S'affirmer ! (2)
Le contrôle sur soi a ses limites et pourvu que vous soyez un minimum observateur, vous verrez tout de suite dans une assemblée, celui qui joue le dur ou le faux cool, qui tente de masquer son vrai moi derrière une façade. Ce défaut d’affirmation de soi, qui passe par la malhabile tentative de maîtriser ses émotions se remarque de suite. Et, tel un mauvais acteur, celui qui s‘en rend coupable ne trompe que lui même et finit par devenir insupportable.
On sait depuis maintenant pas de temps que l’on communique verbalement et non verbalement. Lorsque que nous échangeons des propos, l’information qui va de nous à l’interlocuteur est constituée de verbal (mots - sémantique) et de non-verbal (attitudes, gestuelles, intonations de la voix). On a pu noter que la plus grande partie de l’information échangée entre individus était non-verbale ; certains auteurs affirmant que ce non-verbal représenterait presque quatre-vingt-dix pour cent de l’échange.
Ainsi, si l’on peut apprendre à bien s’exprimer, il est beaucoup moins aisé de modifier sa communication non-verbale. En effet ce non-verbal se manifeste par la moindre fluctuation de notre intonation, de notre respiration, par la moindre mimique, la plus infime modification de notre regard, mais aussi la modification de notre rythme cardiaque, de la couleur de notre peau, du diamètre de nos pupilles, de nos odeurs corporelles, la manière de nous mouvoir, etc. C’est dans le non-verbal que nous touchons les limites du pouvoir sur soi et de l’autocontrôle car ce non verbal, expression réelle de notre état émotionnel, ne dépend jamais de la volonté.
Cet aspect non verbal de la communication signe donc l’authenticité de nos propos. On peut schématiquement affirmer, que si le verbal est sous la domination du néo-cortex, siège de l’intelligence, le non-verbal est sous la domination du système limbique, siège des émotions, de la vie instinctuelle. Quand verbal et non verbal sont en harmonie, on dira qu’il y a congruence et on a affaire à quelqu’un qui sait s’affirmer. On note de l’aisance, non qu’il s’agisse de plaire à tout prix, car l’aisance, ce n’est pas cela, mais une manière d’être sereine, comme si la personne affirmait ce qu’elle est sans artifice.
Quand il n'y a pas vraiment congruence, même si l’interlocuteur s’y laisse prendre au départ, la situation lui laissera par la suite un parfum de manipulation. C’est ce qui se passe par exemple, lorsqu’un candidat en fait trop lors d’un entretien de recrutement. De plus, rappelons aux personnes qui serait tentées de manipuler de la sorte, que si une telle attitude peut fonctionner avec des gens qu’on ne reverra plus, il faut savoir qu’elle demande une dépense d’énergie importante difficile à maintenir sur une relation au long cours. Jouer le(la) beau(belle) indifférent(te), en luttant contre un complexe personnel, monopolise une énergie psychique extrême !
Le non verbal signe donc la qualité de nos échanges, c’est le certificat d’authenticité des rapports humains. Il est directement lié à ce que l’on pense et ressent et ne peut totalement être feint à moins d’être totalement pervers et rompu à la manipulation. De nombreuses techniques basées sur les sciences comportementales apprennent d’ailleurs à repérer ces menteurs, ces bricoleurs d’image qui voudraient se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas. Combien de fois, dans mon métier, ai-je été confronté à des personnes inauthentiques, simplement parce qu’elles voulaient se montrer sous leur meilleur jour.
Allant bien plus loin, certains auteurs affirment que l’affirmation de soi, c’est l’accueil de soi, c’est à dire de celui que l’on est depuis que l’on existe. Si la formule est mignonne, elle me semble relever bien plus d’un programme new-age que d’un réel travail sur soi. Vivre en société nécessite des règles, dès lors que l’on obéit à ces règles, on ne peut affirmer que l’on est vraiment soi, à savoir un être libre au plus proche de ses désirs ; on devient un individu qui prend en compte ce qu’il désire au même degré que ce veulent les autres. S’affirmer, ne l’oublions pas, ce n’est pas être insupportable mais affirmer ses droits SANS dénier ceux des autres.
Les écueils véritables à l’affirmation de soi, sont de deux natures. D’une part, le manque d’éducation qui fait, que certaines personnes sont moins bien socialisées que d’autres. Dès lors, en société, leurs attitudes irriteront l’assemblée par leur caractère odieux et discourtois. En psychopathologie, ce seront les narcissiques, les personnalités antisociales et les hystériques, qui sont difficilement fréquentables. Si une thérapie peut les améliorer, les résultats restent cependant limités, tant la fixité de leurs traits de caractère est importante.
Enfin, à l’autre bout, figurent tous ceux soufrant d’un complexe personnel quel qu’il soit. Ce sont eux, en revanche, des sujets de choix pour une thérapie. Il suffit de les entraîner patiemment à développer des aptitudes sociales. Cela prend un peu de temps, mais les résultats sont souvent au rendez-vous. De nombreux ouvrages (*) fort bien documentés décrivent présente utilement toutes les techniques comportementales et cognitives à appliquer.
Lorsqu’il y a échec, que la thérapie ne marche pas, c’est que l’individu n’a pas voulu prendre du temps pour s’améliorer ou bien qu’il est encore trop rivé sur ce que mes confrères psychanalystes appelleraient un moi idéal. Incapable de se satisfaire avec ses qualités et ses défauts, obnubilé excès par ces derniers, il se retrouve dans ce que l’on nomme la surcompensation : c’est le classique agneau qui veut devenir loup parce qu’il est supposé qu’il est préférable d’être un loup qu’un agneau, ce qui est stupide. C’est une attitude que l’on retrouvera fréquemment chez les hommes.
Aveuglé par une fausse représentation de ce que devrait être un homme, ils n’ont de cesse de développer chez eux, des attitudes artificielles singeant cette représentation altérée. L’assemblée observera alors, que ce soit au niveau du discours ou du non-verbal, une collection de signes indiquant que la personne est là pour vous rappeler qu’elle est importante. C’est ce qu’au niveau pathologique, on retrouvera chez les personnes narcissiques, ayant décidé, du fait de leurs complexes de masquer leurs failles, derrière des comportements arrogants et hautains qui ne trompent qu’eux-mêmes.
Rien de plus ridicule que le nain qui veut se faire passer pour un géant, il ne trompe que lui-même.
(*) Docteur Charly Cungi, Savoir s’affirmer en toutes circonstances, Editions Retz, le mieux et le moins cher !
3 Comments:
Excellente série d'articles. Super intéressant et toujours d'actualité.
Merci
Cette phrase me parle beaucoup:
"Rien de plus ridicule que le nain qui veut se faire passer pour un géant, il ne trompe que lui-même."
Je me retrouve complètement dedans, en fait...
Pfff impossible de voir votre blog !!! Faut être invité !
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