Soyez vigilants ! Ne croyez pas tout ce que vous lisez ou entendez !
Voici bien des années, je devais avoir vingt-quatre ans à cette époque, n’existait que le brave Minitel et son écran monochrome. On allait y chercher une foule de renseignements et accessoirement on pouvait aussi aller y papoter. Ce fut l’apogée des messageries roses, les fameux 3615 Truc, dont les publicités agrémentées de femmes dénudées, ornaient tous les murs et moindres palissades de nos villes.
Il y avait aussi des messageries plus classiques, destinées aux rencontres, comme il en existe aujourd’hui sur le net. Un de mes amis y allait souvent. Pilote militaire, sa formation où il n’y avait que des hommes, ne lui avait pas appris à converser avec le beau sexe, aussi trouvait-il pratique de dragouiller des filles sur ces sites de rencontres. L'anonymat télématique lui permettait de se montrer moins pataud et maladroit ou de se laisser terrasser par son manque d'assurance.
Intelligent, tout autant que naïf, il pouvait y passer des heures, nouant des relations diverses et variées, pour son plus grand bonheur et son plus grand malheur. Il faut dire, que l’anonymat a toujours favorisé des pathologies méconnues.
Au tout début des années 90, il lui arrive l’histoire suivante. Alors qu’il discute avec une jeune femme sur une messagerie, il apprend qu’elle a une leucémie et qu’elle est condamnée ; Comme il me l’expliquera, cette demoiselle ne l’intéresse pas plus que cela, mais il joue les bons samaritains. Il la trouve gentille et en plein désarroi alors il parle avec elle, et ils s’appellent au téléphone de temps à autre. Elle semble extrêmement sans aucun soutien social, isolée au sein d’une famille à la dérive.
Elle est donc sortie de l’anonymat puisqu’il connaît son numéro et sa voix. Elle semble déprimée et très solitaire. Il n’a aucun élément pour mettre en doute ses propos. C’est pourtant un type intelligent, sensible et extrêmement intuitif. Il poursuit donc au fil du temps sa conversation avec elle, de manière épisodique. Elle semble attachée à lui, même si elle n’a fait aucune demande pour el voir. Lui, habite Paris, elle, le nord de la France. Ce sont deux étrangers unis par leur solitude respective.
L’état de la demoiselle se détériore. Et comme il me l’expliquera, lorsqu’il l’a au téléphone, sa voix n’est parfois qu’un filet, entrecoupé de quintes de toux. Il la soutient, fidèle au poste et à l’honneur qui sied à l’officier qu’il est. Comme il voyage beaucoup, il lui ramène de temps à autre des babioles, qu’il lui expédie chez elle. Il connaît donc son adresse mais n’a jamais eu envie d’aller la voir.
Pour qui n’a jamais été sur ces messageries, c’est assez étonnant. Pourtant, cela fonctionnait comme cela à cette époque. Des gens isolés, qui se soutiennent, parvenant à créer des liens aussi forts qu’éphémères, sans qu’ils n’aient jamais besoin de se voir. C’était un peu SOS amitié.
Quelques mois plus tard, la demoiselle lui explique qu’elle doit se faire hospitaliser. Quelques semaines passent, au bout desquelles il n’aura qu’un seul contact, au cours duquel elle lui expliquera qu’elle va sans doute décéder. Elle sera très brève et lui, qui se propose d’aller la voir au moins une fois, ne pourra pas le faire. La vie suivant son cours, il trouve cela étrange, m’en parle d’une manière anecdotique, sans y attacher beaucoup plus d’importance.
Peu de temps après, on l’appelle, et une jeune femme, qui se dit être une amie de la demoiselle, lui annonce qu’elle est décédée ce jour même et que ses obsèques auront lieu à telle date dans tel village du Pas de Calais. Mon ami prend des renseignements et s’étonne que tout soit allé si vite. Un peu coupable, il fait envoyer des fleurs pour les obsèques et décide de s’y rendre.
Arrivé le jour dit à l’église du village, il trouve porte close. Le village par contre correspond aux descriptions que la demoiselle lui faisait. Il trouve cela étrange et décide d’en savoir plus. Il se rend à la mairie, explique un peu son histoire et la secrétaire fait des yeux ronds. Dans un si petit village, cela se serait su si une jeune femme d’une vingtaine d’années était morte. Il se débrouille, ayant pour seul renseignement le numéro de téléphone qu’elle lui a donné, pour connaître l’adresse. Il la trouve et s’y rend. La maison est misérable et en très mauvais état, façon lumpen-prolétariat.
