17 décembre, 2007

Conte de Noël !


Tout là-bas au nord de la Lorraine, dans le département de Meurthe-et-Moselle, il était une jolie petite ville qui s'appellait Foug. On y accèdait par la nationale 4 en venant de Toul.

En ce soir du 24 décembre 1982, le petit Hans et sa jeune sœur Frida, de deux ans sa cadette, s'apprêtent à aller se coucher. Mais juste avant, ils ont pris soin de déposer leurs schnabelschuhe au pied du sapin famélique situé dans le salon de la médiocre petite maison délabrée qu'ils occupent avec leurs parents.

La mère Greta, s'échine à faire des ménages chez les quelques riches qui restent encore en ville, tandis que le père Karl travaille aux établissement Pont-à-Mousson dans une fonderie, sise justement Avenue des Fonderies ! De temps à autre, le père loue sa force physique pour la cueillette des mirabelles ou les vendange de Gris de Toul. La mère, cuisinière accomplie est connue pour sa célèbre croutonnade, qu'elle vend parfois dans les restaurants du coin, et notamment au Café du Centre.

Les petits ont bien du mal à s'endormir, mais le sommeil a bientôt raison de leur résistance. Et c'est bientôt dans des rêves peuplés de jouets magnifiques que les deux petits se laissent aller.

Le lendemain matin, les petits se lèvent aux aurores et descendent bien vite pour voir ce qu'il y a au pied du sapin. Ils sont amèrement déçus en constatant qu'il n'y a rien d'autre dans leur schnabelschuhe qu'une simple orange et un bon cadeau émanant du centre communal d'action social !

Les petits font la moue et finissent par pleurer ! Leurs aurait-on menti ? Qu'est ce que c'est que cette lettre au père Noël que la maîtresse leur a fait écrire la semaine dernière. Rien de ce qu'ils ont demandé ne leur a été apporté !

Leur mère, la robuste Greta s'approche d'eux et leur explique que c'est ainsi, que leur père ayant été licencié voici déjà six mois, ils n'ont plus assez d'argent pour leur offrir de plus jolis cadeaux et qu'il faut être raisonnable.

Karl ayant entendu cela, se lève et commence à hurler après sa femme à qui il reproche de faire de la peine aux gosses en leur parlant des choses qui ne concernent que les adultes. Greta s'oppose et lui dit qu'ils sont maintenant en âge de comprendre !

Karl entre dans une fureur noire et accuse sa femme Greta de tout faire pour le diminuer auprès de ses enfants en leur rappelant encore et toujours qu'il est chômeur ! D'ailleurs, lui fait-il remarquer, la semaine dernière il a encore fallu qu'elle remette cela sur le tapis chez ses propres parents.

Greta, en robuste femme du toulois ne s'en laisse pas compter par son mari et lui rétorque que s'il buvait moins, il aurait peut-être retrouvé du travail. Karl, rouge de colère, manque de s'étrangler, et ne schant que répondre, la traite simplement de grosse salope en lui rappellant qu'il aurait du écouter ses amis qui lui disaient de ne pas l'épouser.

S'il croit que Greta va s'éffondrer en larmes, c'est peine perdue ! Celle-ci lui dit qu'elle regrette aussi de l'avoir épousé, et qu'elle aurait mieux fait de se marier à Fernand, qui lui a un emploi stable de facteur et n'est pas au chômage !

Karl rit à gorge déployée et lui dit que son Fernand est une nullité et que s'il est entré dans l'administration, c'est parce qu'il n'avait pas la force nécessaire pour travailler à la fonderie ! Il est si content de sa réplique qu'il se rassied et lampe une grande rasade de Mirabelle.

