29 juillet, 2007

Troubles bipolaires - Les oubliés du diagnostic !


Aujourd'hui, les syndromes maniaco-dépressifs sont de plus en plus fréquents. Mais une grande partie de ces troubles restent sous-diagnostiqués : les médecins ne reconnaissant pas forcément ce problème, et les malades refusant d'admettre leur pathologie alors que des traitements performants existent.

Les troubles maniaco-dépressifs, appelés aujourd’hui troubles bipolaires, toucheraient entre 1% et 1,5% de la population française soit plus de 600 000 personnes. Cette pathologie, qu'elle soit bipolaire, sous forme de succession de phases dépressives et d'excitation, ou unipolaire lorsque le patient ne connait qu'un de ces états, est pourtant encore mal connue et reconnue et ceux qui en souffrent deviennent des oubliés du diagnostic.

L'un des principaux problèmes des désordres bipolaires, c'est justement de parvenir à le diagnostiquer correctement et le moins que l'on puisse dire, c'est que peu de médecins y parviennent. Certaines études montrent que bien souvent, le délai entre le moment où les premiers symptômes apparaissent et la mise en place du traitement est de 5 à 10 ans ! Le malade aura vu entre temps 3 à 4 médecins en moyenne avant que l'un d'eux ne reconnaisse le problème. Car il est souvent difficile de différencier la dépression simple du véritable désordre bipolaire. Selon le Pr. Marie-Christine Hardy-Bayle, de l'hôpital André Mignot au Chesnay, de nombreux « déprimés » souffrent en fait de troubles bipolaires.

On avance que 26 % d’entre eux ne seront pas diagnostiqués lorsqu'ils seront vus en médecine générale. Cela peut-être compréhensible car de nombreux généralistes admettent que leur formation en psychopathologie est trop lacunaire pour permettre un bon diagnostic de ce trouble. Pourtant, chose inadmissible, ce pourcentage passe à 36 % chez les psychiatres, dont on pourrait pourtant croire qu'ils sont plus a même de reconnaître cette pathologie ! Enfin, 45 % ne seront pas diagnostiqués lors d'un passage à l'hôpital dans un autre service !

Ce temps d'identification de la maladie est un véritable problème. Car le principal risque accompagnant ce trouble est le suicide : 15 % des hommes bipolaires et 22 % des femmes mettront ainsi fin à leur jour. Et un quart à la moitié fera une tentative de suicide, avec plus ou moins de séquelles. Sans parler des conséquences mettant ainsi en jeu la vie de la personne, les désordres bipolaires représentent un véritable handicap social et professionnel. Ils sont responsables de difficultés au bureau et de chômage, et ont un retentissement important sur la vie de famille.

En France, le trouble bipolaire est donc sous-diagnostiqué. Si les études diffèrent entre elles, on admet qu'il faudra en moyenne 10 à 12 ans et quatre à cinq médecins différents avant que le diagnostic soit enfin établi. Il semble que ce constat soit le même dans tous les pays occidentaux. Aujourd'hui, les professionnels s'accordent à penser que 40 % des dépressifs sont en réalité des bipolaires qui s'ignorent.

La recherche de périodes d'exaltation est un bon moyen pour établir le diagnostic ; mais il n'est pas toujours évident pour le patient de comprendre que les périodes où il se sentait particulièrement bien ont la même origine que les périodes où il se sentait mal. D'ailleurs bien des patients n'ont aucune envie de se traiter car ces périodes d'exaltation sont pour eux quelque chose de merveilleux. De plus, n’oublions pas qu’il existe des formes unipolaires, dans lesquelles, le patient sera soit seulement déprimé, soit ne connaîtra que des accès maniaques.

Ce diagnostic peut être confirmé par le fait que les dépressions des bipolaires sont souvent dites atypiques. Dans une dépression atypique, on est confronté à une dépression sauf que certains symptômes classiques ne sont pas présent normalement remplacés par d’autres. On appelle dépression atypique une variété de dépressions associant à la tristesse les symptômes suivants :
  • Hyperphagie, qui se manifeste par des conduites alimentaires de type boulimique, notamment boulimie sucrée. Dans la dépression classique, on cosntate le plsu souvnet un amaigrissement car la personne ne se nourrit pas ;

  • Hypersomnie : il n'y a pas seulement inhibition avec « refuge sous la couette » ou « cul scotché sur le canapé » mais augmentation du nombre d'heures de sommeil sans que celui-ci soit réparateur (dès le réveil la même sensation de fatigue est éprouvée). Dans une dépression classique, la personne dort peu et connaît surtout des réveils nocturnes ;

  • Hyper-réactivité aux relations avec l'environnement se manifestant par de l'irritabilité, des réactions émotionnelles excessivement fortes. La personne dépressive classique est plutôt calme et inhibée.

Face à ce genre de dépressions atypiques, on se doit de se montrer circonspect. Non pas, que toutes seront forcément des troubles bipolaires ignorés, mais que, comme je l’affirme dans l’article suivant, le simple fait d’être face à des symptômes qui dérogent largement aux tableaux cliniques connus en psychopathologie nécessite de se poser de bonnes questions pour éviter de plonger dans la pratique habituelle et de ce fait rater un bon diagnostic.


Si tout peut s’apprendre en faculté, le diagnostic reste un art. Dans le prochain article, c’est ce point que je souhaite traiter en insistant sur le fait que quand bien même on rêverait d’être confronté à un trouble que l’on peut traiter à coup d'antidépresseurs comme une banale dépression, les faits et notamment les symptômes sont têtus, et qu’eux seuls doivent nous amener à nous forger un avis. Tout ce qui est atypique doit être approfondi.