Une femme d’une quarantaine d’années lui ouvre la porte et lui dit qu’elle a bien une fille mais qu’elle est en bonne santé. Mon ami s’énerve en lui disant que c’est à son numéro qu’il téléphoné depuis plusieurs mois et qu’il ne partira pas sans connaître le fin mot de l’histoire. Le mari vient alors à la porte et lui dit que leur fille a quelques problèmes et demande à mon ami de les laisser en paix. Sur le pas de la porte, il leur raconte brièvement l’histoire de la leucémie et du décès, les parents ne semblent pas inquiets outre mesure, juste ennuyés, et s’excusent avant de lui claquer doucement la porte au nez.
Mon ami n’étant pas du genre à laisser tomber facilement, il monte dans sa Golf GTI (la star de l’époque), et retourne à la mairie pour connaître l’adresse des services sociaux les plus proches. Il devine que quelque chose de louche a eu lieu mais n’imagine pas quoi. Arrivé dans une commune voisine où se situent les services sociaux, il fait le forcing et est reçu par une assistante sociale immédiatement. Il lui explique l’histoire telle que je vous la raconte. L’assistante sociale est perplexe. D’après mon ami, la demoiselle semble être retenue contre son gré. Comme c’est un officier, qu’il lui prouve en lui montrant ses papiers, qu’il est très déterminé dans ses propos et précis dans la chronologie des faits, l’assistante sociale le croit et décide de l’accompagner.
Ils retournent donc au domicile de ladite demoiselle. Cette fois-ci, les parents les reçoivent et semblent très embarrassés. Assis dans la cuisine, mon ami leur explique tout depuis le début. Les parents admettent donc qu’ils sont au courant des démarches étranges de leur fille. Qu’ils savent qu’elle passe des heures au téléphone ou au minitel mais que, comme elle ne va pas très bien, ils la laissent faire. Agée d’une vingtaine d’années, elle est déscolarisée, déprimée depuis des années, et vit chez eux, sans aucune autre activité que de petits boulots occasionnels.
Ils se doutent de ce qu’elle fait sans en connaître l’ampleur. Par exemple, oui, ils ont bien reçus plusieurs lettres de condoléances et mêmes quelques couronnes mortuaires. Et cela s’est produit plusieurs fois. Mais devant l’état de délabrement psychique de leur fille, ils n’ont pas voulu agir, ni chercher à savoir ou à comprendre. Ils ont juste tenté d’avoir une explication, sans rien obtenir, la demoiselle restant butée, renfrognée, leur disant juste que cela ne les regarde pas, que c’est sa vie. Alors ils ont renoncé. Ils sont parvenus au point, où, tant qu’elle reste tranquille, sans leur causer trop de tracas, ils la laissent mener sa vie.
Ils vont alors la chercher dans sa chambre. Comme me l’expliquera mon ami, c’est une petite obèse, malpropre, peu soignée, qu’il voit arriver dans la cuisine. Cachée derrière ses verres de lunettes, elle n’a pour ainsi dire aucune expression même si elle semble un peu inquiète. Elle se contente de fixer l’assemblée de manière maussade, comme si tout cela ne la concernait pas. Ses parents la pressent alors de questions. Quand elle commence à parler, mon ami reconnaît sa voix immédiatement : c’est bien avec elle qu’il s’est entretenu plusieurs fois. Elle n’avouera rien pour autant, préférant repartir dans sa chambre, comme si tout cela ne la concernait pas, à moins qu’elle n’ait eu peur.
La mère, grâce aux renseignements de mon ami, rapporte quelques menus objets, qu’il lui avait envoyés au retour de ses voyages, attestant qu’il s’agit bien de cette demoiselle, avec qui il s’entretenait. L’assistante sociale, prend des notes et questionne les parents. Manifestement, elle a l’habitude de ce genre de situations étonnantes car elle n’est même pas surprise.
