Comment bien jouer du piano !
Après-midi de fin d'automne froid ! Je me dis : "et tiens pourquoi que tu ne te remettrais pas un peu au piano, plutôt que de regarder Drucker ?". C'est vrai, depuis que j'ai cessé les maquettes, je m'ennuie un peu. J'approche donc de mon Pleyel 3bis de 1922 et je me mets à jouer. Mes doigts sont rouillés et j'enrage. Mais ma ténacité légendaire aura vite raison de mon engourdissement.
Après avoir joué une petite heure, je me dis que j'ai envie de répéter un truc que j'aime. Et moi, ce que j'aime ce sont les standards, les trucs bien classiques, que les connaisseurs appellent familièrement des 2-5-1. Je suis un mec classique. J'ouvre donc la partition de Mack the knife, un thème écrit en 1929, issu de "L'opéra de quat'sous", écrit par Kurt Weil. Enfin, c'est une grille et non une partition.
La grille, parce que chez nous les jazzmen, on parle de grille, est assez simple. Je dois préciser qu'une grille n'est pas une partition classique ; il n'y a que la main droite, la mélodie, et les accords écrits au dessus sous la notation anglo-saxonne. On n'a pas besoin de la main gauche soit écrite, puisqu'on est super créatifs : on fait les arrangements que l'on veut !
On passe de la ballade à la bossa, on fait des walking bass, et même si on veut, on peut se prendre pour Bach, en arrangeant à sa manière ! Alors là, manque plus que le whiskye sur le piano et la gonzesse, moulée dans un fourreau noir, accoudée qui vous regarde d'un oeil énamouré, et vous êtes un dieu à peu de frais.
Alors je joue un peu, et au bout d'une demie-heure, mes doigts se dérouillent, je suis content, ça ressemble à quelque chose. Mon Pleyel, accordé depuis peu, vibre bien même si c'est une saloperie de piano plutôt classique, d'un abord difficile. La bête ne se laisse pas dompter facilement ! Je le savais en l'achetant. J'hésitais entre un Schimmel droit qui sonnait admirablement bien, avec un clavier précis, et ce Pleyel pas facile.
Mais mon gros égo l'a emporté et c'est ce Pleyel que j'ai choisi. Les basses sonnaient bien, il était magnifique, il s'accordait admirablement à mon intérieur, à mon orgueil. Donc tant pis je savais que je ne l'exploiterais qu'à un quart ! D'ailleurs, je ne connais qu'un type capable de le faire sonner admirablement, c'est un bon copain qui a fait le conservatoire de Paris, ce qui n'est bien sûr pas mon cas. Moi, j'ai juste fait le conservatoire des gros orgueilleux, option prétentieux.
Alors me voilà parti pour jouer Mack the knife, qui raconte l'histoire d'un mec qui tue des gens. Je me débrouille, mais bon, je suis un peu frustré, il me semble que c'est nettement moins bien que quand Peterson le joue, je ne sais pas pourquoi ? Ca ne peut pas être une question de talent ! Alors, éventuellement de travail ? Mais bon, je ne suis pas Oscar Peterson, j'ai un travail moi, je n'ai pas des heures pour jouer du piano tous les jours !
Alors je commets le truc qu'il ne faut pas ! Je cours sur mon PC, toujours branché, et hop je me colle sur Youtube, où je tape Mack the knife. Des tonnes de réponses arrivent. Je néglige Bobby Darrin, qui l'a créé aux USA en 1958, pour écouter Sinatra chantant en duo avec Jimmy Buffet. Comme je n'ai pas de grand orchestre à ma disposition, avec des violons et une section cuivre, et que je chante moins bien que Francky, je laisse tomber.
Je réécoute Peterson, et effectivement, ça jette autrement que moi. Mais bon, tant pis je ne serais jamais Peterson. Je m'aperçois alors qu'il y a une vidéo de Liberace, le pianiste kitchissime, jouant Mack the knife. J'écoute avidement et là, je meurs. Mise en place parfaite, arrangements nickels, je prends conscience que je suis une daube pianistique accomplie.
Rien de transcendant mais on sent la formation classique, l'expérience de concertiste et les milleirs d'heures passées au clavier. D'un coup, je me sens tout petit. Je réécoute et je déprime. Qu'à cela ne tienne, j'observe la vidéo et je me rends compte qu'il me manque certains accessoires pour être à la hauteur.
