, il y a un risque d’implosion. Parce qu’il faut rappeler que même si cette théorie, est utilisée dans le monde du travail, elle reste applicable dans toute organisation, de la plus petite à la plus grande. Qu’il s’agisse d’une fratrie, d’un club de boulistes local ou d’un état, il y a toujours une évaluation entre ce que l’on estime percevoir et ce que les autres perçoivent. Cette théorie s’applique aussi entre groupes et permettra par exemple à des groupes distincts de s’évaluer par rapport à d’autres groupes distincts (salariés/patrons, femmes. Hommes, etc.).

La manière dont on réagit face au sentiment d’iniquité ne dépend pas seulement de son intensité mais également de la tolérance de l’individu à supporter cet état et de la possibilité d’y faire face. Ainsi, puisque l’iniquité produit un stress, l’individu tentera de résoudre ce stress en s’adaptant (coping) soit, comme nous l’avons vu, de manière comportementale, en agissant, soit de manière cognitive, en changeant son système de pensée. Dans les situations très tendues, produisant une forte tension psychologique, l’individu s’adjoindra des comportements connexes liés au stress (alcool, cigarette, drogues, etc.).

Lorsque la situation d’iniquité est telle, que l’individu ne voit aucune issue possible, l’adaptation n’est plus possible, le stress augmente corollairement à la frustration, et le système explose : c’est une forme de décompensation. Dès lors, il y a deux possibilités :


  • L’individu quitte le système. Dans le monde du travail, il changera d’entreprise tandis que dans un contexte familial il tentera de reconstruire une famille ailleurs. Dans un état, l’individu se désocialise volontairement, et par exemple, n’ira plus voter estimant qu’il est toujours le perdant et clamera « tous pourris ».

  • L’individu nuit au système dans certains cas, déterminé à faire disparaître la situation sociale qui a créé l’iniquité. Là, tout devient possible, du meurtre à la révolution, en passant par des pratiques associales et parfois autodestructrices, telles que conduire sans permis quand on se dit, que l’on prend chaque jour des risques, tandis que Monsieur Sarkozy, peut lui, inaugurer les radars en violant les limites de vitesse.


  • La théorie de l’iniquité est simple à mettre en œuvre et permet de comprendre bien des situations. Elle révèle aussi qu’il peut être dangereux, de manipuler la notion de justice ou d’injustice sociale. Par exemple, à force de considérer que certains seraient traités injustement, alors que c’est faux, on peut légitimer la violence sous toutes ses formes. Dès lors, qu’on soit jeune de banlieue, ou femme, pourvu qu’on ait l’étiquette « damné de la terre », et donc qu'il soit admis qu'on vive l'iniquité, tout devient possible et excusable, même les comportements les plus violents et les prises de positions les plus outrées. Une fois mise, en marche, l’idée d’iniquité, obéissant plus trop à des perceptions cognitives confuses, qu’à des faits tangibles, tout peut arriver.

    A l'inverse, le sentiment d'iniquité est toutefois légitime dans bien des cas. C'est notamment ce qui arrive lorsque que des lois iniques sont votées. Ainsi, le permis à points, bien que la mesure fut prise pour de justes raisons, est appliqué dans des conditions tellement draconiennes et injustes, qu'il engendre un sentiment d'iniquité amenant bien des gens à "rouler sans permis", c'est à dire à ne plus se reconnaître dans un système. Le législateur vote les lois et le citoyen les interprète, qu'on s'en souvienne. Dans les faits, il n'y pas de héros ou d'esclaves, mais des gens qui, selon leur idiosyncrasie, atteignent plus ou moins vite ce sentiment d'iniquité.

    Dans une perspective psy, et bien que je ne nie pas que dans certains cas, des actions soient nécessaires, (voter différemment, quitter son conjoint, etc.), il existe aussi d’autres formes d’attitudes amenant une plus grande sérénité. Pratiquant les thérapies cognitives, il me semble utile de rappeler que : changez vos idées et vous changerez le monde.

    Le monde, en tant qu'informations perçues par nos sens, n’a de réalité que par ce que l’on en voit : c’est la théorie du verre à moitié-plein ou a moitié-vide. L’écrivain stoïcien Boèce, put ainsi, alors qu’il était condamné injustement à mort, et attendait son châtiment en prison, écrire « Consolation de la philosophie » :

    «Tandis que Boèce, chargé de fers, attendait de moment en moment l'arrêt ou le coup de la mort, il écrivit la Consolation de la philosophie, ouvrage précieux, qui ne serait point indigne des loisirs de Platon ou de Cicéron, et auquel la barbarie des temps et la position de l'auteur donnent une valeur incomparable. La céleste conductrice, qu'il avait si longtemps invoquée dans Rome et dans Athènes, vint éclairer sa prison, ranimer son courage, et répandre du baume sur ses blessures. Elle lui apprit, d'après la considération de sa longue prospérité et de ses maux actuels, à fonder de nouvelles espérances sur l'inconstance de la fortune. La raison de Boèce lui avait fait connaître combien sont précaires les faveurs de la fortune; l'expérience l'avait instruit de leur valeur réelle; il en avait joui sans crime, il pouvait y renoncer sans un soupir, et dédaigner avec tranquillité la fureur impuissante de ses ennemis qui lui laissaient le bonheur, puisqu'ils lui laissaient la vertu. »
    EDWARD GIBBON, Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, tome 7, Paris, éd. Ledentu, 1828.