Ce que mon ami ne comprend pas, c’est qui est cette « amie » qui lui a annoncé son décès. Il voudrait savoir si elle a une complice, une amie aussi mal qu’elle, avec qui elle aurait pu échafauder ces scénarios étranges. Elle ne dit rien, restant dans son mutisme. C’est sa mère qui expliquera à mon ami, que parfois, elle l’a entendue récemment au téléphone, à plusieurs reprises, parler avec une voix contrefaite et très différente. Habituée aux comportements erratiques de sa fille, elle n’a pas cherché à savoir ce qu’elle faisait, ni pourquoi elle changeait ainsi de voix, durant la semaine passée. Manifestement, mon ami n’est pas le seul à s’être fait piéger et elle entretenait ce genre de relations étranges avec un certains nombre de personnes candides et sensibles, qui la croyaient. Il semble qu’à chaque fois, elle feignait d’avoir une grave maladie, se terminant toujours par son décès.
Les parents se sont ensuite effondrés et ont vidé leur sac. Le soir même, la demoiselle était internée en HDT (à la demande de tiers). Mon ami, ne sait pas ce qu’elle est devenue et n’a jamais eu aucune nouvelle d’elle.
C’est une histoire qui l’a marqué et il m’en parle parfois. Il a toujours trouvé inconcevable qu’on puisse ainsi raconter de telles choses, alors qu’elles sont fausses. En tant que militaire carré, pour lui, elle était schizo, point barre.
Ce n’est pas le cas. Ce genre d’histoires n’est pas rare même si la psychiatrie a du mal à les diagnostiquer. Le plus souvent il s’agit de personnes seules, isolées affectivement et socialement, qui se mettent à raconter des histoires. La thématique est toujours la même. Ils sont malades, gravement atteints, et tentent de susciter la compassion chez leurs contacts. Parfois, ils expliqueront que c'est un proche qui est malade et qu'ils sont leur seul soutient.
Les pathologies inventées sont presque toujours des cancers ou des leucémies. Mais d'autres plus inventifs, pourront aussi expliquer qu'ils sont seuls au monde, du fait du décès de leurs proches. Peu importe les éléments de l'histoire, il faut que celle-coi soit atrocement dramatique et sans espoir.
Dotés d’une intelligence normale, ces personnes, au fur et à mesure, qu’elles racontent leurs mensonges, sont de plus en plus crédibles, n’hésitant pas à se documenter sur leur prétendue maladie, de manière à renforcer le côté réaliste de leur mensonge. De ce fait, ils sont extrêmement difficiles à détecter. Pour autant, contrairement à ce qu’affirme mon ami pilote, ils ne sont pas fous, au sens où ils auraient perdus le sens du réel. On ne peut donc dire qu’ils sont schizophrènes.
Leurs mensonges centrés sur leur décès, semble attester qu’ils aimeraient se faire prendre en charge et on pourrait psychologiser et spéculer à loisir, sur ce qui sous-tend tout ceci. Pourtant c’est extrêmement difficile, car ils n’ont aucune demande de soins et se contentent de poursuivre leur existence sans présenter de symptômes autrement alarmants, qu’une vague déprime et un mode de vie un peu solitaire. Ce sont donc des personnes qui ne consulteront donc jamais un psy où alors, contraints et forcés. Face aux psys, ils resteront mutiques, puisqu’ils ne souffrent pas de leurs mensonges, mais bien au contraire de leur absence de mensonge.
Dans la mesure, où ils ne présentent aucun danger ni pour eux ni pour les autres, ils ressortent sans que ni le psy, ni eux, n’en sachent plus sur cet étonnant comportement. Mais tandis que certains en restent au délire verbal, d’autres au contraire, hantent les hôpitaux, arguant de troubles divers, cherchant à se faire opérer ou au moins, prendre ne charge.
Egalement appelées pathomimies, ces pathologies se situent aux frontières de la mythomanie, de la conversion hystériques et de la simulation. Dans l’article suivant, je ferai le point sur ces pathologies troublantes.
Dans le cas de cette demoiselle, il s’agissait vraisemblablement d'un joli cas de syndrome de Munchausen.