Perfidement, Greta, rappelle à son mari Karl, que si Fernand n'a pas sa force physique, il a au moins un cerveau parce qu'il en a fallu un pour passer le concours de facteur. Et c'est tout aussi sournoisement que, rappelant ses piètres performances scolaires à son mari, qui s'est arrêté en CM2, elle rajoute que pour être facteur, c'est sur qu'il faut au moins savoir lire les noms et les adresses. Et même compter, puisqu'il y a des chiffres dans ces adresses !

Ivre de rage, Karl prend son élan et retourne une giffle magistrale à Greta qui s'effondre par terre, la jupe retroussée ! Le nez en sang et le regard mauvais, elle se remet péniblement debout avant de lui dire, que c'est un sac à merde et qu'il va regretter son geste.

Karl, sur de sa force physique ne voit rien venir quand Greta, tendant habilement le bras en arrière pour la saisir par le goulot. Et d'un seul coup bien ajusté, celle-ci lui en assène un coup violent sur le crâne. La bouteille se brise dans la violence du choc mais Karl est robuste et ne tombe pas. Les deux petits aspergés d'alcool, courent se réfugier sous la table en pleurant.

Karl est cependant sonné et ne cesse de répéter, quelle grosse pute, putain, mais quelle grosse pute, tandis que sure d'elle, affichant un sourire vainqueur, Greta lui fait face en lui demandant si il en reveut une. Puis après l'avoir insulté copieusement, elle retourne dans sa cuisine pour y terminer la croutonnade. Sous la table, la petite Frida pleure doucement. Hans à couvert sous la nappe, explique doucement à son père que sa petite sœur a mal à l'oeil parce qu'elle a reçu du verre dedans. Karl, rendu fou de rage par sa femme, n'est pas près à s'en occuper et réplique à son fils, que Frida a deux yeux, et donc qu'il lui en reste au moins un !

Karl met un certain temps à récupérer car il a été durement sonné. Secouant sa grosse tête pour se débarrasser des morceaux de verre, il entre comme une furie dans la cuisine où Greta s'affaire. Aussitôt, il lui demande si c'est lui qu'elle a traité de sac à merde ? Greta lui répond que puisqu'il n'y a que lui, c'est forcément lui. Puis, se retournant à demi, elle l'enjoint d'aller cuver plutôt que de l'ennuyer, parce qu'elle, elle travaille.

Karl dépité s'assied et se prend la tête dans les mains puis commence à se plaindre de la crise qui frappe la région. En femme dure qui a beaucoup lu, Greta lui rétorque que s'il avait été plus malin, il aurait senti venir les mutations industrielles rendues nécessaires dans le contexte international, et qu'il aurait devancé la crise en tentant de s'adapter. Eberlué, Karl lui demande ce qu'elle raconte.

Greta rétorque que si au lieu d'aller boire et jouer aux cartes avec ses amis, il avait lu des choses intéressantes, il ne serait pas aujourd'hui une pauvre victime geignarde. Et elle rajoute : t'es pas un homme, juste un esclave de toute manière. Elle rit ensuite et lui dit que si il avait été plus malin, au lieu de croire les mensonges de l'état et des grosses entreprises qui marchent main dans la main, il aurait repris son destin en main. Mais, rajoute-t-elle, c'est sur que chez les bouseux, l'esprit entrepreneurial fait défaut.

Elle rajoute que si elle avait épousé Fernand, il ne serait pas devenu facteur de toute manière. Avec son BEPC, il avait suffisamment de connaissances pour faire des choses, et elle l'aurait soutenu. Ils seraient sans doute partis aux USA parce que Fernand avait une idée intéressante dont il lui avait parlé, une sorte de machine à calculer mais en bien mieux. Même que c'est la même que celle que deux gamins ont développée dans un garage en Californie. Un ordinateur que ça s'appelle, mais c'est sur que tu ne sais pas ce que c'est, con comme tu es, lui dit-elle sans même se retourner vers lui.

