09 septembre, 2007

S'affirmer ! (1)


Lors de la soirée de Vendredi, j’attendais quelqu’un qui avait décidé d’en découdre avec certains des convives présents, parce qu’il s’estimait lésé par certains de leurs comportements. N’ayant pas été témoin de tout cela, j’avais simplement dit à cette personne, que s’il désirait avoir une conversation privée, il pourrait aller s’isoler dans mon bureau.

Manifestement très remonté, cet individu m’a affirmé qu’il préférait au contraire régler ses comptes en public devant témoins. Cet individu généralement doux et gentil, se montrait sous un jour nouveau en faisant preuve d’une agressivité étonnante. L’agneau se transformait en loup et pour tout vous dire, je ne trouvais pas cela convainquant. Je lui ai d'ailleurs aimablement dit que ce n'était sans doute pas la meilleure des stratégies et qu'affirmer ses droits, fussent-ils légitimes, ne consistait pas à dénier ceux des autres ni à leur manquer de respect en éructant de manière inappropriée.

Voilà donc une jeune personne qui n’avait rien compris à ce qu’est l’affirmation de soi. On a d’ailleurs l’habitude de dire, que s’affirmer, c’est être ni trop timide, ni trop sur de soi en citant l’aphorisme suivant :

« Ni paillasson, ni hérisson, affirmez-vous »

Alors qu’est-ce au juste que j’affirmation de soi ? Les plus sagaces de mes lecteurs auront saisi immédiatement l'aphorisme cité au dessus. On a coutume de parler d’affirmation de soi en utilisant le vocable « assertivité » qui vient du mot anglais « assertiveness ». Ce concept initié par Andrew SALTER psychologue New-yorkais dans la première moitié du siècle dernier signifie : « Expression libre de toutes émotions vis à vis d'un tiers, à l'exception de l'anxiété ». Pour ma part, j’emploie toujours le terme français d’affirmation de soi parce que je trouve qu’assertivité fait vraiment néologisme à deux balles tout juste digne de figurer dans le vocabulaire d’un consultant de seconde zone.

L'affirmation de soi est définie comme une attitude dans laquelle on est capable de s'affirmer tout en respectant autrui. Il y s'agit de se respecter soi-même en s'exprimant directement, sans détours, mais avec considération. Cela conduit à diminuer son stress, à ne pas en induire chez autrui et à augmenter l'efficacité dans la plupart des situations dans lesquelles on communique.

Bien entendu, cette affirmation de soi, n’est valable que pour l’occident, où l’extraversion est encouragée et dans des situations que l’on pourrait appeler « démocratiques », c'est à dire relativement égalitaires. Ainsi, en Orient, ce que l'on nomme "affirmation de soi", pourrait être considéré comme impoli dans la mesure où l'introversion y est plus encouragée. Enfin, face à tout comportement autoritaire, abusif (agression) ou non (autorités légales), l’assertivité est moins évidente à mettre en place.

Ainsi disons le de suite, il est plus facile d’être assertif si vous êtes diplômé d’une grande école et vivez à Paris, que si vous avez un niveau CAP, quatre enfants à charge, vivez dans une zone sinistrée (Longwy) et devez endurer un patron tyrannique parce que de toute manière, c'est le seul à dix kilomètres à la ronde et que vous avez atrocement besoin de votre smic. C’est ainsi que même si tout un chacun devrait tendre à s’affirmer, cela ne doit jamais devenir le but ultime, l’adaptation à l’environnement étant la règle : ne sombrons pas dans la bêtise.

Il est aussi plus facile d'être assertif face au flic qui vous arrête, si vous êtes commissaire de police ou Nicolas Sarkozy, que si vous êtes un citoyen lambda. Dans le régime de feu Ceaucescu, l'assertivité devait aussi poser problème, au moins autant que de nos jours en Corée du Nord. L'assertivité, l'affirmation de soi, est donc un concept qui a ses limites, ne l'oubliez jamais.

Généralement, lorsque l’on parle d’affirmation de soi, nous retrouvons quatre attitudes pour définir tous les comportements humains : la fuite, l’agressivité, la manipulation et l’affirmation de soi.

Les trois premières attitudes, résultent d’une adaptation sommaire au contexte mais se révèlent moins performantes que l’affirmation de soi. Elles ont tendance à s'exprimer de façon réflexe dans les situations difficiles en laissant libre cours0 aux émotions immédiates ainsi qu'aux complexes personnels. Elles sont génératrices de tensions, de défenses, d'incompréhension et de perte de temps. Faciles à mettre en place, elles se révèlent finalement coûteuse en termes de communication.

A l’oppose, l’affirmation de soi est une vraie qualité de la communication dans laquelle on se respecte soi-même, sans se renier, autant que l'on respecte autrui, sans l’écraser. Elle s'exprime de façon sensible et réfléchie. Elle permet des actions adaptées aux situations. L’assertivité est fondée sur l’affirmation de soi et non sur la maîtrise de soi. L’affirmation de soi n’est en aucun cas un pouvoir sur soi car elle suppose une aisance, une liberté relationnelle, et non je ne sais quelle technique de contrôle tendant à créer ce que l’on appelle en psychologie un faux self.

D’ailleurs, ceux qui ne réussissent jamais à s’affirmer sont ceux qui tombent toujours dans l’erreur consistant à chercher à se contrôler, à tenter de se maîtriser de manière à disposer d’un pouvoir absolu sur soi. On assiste alors à une comédie grotesque durant laquelle, par exemple l’ancien timide se muera en individu agressif et pénible. Cela tombe toujours à côté du but poursuivi. Car pour des raisons que j’expliquerai dans le prochain article, le côté factice du contrôle excessif ressort toujours : peignez des rayures sur un âne et vous n'aurez pas un tigre pour autant.

Etre quelqu’un de gentil, doux, et réservé n’a jamais constitué jamais un manque d’affirmation de soi, c’est simplement être soi. Par contre, complexer parce que l’on est ainsi et que l’on se rêverait autre, génère un complexe qui entraînera le défaut d’affirmation de soi. Perpétuellement soumis au regard de l'autre, que l'on interprète négativement, c'est là qu'on va tenter soit d'être agressif pour surcompenser, soit de manipuler pour donner de change, soit de se soumettre pour être accepté.

Vendredi, l’agneau qui se rêvait loup, n’est finalement pas venu, la baudruche s'est dégonflée. C'est fort dommage, car il aurait vu que son nouveau personnage ne trompait personne et que l'affirmation de soi, c'est plus compliqué, mais finalement aussi incomparablement plus simple.

A l'opposé, laissez-moi vous compter une histoire qui m'arriva alors que j'avais une vingtaine d'années. J'avais créé une société de télématique avec un ami. Il advint qu'un jour, pour je ne sais plus quel motif, je l'engueulais comme du poisson pourri parce qu'il n'avait pas rempli telle ou telle obligation. Plutôt que de rentrer dans un débat stérile avec moi, je me souviens encore de ce qu'il m'expliqua :

"Philippe, je suis comme je suis, je sais que je suis un excellent second et non un leader, donc soit tu me prends tel que je suis, soit on arrête".

Voilà un exemple parfait d'affirmation de soi dans lequel, plutôt que de jouer à celui qui en aurait une plus grande que l'autre, mon ami et associé affirmant ses droits, se présentait sans fards avec ses limites, sans dénier non plus mes droits, calmement en présentant les choses telles qu'elles étaient. Moi, la grande gueule j'avais été marqué, parce que je pense qu'à l'époque, je n'aurais pas été capable d'en faire autant.