Ainsi dénommé par Asher en 1951, en référence aux délires du baron du même nom, le syndrome de Munchausen se caractérise par la simulation d'un tableau d'urgence somatique, comme dans le cas de cette demoiselle, ou psychique et un roman biographique hors du commun, particulièrement dramatique (accidents, deuils), qui prend l'allure d'un roman fantastique que l’on nomme pseudologia phantastica (mensonges, falsifications de souvenirs, récits d'exploits imaginaires).
Il y avait aussi des messageries plus classiques, destinées aux rencontres, comme il en existe aujourd’hui sur le net. Un de mes amis y allait souvent. Pilote militaire, sa formation où il n’y avait que des hommes, ne lui avait pas appris à converser avec le beau sexe, aussi trouvait-il pratique de dragouiller des filles sur ces sites de rencontres. L'anonymat télématique lui permettait de se montrer moins pataud et maladroit ou de se laisser terrasser par son manque d'assurance.
Intelligent, tout autant que naïf, il pouvait y passer des heures, nouant des relations diverses et variées, pour son plus grand bonheur et son plus grand malheur. Il faut dire, que l’anonymat a toujours favorisé des pathologies méconnues.
Au tout début des années 90, il lui arrive l’histoire suivante. Alors qu’il discute avec une jeune femme sur une messagerie, il apprend qu’elle a une leucémie et qu’elle est condamnée ; Comme il me l’expliquera, cette demoiselle ne l’intéresse pas plus que cela, mais il joue les bons samaritains. Il la trouve gentille et en plein désarroi alors il parle avec elle, et ils s’appellent au téléphone de temps à autre. Elle semble extrêmement sans aucun soutien social, isolée au sein d’une famille à la dérive.
Elle est donc sortie de l’anonymat puisqu’il connaît son numéro et sa voix. Elle semble déprimée et très solitaire. Il n’a aucun élément pour mettre en doute ses propos. C’est pourtant un type intelligent, sensible et extrêmement intuitif. Il poursuit donc au fil du temps sa conversation avec elle, de manière épisodique. Elle semble attachée à lui, même si elle n’a fait aucune demande pour el voir. Lui, habite Paris, elle, le nord de la France. Ce sont deux étrangers unis par leur solitude respective.
L’état de la demoiselle se détériore. Et comme il me l’expliquera, lorsqu’il l’a au téléphone, sa voix n’est parfois qu’un filet, entrecoupé de quintes de toux. Il la soutient, fidèle au poste et à l’honneur qui sied à l’officier qu’il est. Comme il voyage beaucoup, il lui ramène de temps à autre des babioles, qu’il lui expédie chez elle. Il connaît donc son adresse mais n’a jamais eu envie d’aller la voir.
Pour qui n’a jamais été sur ces messageries, c’est assez étonnant. Pourtant, cela fonctionnait comme cela à cette époque. Des gens isolés, qui se soutiennent, parvenant à créer des liens aussi forts qu’éphémères, sans qu’ils n’aient jamais besoin de se voir. C’était un peu SOS amitié.
Quelques mois plus tard, la demoiselle lui explique qu’elle doit se faire hospitaliser. Quelques semaines passent, au bout desquelles il n’aura qu’un seul contact, au cours duquel elle lui expliquera qu’elle va sans doute décéder. Elle sera très brève et lui, qui se propose d’aller la voir au moins une fois, ne pourra pas le faire. La vie suivant son cours, il trouve cela étrange, m’en parle d’une manière anecdotique, sans y attacher beaucoup plus d’importance.
Peu de temps après, on l’appelle, et une jeune femme, qui se dit être une amie de la demoiselle, lui annonce qu’elle est décédée ce jour même et que ses obsèques auront lieu à telle date dans tel village du Pas de Calais. Mon ami prend des renseignements et s’étonne que tout soit allé si vite. Un peu coupable, il fait envoyer des fleurs pour les obsèques et décide de s’y rendre.
Arrivé le jour dit à l’église du village, il trouve porte close. Le village par contre correspond aux descriptions que la demoiselle lui faisait. Il trouve cela étrange et décide d’en savoir plus. Il se rend à la mairie, explique un peu son histoire et la secrétaire fait des yeux ronds. Dans un si petit village, cela se serait su si une jeune femme d’une vingtaine d’années était morte. Il se débrouille, ayant pour seul renseignement le numéro de téléphone qu’elle lui a donné, pour connaître l’adresse. Il la trouve et s’y rend. La maison est misérable et en très mauvais état, façon lumpen-prolétariat.