Karl ne répond pas, se contentant de remuer sa grosse tête de droite à gauche en murmurant: "n'importe quoi, c'est n'importe quoi". Toute personne formée à la psychologie comprendrait que Greta est allée trop loin. Karl a dépassé le point de non retour. Il se lève doucement. Le sang s'est retiré de son visage. Il s'approche doucement de la table de la cuisine sur laquelle est posé un couteau. Il s'en saisit et avançant vers sa femme toujours affairée à cuisiner, c'est d'une voix inquiétante qu'il lui demande si elle est bien sur de ce qu'elle avance.

Greta sans se démonter, persuadée d'avoir vaincu son mari grâce à la violence de son mari, lui répond qu'elle est sure que c'est un gros nul, et qu'elle l'a su trois jours après l'avoir épousé. Tu es vraiment sur, lui demande-t-il calmement. Oui, répond-t-elle avant de rajouter que ce serait bien qu'il lui fiche la paix et qu'il retourne dans le salon pour regarder la télévision parce que ça il sait le faire. Karl saisissant Greta de sa grosse main calleuse par l'épaule, la retourne et d'un coup lui enfonce le couteau dans le vendre avant de remonter jusqu'au sternum.

Eberluée Greta ne peux que regarder le regard fou de son mari. Joignant ses mains contre son ventre, elle ne peut retenir les grosses anguilles grises que forment ses intestins, qui se déroulent à terre. Un spasme violent, un hoquet sanglant qui s'échappe de sa bouche, et s'en est fini pour Greta qui s'écroule par terre.

Karl, prostré retourne dans le salon. Se servant un apéritif anisé, il s'assied et allume la télévision. Ce n'est qu'une heure plus tard que le jeune Hans sortant de sous la table découvrira sa mère morte dans la cuisine. Il revient dans le salon et observe son père toujours prostré. S'esquivant doucement, il sort de la maison et court chez une voisine.

C'est cette dernière qui préviendra la gendarmerie. Lorsque les gendarmes se présentent au domicile de Karl, il n'a toujours pas bougé. Menotté sans opposition, il accompagne la maréchaussée. Accusé de meurtre, il ne parlera pas plus au juge d'instruction qu'à son propre avocat. Finalement interné, il finira par se pendre dans sa chambre de l'hôpital psychiatrique de Laxou dans la banlieue de Nancy.

Un psychiatre, interrogé, dira de lui qu'il n'a jamais posé de problème et qu'il était tranquille même s'il ne disait pas un mot. D'ailleurs la seule fois où il s'est énervé, c'est quand il a croisé le facteur dans le parc de l'hôpital, mais personne n'a su les raisons de cette unique colère. Karl gardera donc son secret jusqu'à la tombe.

Les deux enfants s'en sortiront plus ou moins bien. La petite Frida ayant bénéficié d'une prothèse oculaire entièrement prise en charge par la sécurité sociale, réussira brillamment son CAP Agent des services administratifs mais ne s'est jamais marié, préférant partager sa vie avec un chat. Aux dernières nouvelles, elle vivrait à Toul, ayant préféré l'anonymat de la grande ville. N'ayant pas d'amis connus, il semble que sa vie soit calme et mesurée.

Le frère Hans, eut moins de chance. Des résultats scolaires médiocres, et des ennuis judiciaires eurent raison de ses velléités de réussite professionnelle. Recalé successivement au concours de facteur puis de policier municipal, il tentera sa chance dans le privé sans plus de succès. Après quelques séjours en prison pour des délits mineurs, il finira par rencontrer une femme qu'il épousera.

Manutentionnaire chez LIDL à Lunéville, il mène semble-t-il une vie tranquille. Mis en cause voici deux ans, dans une triste et célèbre affaire de viols multiples ayant défrayé la chronique en Meurthe-et-Moselle, il semblerait qu'il ne soit plus suspect.

