31 juillet, 2007

Typologie des troubles bipolaires !

Une bonne face de Miss Laurence !

Autrefois appelé folie circulaire, quel joli nom, puis encore récemment psychose maniaco-dépressive, le trouble bipolaire fait partie des troubles de l'humeur, auxquels appartient également la dépression récurrente (ou trouble unipolaire).


Généralement, pas besoin d’avoir un QI de 150 pour la diagnostiquer puisque comme son nom l’indique, c’est une maladie qui possède deux phases : la phase maniaque et la phase dépressive. Elle est donc facile à déceler puisque l’individu oscille entre deux phases : l’accès maniaque et la dépression !

Lors de l'accès maniaque, la personne est hyperactive. Elle peut engager des dépenses inconsidérées, avoir des propos et des attitudes farfelus, et présenter d'autres troubles comportementaux. Lors de l'épisode dépressif, la personne au contraire, présente des signes de très grande dépression. Entre ces deux phases, la personne retrouve généralement un état normal.

Le danger de cette maladie est le risque de suicide lors des phrases dépressives mais aussi le fait de mettre sa vie en danger lors des accès maniaques. Dans cette forme parfait du trouble bipolaire, appelée aussi Trouble bipolaire de type I (TBI), l’individu vit comme s’il était sur des montagnes russes ; à un moment il pourrait bouffer le monde, et peu de temps après il est au trente-sixième dessous. Les cycles sont aléatoires tant dans leur survenue que dans leur durée.


L'accès maniaque survient généralement brusquement, même aujourd’hui on sait qu’un choc affectif, une maladie, voire un traitement médicamenteux inadapté peuvent aider à déclencher son apparition. L'insomnie et l'excitation sont très importantes au début de l'accès. La personne surprend son entourage par son agitation, sa jovialité soudaine ou encore ses dépenses inconsidérées.


En quelques jours, les troubles s'accentuent :

  • la confiance en soi est exagérée ;
  • L'hyperactivité est nette, avec gesticulation, insomnie, entreprise de nombreuses tâches sans les mener à bien ;
  • L'humeur est expansive. Ce qui passe au début pour de la jovialité se transforme en de la familiarité, voire de la grossièreté. La personne malade devient séductrice, théâtralise ses attitudes ;
  • La fuite des idées avec passage du coq à l'âne rend impossible toute discussion suivie ;
  • L'insomnie existe quasiment toujours sans être accompagnée de sensation de fatigue.

Les accès maniaques sont divers et peuvent aller jusqu’à des formes délirantes, au cours de laquelle l’individu se sentira capable de voler comme un oiseau par exemple, voire jusqu’à la fureur maniaque qui rend l’internement obligatoire, tant l’état de la personne est altéré et sa dangerosité avérée.

Parfois les accès sont toutefois moins marqués et seuls existent une hyperactivité physique et intellectuelle et des troubles du sommeil : c'est un accès hypomaniaque. Le diagnostic d'hypomanie est difficile car souvent considérée par le patient et son entourage comme son état « normal ». En fait, la grande différence entre l’état du sujet quand il est déprimé et quand il s’estime « normal » est très importante et doit attirer l’attention.

L’hypomaniaque peut être l’individu plein d’énergie, devant lequel tout le monde s’émerveille et que l’on a du mal à suivre. La plupart des gens, loin de voir l’aspect pathologique de ce dynamisme outrancier, se contenteront de rester ébahis devant de telles performances et l’hypomaniaque sera admiré. Qu’il s’agisse de manie ou d’hypomanie, la forme mineure, les risques pris sont souvent exagérés et mettent en danger la vie de l’individu.


A l’inverse du cycle, se trouve l’épisode dépressif qui se manifeste rarement de manière brutale mais s’installera plutôt de manière insidieuse, se développant en quels jours voire quelques semaines. Il s’agit :

  • D'une tristesse inexpliquée avec remords, sensation d'abandon et de désespoir ;
  • D'un ralentissement intellectuel ;
  • D'une grande fatigue ;
  • D'un désintérêt, voire d'un dégoût de la vie ;
  • D'une insomnie ;
  • D'un refus de manger avec amaigrissement.

Apparaissent finalement une perte de confiance en soi avec sentiments de dévalorisation et de culpabilité et des idées suicidaires qui peuvent être exprimées ou non dévoilées mais qu’il faut toujours prendre au sérieux car le risque suicidaire est réel !