Une femme d’une quarantaine d’années lui ouvre la porte et lui dit qu’elle a bien une fille mais qu’elle est en bonne santé. Mon ami s’énerve en lui disant que c’est à son numéro qu’il téléphoné depuis plusieurs mois et qu’il ne partira pas sans connaître le fin mot de l’histoire. Le mari vient alors à la porte et lui dit que leur fille a quelques problèmes et demande à mon ami de les laisser en paix. Sur le pas de la porte, il leur raconte brièvement l’histoire de la leucémie et du décès, les parents ne semblent pas inquiets outre mesure, juste ennuyés, et s’excusent avant de lui claquer doucement la porte au nez.
Mon ami n’étant pas du genre à laisser tomber facilement, il monte dans sa Golf GTI (la star de l’époque), et retourne à la mairie pour connaître l’adresse des services sociaux les plus proches. Il devine que quelque chose de louche a eu lieu mais n’imagine pas quoi. Arrivé dans une commune voisine où se situent les services sociaux, il fait le forcing et est reçu par une assistante sociale immédiatement. Il lui explique l’histoire telle que je vous la raconte. L’assistante sociale est perplexe. D’après mon ami, la demoiselle semble être retenue contre son gré. Comme c’est un officier, qu’il lui prouve en lui montrant ses papiers, qu’il est très déterminé dans ses propos et précis dans la chronologie des faits, l’assistante sociale le croit et décide de l’accompagner.
Ils retournent donc au domicile de ladite demoiselle. Cette fois-ci, les parents les reçoivent et semblent très embarrassés. Assis dans la cuisine, mon ami leur explique tout depuis le début. Les parents admettent donc qu’ils sont au courant des démarches étranges de leur fille. Qu’ils savent qu’elle passe des heures au téléphone ou au minitel mais que, comme elle ne va pas très bien, ils la laissent faire. Agée d’une vingtaine d’années, elle est déscolarisée, déprimée depuis des années, et vit chez eux, sans aucune autre activité que de petits boulots occasionnels.
Ils se doutent de ce qu’elle fait sans en connaître l’ampleur. Par exemple, oui, ils ont bien reçus plusieurs lettres de condoléances et mêmes quelques couronnes mortuaires. Et cela s’est produit plusieurs fois. Mais devant l’état de délabrement psychique de leur fille, ils n’ont pas voulu agir, ni chercher à savoir ou à comprendre. Ils ont juste tenté d’avoir une explication, sans rien obtenir, la demoiselle restant butée, renfrognée, leur disant juste que cela ne les regarde pas, que c’est sa vie. Alors ils ont renoncé. Ils sont parvenus au point, où, tant qu’elle reste tranquille, sans leur causer trop de tracas, ils la laissent mener sa vie.
Ils vont alors la chercher dans sa chambre. Comme me l’expliquera mon ami, c’est une petite obèse, malpropre, peu soignée, qu’il voit arriver dans la cuisine. Cachée derrière ses verres de lunettes, elle n’a pour ainsi dire aucune expression même si elle semble un peu inquiète. Elle se contente de fixer l’assemblée de manière maussade, comme si tout cela ne la concernait pas. Ses parents la pressent alors de questions. Quand elle commence à parler, mon ami reconnaît sa voix immédiatement : c’est bien avec elle qu’il s’est entretenu plusieurs fois. Elle n’avouera rien pour autant, préférant repartir dans sa chambre, comme si tout cela ne la concernait pas, à moins qu’elle n’ait eu peur.
La mère, grâce aux renseignements de mon ami, rapporte quelques menus objets, qu’il lui avait envoyés au retour de ses voyages, attestant qu’il s’agit bien de cette demoiselle, avec qui il s’entretenait. L’assistante sociale, prend des notes et questionne les parents. Manifestement, elle a l’habitude de ce genre de situations étonnantes car elle n’est même pas surprise.