    8 Comments:

    Anonymous Anonyme said...

    Bonjour Monsieur Philippe
    Je pense qu'une personne qui se permet de mettre un entonnoir sur la tête de Steven Seagal,(qui est un de mes acteurs préférés)et qui n'y connait rien aux bagnoles, parcequ'il y a mieux que la fiat 500!!comme belle voiture, devrait préparer à manger plutôt que d'écrire sur un blog.
    Blog que je vais lire avec attention sans penser à Steven seagal.

    1/4/07 9:53 PM  
    Blogger philippe psy said...

    J'adore aussi Steven Seagall dont j'ai abondamment parlé dans les articles. "Piège en haute mer" reste pour moi un film culte ! Et je suis là, tremblant de rage quand je considère ce que la marine américaine inflige à ce pauvre Steven en le collant ux cuisines !

    Quant à la fiat 500, vous avez tort ! Ce n'est pas une "belle voiture", c'est une création géniale à l'instar de la mini ou de la Vespa.

    2/4/07 2:12 AM  
    Blogger El Gringo said...

    "La théorie nécessite donc toujours qu’il existe une comparaison entre soi-même et autrui."
    Quand ce n'est possible, on peut inverser les rôles des protagonistes pour juger de l'iniquité d'une situation.
    Chaque jour, des juges aux affaires familiales décident de mettre à la porte du domicile un des deux futur ex-conjoints et dans la plupart des cas, c'est Monsieur X qui aura le droit de "choisir une nouvelle résidence et quitter ce domicile faute de quoi, Madame X pourra l'en faire expulser par tous moyens et voies de droit et au besoin même avec le concours de M. Le Commissaire de Police et de la force publique;"
    Pour justifier sa décision, le (la…) juge énonce un certain nombre de motifs. En admettant qu'on puisse trouver un autre futur ex-couple, disons Monsieur et Madame Y, qui soit dans une situation comparable on obtiendrait vraisemblablement le même résultat: Monsieur Y, dehors!
    Il est donc plus instructif, dans ce cas, d'imaginer que Madame X se trouve dans la situation de Monsieur X et réciproquement en relisant le jugement ainsi inversé. C'est alors que l'on se rend compte que dans le climat de misandrie généralisée actuel, le jugement mettant Madame X dehors n'aurait aucune chance de se voir prononcé.
    Cette méthode n'est jamais que la mise en pratique de ce que l'on vous enseigne (enseignait…) dans les cours de récréation: Imagine que ton camarade te fasse ce que tu viens de lui faire, comment réagirais-tu?

    2/4/07 12:52 PM  
    Blogger philippe psy said...

    rooo, vous vous permettez d'insinuer qu'il existerait en France une justice injuste ??? que certaines personnes seraient mieux protégées que d'autres ?
    Que par exemple, si l'on voit plus de SDF hommes dans la rue, c'est parce que l'on en fait plus pour les femmes ?

    Eh ben ça c'est pas beau de penser cela !!!! En plus c'est interdit !

    2/4/07 7:43 PM  
    Anonymous Anonyme said...

    Bonsoir Monsieur Philippe

    Serait-il possible d'avoir un petit texte sur la fiat 500 ou une autre voiture, quelque chose qui m'interresserai comme un bon modèle des années 80. Mais je ne veux pas vous influencer, c'est juste une suggestion.
    Sachez qu'alors, c'est sûr, je serai un lecteur assidu de votre blog.

    Anonymus 1/04

    2/4/07 9:04 PM  
    Blogger philippe psy said...

    Evidemment, je suis un grand spécialiste !
    Alors que voulez-vous ? au choix, la Talbot solara ou bien la Peugeot 305 ! Avouez que c'est excitant! Promis je vous rédige un texte !

    2/4/07 10:13 PM  
    Blogger El Gringo said...

    "Que par exemple, si l'on voit plus de SDF hommes dans la rue, c'est parce que l'on en fait plus pour les femmes ?"

    Et que dire des suicides?

    "Les caractéristiques des personnes qui décèdent de suicide diffèrent de celles qui effectuent une tentative : schématiquement, les premières sont plus souvent âgées et de sexe masculin, et les secondes jeunes et de sexe féminin."

    http://w4-web143.nordnet.fr/pointdevue/statistique/index.htm

    3/4 des suicidés sont des hommes:

    http://w4-web143.nordnet.fr/images/graph_evolution2002.pdf

    3/4/07 11:23 PM  
    Blogger paule said...

    je réalise une étude sur l'entrepreneuriat et je veux établir un lien entre l'iniquité perçue et l'attitude négative des étudiants envers l'entrepreneuriat est ce logique

    8/4/11 7:25 PM  

    Enregistrer un commentaire

    << Home