La morale de ce conte est que Noël est une fête religieuse et non une fête commerciale. Si les enfants n'avaient pas songé qu'aux cadeaux, leur parents n'auraient pas été excédés et tout ceci ne serait pas arrivé ! C'est pour cela, qu'ajourd'hui encore, dans le Toulois, lorsqu'à la veille de Noël, les enfants trépignent dans les rayons de jouets des supermarchés, réclamant encore et toujours plus, afin de les calmer on leur dit :

"Tu veux finir comme Frida et Hans ?" Et aussitôt les enfants se calment et se taisent, car dès leur plus jeune âge, aucun d'eux n'a envie de finir borgne à Toul ou manutentionnaire à Lunéville !

PS : C'est sans doute à cause de ce conte célèbre qu'on lui a raconté dans sa jeunesse, que lorsque j'ai demandé à Laurence ce qui lui ferait plaisir pour Noël, elle m'a répondu que pour elle, Noël était une fête religieuse et qu'elle n'avait besoin de rien. Je pense qu'elle a été marquée et qu'elle ne veut pas finir borgne à Toul ou manutentionnaire à Lunéville !


9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Trois jours après sa crucifixion, le christ est rescucité. Des plus profonds des ténèbres, la lumière jaillit.

Trois jours après le solstice d'hiver (jour le plus court de l'année), Noël fête la naissance terrestre du christ et le jaillissement de la lumière.

Noël est la fête de la lumière divine. D'où l'importance de la symbolique des lumières, perpétuée en toute ignorance par les païens.

Chez les juifs, Hanouka à la même période est la fête des lumières.

Toju.

18/12/07 2:09 PM  
Anonymous Anonyme said...

J'etais a la fete des lumieres a Lyon le 8 decembre, y'avait un monde !

Faudrait leur dire aux Lyonnais qu'ils se gourent de dates.

18/12/07 4:37 PM  
Blogger Laure Allibert said...

En voilà une belle histoire, tonton Philippe ! Merci ! Il n'y a que le truc à propos de la Sécurité sociale qui fait bizarre...

18/12/07 7:55 PM  
Anonymous Anonyme said...

Arno Klarsfeld
Mick Jagger
Eric Clapton
Donald Trump
Vincent Perez
Charles Berling
Kevin Costner
Giovanni Malagò
Raphaël Enthoven
Laurent Fabius
Louis Bertignac
Jean-Jacques Goldman
Pierre Benichou
Christopher Thompson
Léo Scarax
Nicolas Sarkozy



Un grand talent. Chapeau, madame.

Toju.

18/12/07 10:34 PM  
Blogger El Gringo said...

Quel tableau de chasse!
On pourrait croire que notre ami Toju regrette de ne pas en faire partie ;-)

Mais quel rapport avec Frida et Hans?

19/12/07 2:04 AM  
Blogger philippe psy said...

Je n'ai pas compris non plus ?!

19/12/07 6:14 AM  
Blogger Nanette said...

Finalement, c'est très frustrant ce blog : le temps d'envoyer sa petite réponse, monsieur est passé à autre chose depuis longtemps...et pourtant je ne "lis" pas souvent de gens avec qui j'aimerais discuter plus de cinq minutes ! Concernant la cigarette-liberté, oui à condition de ne pas chialer dans les tuniques si on chope un cancer et d'assumer une mort prématurée en stoïcien confirmé.

19/12/07 10:24 AM  
Blogger El Gringo said...

Il s'agit des conquêtes successives que l'on prête à une certaine Carla B.
On sombre dans le "people". Il ne manque plus que des idées pour décorer le sapin et quelques recettes de cuisines de fêtes pour se croire dans "Gala" ou "Femme Actuelle"!
;-)

19/12/07 1:53 PM  
Anonymous Anonyme said...

En effet, la liste n'a rien à voir avec Frida et Hans. C'était juste pour le fantasme.

Ne vous alarmez pas de l'insolence de Grinjo. Il se permet des privautés car nous fréquentons les mêmes manifs.

Toju.

19/12/07 9:20 PM  

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