Profitant du fait que mon épouse soit occupée, je descends chercher un chandelier pour le poser sur mon piano, parce que Liberace avait toujours un tel ustensile sur le sien. Je me remets à jouer mais que dalle ! Rien à faire, je suis toujours à mille années lumière de lui ! Pourquoi ? Je suis moi aussi châtain, alors ça doit forcément venir d'autre chose !
Entendant mon épouse dans le salon, je me lève aussitôt et me penchant sur la rambarde de la mezzanine, je lui demande où sont passées ma chemise à jabot et ma veste dorée ! Elle me regarde éberluée en se demandant si je suis dingue. Elle m'explique que je n'ai jamais eu de chemise à jabot ni de veste à paillettes, du moins pas depuis que je la connais ! Elle me demande ce que j'en ferais de toute manière !
C'est à moi, totalement agacé, de lui dire que c'est pour jouer du piano, que ça m'aiderait et que d'ailleurs elle n'a qu'à aller sur le PC, que c'est dans Youtube. Je ne sais pas si mes explications sont peu claires mais en tout cas elle ne comprend rien. Je préfère laisser tomber plutôt que de m'engueuler avec elle. Je prends soudainement conscience que j'ai épousé une béotienne qui ne comprendra jamais rien à la musique ! J'ai sacrifié ma carrière à mon mariage : la musique a beaucoup perdu !
De Liberace à Clayderman, tous les pianistes ont toujours eu des chemises à jabot, vous l'aurez noté et moi je n'en ai pas ! Même André Rieu a des chemises à jabot, putain ! Difficile de persévérer et de faire des progrès importants dans ces conditions. Moi je dis que si on est mal outillé, cela ne sert à rien de continuer ! Je joue encore une petite demie-heure et je quitte le piano, dégouté et aussi triste qu'un jeune de la Star'Ac qui sait qu'il a raté son évaluation : c'est peu dire !
En fin d'après-midi, mon frère m'appelle et incidemment me demande ce que je voudrais pour Noël. Pour une fois, j'ai une idée alors je lui dis que j'aimerais bien une super chemise à jabot, encolure quarante-trois, plutôt en soie parce que c'est plus joli. Mon frère me demande pourquoi j'ai envie de m'habiller comme un con ? Il s'inquiète et me demande si je projette de devenir nouveau philosophe, comme BHL, ou de virer ma cuti. Je lui explique alors qu'il ne s'agit pas d'être ridicule mais d'améliorer mon jeu pianistique. Manifestement il ne comprend rien lui non plus. J'abrège la conversation, très très irrité !
Je souffre ! Pas facile d'être le seul artiste perdu au milieu de gens qui ne comprennent rien à la musique ! Ma sensibilité en prend un coup. Une larme perle au coin de mes yeux, que j'essuie aussitôt de mon mouchoir de baptiste ! Je me reprends, je ravale mes émotions : je sais aussi être dur. La vie m'a dressé !
Je vais peut-être me mettre au zurna, sur les vidéos, j'ai noté que le costume était moins exigeant !
Après avoir joué une petite heure, je me dis que j'ai envie de répéter un truc que j'aime. Et moi, ce que j'aime ce sont les standards, les trucs bien classiques, que les connaisseurs appellent familièrement des 2-5-1. Je suis un mec classique. J'ouvre donc la partition de Mack the knife, un thème écrit en 1929, issu de "L'opéra de quat'sous", écrit par Kurt Weil. Enfin, c'est une grille et non une partition.
La grille, parce que chez nous les jazzmen, on parle de grille, est assez simple. Je dois préciser qu'une grille n'est pas une partition classique ; il n'y a que la main droite, la mélodie, et les accords écrits au dessus sous la notation anglo-saxonne. On n'a pas besoin de la main gauche soit écrite, puisqu'on est super créatifs : on fait les arrangements que l'on veut !
On passe de la ballade à la bossa, on fait des walking bass, et même si on veut, on peut se prendre pour Bach, en arrangeant à sa manière ! Alors là, manque plus que le whiskye sur le piano et la gonzesse, moulée dans un fourreau noir, accoudée qui vous regarde d'un oeil énamouré, et vous êtes un dieu à peu de frais.
Alors je joue un peu, et au bout d'une demie-heure, mes doigts se dérouillent, je suis content, ça ressemble à quelque chose. Mon Pleyel, accordé depuis peu, vibre bien même si c'est une saloperie de piano plutôt classique, d'un abord difficile. La bête ne se laisse pas dompter facilement ! Je le savais en l'achetant. J'hésitais entre un Schimmel droit qui sonnait admirablement bien, avec un clavier précis, et ce Pleyel pas facile.