Ce que mon ami ne comprend pas, c’est qui est cette « amie » qui lui a annoncé son décès. Il voudrait savoir si elle a une complice, une amie aussi mal qu’elle, avec qui elle aurait pu échafauder ces scénarios étranges. Elle ne dit rien, restant dans son mutisme. C’est sa mère qui expliquera à mon ami, que parfois, elle l’a entendue récemment au téléphone, à plusieurs reprises, parler avec une voix contrefaite et très différente. Habituée aux comportements erratiques de sa fille, elle n’a pas cherché à savoir ce qu’elle faisait, ni pourquoi elle changeait ainsi de voix, durant la semaine passée. Manifestement, mon ami n’est pas le seul à s’être fait piéger et elle entretenait ce genre de relations étranges avec un certains nombre de personnes candides et sensibles, qui la croyaient. Il semble qu’à chaque fois, elle feignait d’avoir une grave maladie, se terminant toujours par son décès.
Les parents se sont ensuite effondrés et ont vidé leur sac. Le soir même, la demoiselle était internée en HDT (à la demande de tiers). Mon ami, ne sait pas ce qu’elle est devenue et n’a jamais eu aucune nouvelle d’elle.
C’est une histoire qui l’a marqué et il m’en parle parfois. Il a toujours trouvé inconcevable qu’on puisse ainsi raconter de telles choses, alors qu’elles sont fausses. En tant que militaire carré, pour lui, elle était schizo, point barre.
Ce n’est pas le cas. Ce genre d’histoires n’est pas rare même si la psychiatrie a du mal à les diagnostiquer. Le plus souvent il s’agit de personnes seules, isolées affectivement et socialement, qui se mettent à raconter des histoires. La thématique est toujours la même. Ils sont malades, gravement atteints, et tentent de susciter la compassion chez leurs contacts. Parfois, ils expliqueront que c'est un proche qui est malade et qu'ils sont leur seul soutient.
Les pathologies inventées sont presque toujours des cancers ou des leucémies. Mais d'autres plus inventifs, pourront aussi expliquer qu'ils sont seuls au monde, du fait du décès de leurs proches. Peu importe les éléments de l'histoire, il faut que celle-coi soit atrocement dramatique et sans espoir.
Dotés d’une intelligence normale, ces personnes, au fur et à mesure, qu’elles racontent leurs mensonges, sont de plus en plus crédibles, n’hésitant pas à se documenter sur leur prétendue maladie, de manière à renforcer le côté réaliste de leur mensonge. De ce fait, ils sont extrêmement difficiles à détecter. Pour autant, contrairement à ce qu’affirme mon ami pilote, ils ne sont pas fous, au sens où ils auraient perdus le sens du réel. On ne peut donc dire qu’ils sont schizophrènes.
Leurs mensonges centrés sur leur décès, semble attester qu’ils aimeraient se faire prendre en charge et on pourrait psychologiser et spéculer à loisir, sur ce qui sous-tend tout ceci. Pourtant c’est extrêmement difficile, car ils n’ont aucune demande de soins et se contentent de poursuivre leur existence sans présenter de symptômes autrement alarmants, qu’une vague déprime et un mode de vie un peu solitaire. Ce sont donc des personnes qui ne consulteront donc jamais un psy où alors, contraints et forcés. Face aux psys, ils resteront mutiques, puisqu’ils ne souffrent pas de leurs mensonges, mais bien au contraire de leur absence de mensonge.
Dans la mesure, où ils ne présentent aucun danger ni pour eux ni pour les autres, ils ressortent sans que ni le psy, ni eux, n’en sachent plus sur cet étonnant comportement. Mais tandis que certains en restent au délire verbal, d’autres au contraire, hantent les hôpitaux, arguant de troubles divers, cherchant à se faire opérer ou au moins, prendre ne charge.
Egalement appelées pathomimies, ces pathologies se situent aux frontières de la mythomanie, de la conversion hystériques et de la simulation. Dans l’article suivant, je ferai le point sur ces pathologies troublantes.
Dans le cas de cette demoiselle, il s’agissait vraisemblablement d'un joli cas de syndrome de Munchausen.
Ainsi dénommé par Asher en 1951, en référence aux délires du baron du même nom, le syndrome de Munchausen se caractérise par la simulation d'un tableau d'urgence somatique, comme dans le cas de cette demoiselle, ou psychique et un roman biographique hors du commun, particulièrement dramatique (accidents, deuils), qui prend l'allure d'un roman fantastique que l’on nomme pseudologia phantastica (mensonges, falsifications de souvenirs, récits d'exploits imaginaires).
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