Jusque là, nous admettrons que tout va bien et que le diagnostic ne pose aucun problème puisque comme son nom l’indique, le trouble bipolaire suppose un cycle qu’on identifier facilement. D’ailleurs, les classifications officielles DSM-IV et CIM 10 distinguent trois types de trouble bipolaire :



Le premier, TBI, correspond à l'ancienne dénomination de « psychose maniaco-dépressive » et fait alterner des épisodes de dépression majeure et maniaques et toucherait environ 1,1% de la population. Le film Mr Jones, avec Richard Gere, donne une excellente vision de ce qu'est ce TBI.

Dans le second, TBII, les épisodes dépressifs restent majeurs mais alternent avec des périodes d'hypomanie, donc moins aigus que le véritable état maniaque. Plus rares, les études montrent que 0,6% de la population pourrait en être affecté.


Enfin, le troisième trouble bipolaire admis, s’appelle la cyclothymie et est constituée de troubles modérés de l'humeur pendant au moins deux sans jamais atteindre la dépression ou la manie. Je reviendrai prochainement sur la cyclothymie qui est encore plus rarement diagnostiquée que les troubles bipolaires classiques. Face à un cyclothymique, on pose rarement un diagnostic, se contentant de dire que la personne est lunatique, pénible à vivre voire simplement chiante. Vous avouerez que c’est un peu mince comme approche. Leur prévalence apparaît beaucoup plus élevée, puisque estime que 7 à 9% de la population en souffriraient.

Si les TBI et TBII, sont de par leurs symptômes très typés plutôt faciles à diagnostiquer. Et encore, dans la mesure ou l’individu en phase maniaque ou hypomaniaque, ne consulte jamais parce qu’il se sent superbement bien, nous n‘avons dans nos cabinets, généralement que ces individus se retrouvant dans le cycle dépressif et en grande souffrance. Les symptômes de « perte de l’élan vital » et « d’humeur triste » sont tellement visibles, que le danger est grand de traiter le patient pour une simple dépression, simplement parce que l’on n’aura jamais eu connaissance de ses états maniaques ou hypomaniaques. Toutefois, les choses sont encore plsu complexes que cela puisque manifestement les troubles bipolaires pourraient se manifester de manière bien plus pernicieuses que par le célèbre cycle « dépression - manie ».

Certains auteurs (Klerman, Akiskal) ont ainsi identifié d'autres types à partir de la notion de spectre bipolaire. En effet, dans de nombreux cas, existent des troubles atténués ou brefs, ne comportant pas tous les critères du DSM : ce sont des états dépressifs mineurs, et surtout des hypomanies qui comportent certains signes de l’accès maniaque, mais atténués. Dans ce cas, autant vous dire, qu’ils passent à la trappe et ne seront jamais diagnostiqué. Les individus qui en sont touchés passeront leur vie de manière médiocre, parfois améliorés sporadiquement par les antidépresseurs dont ils finiront par connaître tous les noms et tous les dosages. C’est le syndrome de la patiente qui dit à son médecin : « Ah du Stablon ? Bof, j’en ai pris voici cinq ans, et il n’a pas été très efficace. Du Prozac ? Bof, il ne me réussit pas. Pourquoi pas du Deroxat, j’ai remarqué qu’il me calmait bien. Ceci dit je n’ai pas eu à me plaindre l’Effexor même s’il n’a marché que trois mois. »



Il est pourtant très important de reconnaître ces formes atténuées et vicieuses de troubles bipolaires. D’une part, parce que cela évite de faire de la psycho à la Grand-Papa, en emmerdant son patient avec des questions et le forçant à nous raconter sa vie, comme si sa douleur actuelle dépendait forcément de ce qu’il avait vécu. Avec les troubles bipolaires, n’en déplaisent à mes confrères psychanalystes, que je n ‘aime pas, on abandonne le tout psychologique gnangnan pour la biologie.