Mais mon gros égo l'a emporté et c'est ce Pleyel que j'ai choisi. Les basses sonnaient bien, il était magnifique, il s'accordait admirablement à mon intérieur, à mon orgueil. Donc tant pis je savais que je ne l'exploiterais qu'à un quart ! D'ailleurs, je ne connais qu'un type capable de le faire sonner admirablement, c'est un bon copain qui a fait le conservatoire de Paris, ce qui n'est bien sûr pas mon cas. Moi, j'ai juste fait le conservatoire des gros orgueilleux, option prétentieux.
Alors me voilà parti pour jouer Mack the knife, qui raconte l'histoire d'un mec qui tue des gens. Je me débrouille, mais bon, je suis un peu frustré, il me semble que c'est nettement moins bien que quand Peterson le joue, je ne sais pas pourquoi ? Ca ne peut pas être une question de talent ! Alors, éventuellement de travail ? Mais bon, je ne suis pas Oscar Peterson, j'ai un travail moi, je n'ai pas des heures pour jouer du piano tous les jours !
Alors je commets le truc qu'il ne faut pas ! Je cours sur mon PC, toujours branché, et hop je me colle sur Youtube, où je tape Mack the knife. Des tonnes de réponses arrivent. Je néglige Bobby Darrin, qui l'a créé aux USA en 1958, pour écouter Sinatra chantant en duo avec Jimmy Buffet. Comme je n'ai pas de grand orchestre à ma disposition, avec des violons et une section cuivre, et que je chante moins bien que Francky, je laisse tomber.
Je réécoute Peterson, et effectivement, ça jette autrement que moi. Mais bon, tant pis je ne serais jamais Peterson. Je m'aperçois alors qu'il y a une vidéo de Liberace, le pianiste kitchissime, jouant Mack the knife. J'écoute avidement et là, je meurs. Mise en place parfaite, arrangements nickels, je prends conscience que je suis une daube pianistique accomplie.
Rien de transcendant mais on sent la formation classique, l'expérience de concertiste et les milleirs d'heures passées au clavier. D'un coup, je me sens tout petit. Je réécoute et je déprime. Qu'à cela ne tienne, j'observe la vidéo et je me rends compte qu'il me manque certains accessoires pour être à la hauteur.
Profitant du fait que mon épouse soit occupée, je descends chercher un chandelier pour le poser sur mon piano, parce que Liberace avait toujours un tel ustensile sur le sien. Je me remets à jouer mais que dalle ! Rien à faire, je suis toujours à mille années lumière de lui ! Pourquoi ? Je suis moi aussi châtain, alors ça doit forcément venir d'autre chose !
Entendant mon épouse dans le salon, je me lève aussitôt et me penchant sur la rambarde de la mezzanine, je lui demande où sont passées ma chemise à jabot et ma veste dorée ! Elle me regarde éberluée en se demandant si je suis dingue. Elle m'explique que je n'ai jamais eu de chemise à jabot ni de veste à paillettes, du moins pas depuis que je la connais ! Elle me demande ce que j'en ferais de toute manière !
C'est à moi, totalement agacé, de lui dire que c'est pour jouer du piano, que ça m'aiderait et que d'ailleurs elle n'a qu'à aller sur le PC, que c'est dans Youtube. Je ne sais pas si mes explications sont peu claires mais en tout cas elle ne comprend rien. Je préfère laisser tomber plutôt que de m'engueuler avec elle. Je prends soudainement conscience que j'ai épousé une béotienne qui ne comprendra jamais rien à la musique ! J'ai sacrifié ma carrière à mon mariage : la musique a beaucoup perdu !
De Liberace à Clayderman, tous les pianistes ont toujours eu des chemises à jabot, vous l'aurez noté et moi je n'en ai pas ! Même André Rieu a des chemises à jabot, putain ! Difficile de persévérer et de faire des progrès importants dans ces conditions. Moi je dis que si on est mal outillé, cela ne sert à rien de continuer ! Je joue encore une petite demie-heure et je quitte le piano, dégouté et aussi triste qu'un jeune de la Star'Ac qui sait qu'il a raté son évaluation : c'est peu dire !