Enfin, ces troubles bipolaires ténus et mal diagnostiques s’accompagnent souvent de conduites addictives graves mettant en danger la vie du patient (alcoolisme et toxicomanie), et ont surtout un grave retentissement sur la vie quotidienne ; risque suicidaire important, biographie perturbée : divorces, changements de travail fréquents, conflits personnels avec caractère excessif des comportements quotidiens (achats, projets professionnels, sexualité, conduites à risque…), et surtout consommation de produits psychoactifs, tabac, alcool, cannabis.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, même si la communauté scientifique ne l’a pas encore validée, on s’approche de la classification suivante, qui pourra encore évoluer en fonction des recherches. Au lieu des trois formes répertoriées par le DSM IV et la CIM 10, on a aujourd’hui les formes suivantes :

  • La forme bipolaire I qui associe des accès maniaques et d dépressifs francs ou des actes maniaques isolés ;
  • La forme bipolaire II qui associe des épisodes dépressifs caractérisés et des accès hypomaniaques ;
  • La forme bipolaire Type IIa avec cyclothymie, également difficile à reconnaître ; le sujet sait qu’il a très souvent des hauts et des bas, souvent à court terme (cycles rapides). Le questionnaire spécifique d’Akiskal peut contribuer au diagnostic ;
  • La forme unipolaire avec seulement des épisodes dépressifs qui peuvent être secondairement modifiés en forme bipolaire II voire I ;
  • La forme bipolaire IIIa avec dépression caractérisée et des antécédents familiaux de troubles bipolaires ;
  • La forme bipolaire IIIb avec dépression caractérisée et accès maniaque ou hypomaniaque induit par un médicament. On peut prescrire des antidépresseurs aux personnes atteintes de trouble bipolaire pendant les épisodes dépressifs, mais il faut faire preuve de prudence car ils peuvent déclencher un état maniaque et même une fluctuation fréquente de l’humeur (cycle rapide). ;
  • La forme bipolaire IV qui regroupe des formes mineures limites générant toutefois une vraie souffrance chez ceux qui en sont atteints. Ce sont des bipolarités atténuées dont les frontières avec des états normaux sont parfois difficiles à établir. Les conséquences personnelles, sociales et somatiques sont les éléments essentiels pour la décision de mise en œuvre d’un traitement. C’est que l’on appelle l’hyperthymie et la cyclothymie.

Pour aider au diagnostic, il existe des questionnaires spécialisés (Angst, Akiskal, etc.). De la même manière, les services psychiatriques des grands hôpitaux, proposent toujours une consultation spécialisée dans les « troubles de l'humeur », tant ce diagnostic est difficile à poser.

En population générale, la fréquence des TBI est de 0,7 à 1,2 %, et celle des TB II de 0,5 à 1 % suivant les critères du DSM IV. Parmi les épisodes dépressifs majeures, il y aurait 5 à 10 % de dépressions bipolaires Type I. Enfin, si l’on retient les TB de type II, III et IV (formes atténéues), 40 à 50 % des états dépressifs seraient en fait, des formes bipolaires.

Voilà la raison pour laquelle une dépression, même lorsqu'elle est à priori explicable par des événements de vie, n’est pas à prendre à la légère. Nous sommes sans doute face à un sous-diagnostic effarant des troubles bipolaires.


Une bluette mignonne présentant un trouble bipolaire de type I !

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Oulaaaa, quelques chiffres à revoir à la hausse, m'sieur Philippe.
Avec l'affinement de la connaissance du spectre bipolaire, c'est maintenant le chiffre de 8% de la population atteinte qui prévaut chez beaucoup de spécialistes.
1% de la population de type1, 7% de la population pour les type 2 sans rentrer dans les sous catégories.
Effectivement, environ 60% des dépressifs chroniques sont en fait des dépressifs bipolaires non diagnostiqués.
Quelques trucs pour aider au diagnostic :
- histoire familiale (alcoolisme, dépressions répétées, conduites liées à un état maniaque)
- dépressions à répétion, sans cause en rapport avec la sévérité de celles-ci et résistantes aux ad
- virage en hypomanie sous ad (le type3)
...
Hé oui, des questionnaires existent :
- golberg pour l'échelle de dépression
- listing de symptômes pour l'(hypo)manie (akiskal et d'autres)
- listing de symptômes de la cyclothimie (en france, celui du docteut Hantouche, qui travaille entre autres avec Akiskal)

Ya du taf ouinnnnnn

marie, bipolaire type2 et suivie par le docteur Hantouche

19/9/07 11:54 AM  

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