En fin d'après-midi, mon frère m'appelle et incidemment me demande ce que je voudrais pour Noël. Pour une fois, j'ai une idée alors je lui dis que j'aimerais bien une super chemise à jabot, encolure quarante-trois, plutôt en soie parce que c'est plus joli. Mon frère me demande pourquoi j'ai envie de m'habiller comme un con ? Il s'inquiète et me demande si je projette de devenir nouveau philosophe, comme BHL, ou de virer ma cuti. Je lui explique alors qu'il ne s'agit pas d'être ridicule mais d'améliorer mon jeu pianistique. Manifestement il ne comprend rien lui non plus. J'abrège la conversation, très très irrité !
Je souffre ! Pas facile d'être le seul artiste perdu au milieu de gens qui ne comprennent rien à la musique ! Ma sensibilité en prend un coup. Une larme perle au coin de mes yeux, que j'essuie aussitôt de mon mouchoir de baptiste ! Je me reprends, je ravale mes émotions : je sais aussi être dur. La vie m'a dressé !
Je vais peut-être me mettre au zurna, sur les vidéos, j'ai noté que le costume était moins exigeant !
Liberace, "Mack the knife", 1969 !
Notez la belle chemise à jabot !
Notez la belle chemise à jabot !
8 Comments:
Peut être que tu devrais te remettre aux maquettes?
;-)
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FLASH SPECIAL DE L'INPI
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L'Empereur du blog invente le :
Non-article
"ZURNA 2" est le premier non-article de la blogosphère.
Toju
(nonobstant tout zurnisme)
Pfff, n'importe quoi !!!
D'une part j'ai du travail !
D'autre part, je cherche une chemise à jabot !
et la chemise a jabot, elle est avec ou sans ambages ?
Parce que si vous en trouvez avec, je pense que tous ces pianistes parleront de vous avec des tremolos dans la voix et la larme a l'oeil (a cause du soleil bien sur, c'est pas des fiottes comme a la star ac ou dans votre cabinet).
Cher Pascal,
Merci de m'avoir lu !
1- Sachez que tout ce que j'affirme ici es affirmé "sans ambages" ! Qu'on se le dise !
2- Les petits gars de la Star'Ac sont un peu fiotte !
3- Je n'ai rien dit de tel concernant mes chers patients pour la bonne raison, que si je me moque de plein de choses, il y a trois choses dont je ne moque jamais : Dieu car je vis sous la crainte de Dieu qui me regarde de son oeil perçant, mes patient(e)s que je respecte profondément et je ne déconne pas, et enfin mon épouse parce que ses cousins Ange et Dominique ne le supporteraient pas !
Ceci dit, avez-vous commandé votre chemise à jabot ? Et une guimpe, c'est de saison ça ! Et puis des schnabelschuhe ??? Allez dépêchez-vous !
Cher Philippe,
1- Je vous lis toujours. Avec plaisir meme.
2- Que ce que vous affirmiez soit toujours sans ambages, je le savais (Je retiens ce que je lis sur ce blog !). C'est de la chemise a jabot dont je parlais. Meme si je le reconnais, je ne sais pas a quoi ca ressemble. Une zurnerie de ma part sans doute.
3- Je cite "...j'ai noté un accroissement de ces jeunes métrosexuels ultraféminisés dans ma clientèle. Très soignés, propres sur eux, piercés, les cheveux plein de gel et leur torse maigre moulé dans de ravissants petits T-shirts, la plupart sont d'ailleurs purement hétérosexuels". Bon, si ce n'est pas la definition d'une fiotte, alors qu'est ce donc, que diable (quand Dieu va lire cette invocation avec son oeil percant...)! Je ne me moquais point, je constatais !
4- C'est de saison ou, la guimpe ? A Foug ?
5- Je me demande si vos metrosexuels de patients (dont je ne moque pas, je le precise) portent des schnabelschuhe ? Ca irait bien avec le reste je trouve.
Sinon, vous avez raison, je me depeche !
Je me souviens d'épisodes du Muppet Show ou intervenait votre futur alter-ego, feu Liberace...hilarant.
Cher Pascal,
Certes vous interprétez mes propos comme vous voulez mais il n'empêche que je n'ai pas parlé de fiottes ! J'ai le plus profond respect pour mes patients, sinon j'aurais fait psychanalyste comme Gérard Miller ! Roooo, que je suis méchant ! Gégé, excuse-moi !
En ce qui concerne la guimpe, vous avez une "Maison de la guimpe" à Foug effectivement qui propose plus de cent modèles de guimpes !
Pour les schnabelschuhe, c'est à Yutz, en Moselle qu'il vous faudra aller, dans la Schanbelschuhehaus qui vous propose aussi des tas de modèles différents !
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