15 mars, 2008

L'intimité surexposée ! Euthanasie suite et fin.


C'est un phénomène actuel qui veut que l'intimité soit surexposée. Tout se passe comme si quelques individus, placés dans de douloureuses situations, devaient convoquer la communauté afin de les aider à prendre un choix. Les médias avides de telles situations n'hésitent pas à tendre leurs micros ou caméras à ces individus.

Sur TF1 des émissions telles que "C'est quoi l'amour ?", "Le grand frère" ou encore "Confessions intimes" nous présentent ainsi des individus en proie à des problèmes extrêmement classiques. Sous des dehors doucereux, l'animatrice Mireille Dumas fait de même dans "Bas les masques" puis dans "Vie privée, vie publique" sur les chaines publiques. Et il y a sans doute d'autres émissions auxquelles je ne pense pas.


La téléréalité n'y échappe pas non plus. Là où l'on voudrait nous faire croire qu'il ne s'agit que de montrer des personnes vivant normalement, on s'aperçoit vite que ce n'est pas vrai. La téléréalité est toujours l'occasion du déballage de son intimité. Et dans cette idée, je ne pense pas à l'accouplement de Loana et de Jean-Edouard dans le Loft. Ce n'était là qu'une scène bien classique, quelque chose de normal quand on mélange des femelles et des mâles dans un espace clos.

En revanche, je suis toujours troublé de constater que des émissions telles que "Star Academy" ou encore "A la recherche de la nouvelle star", dont le but établi est de sortir de nouveaux artistes, soient aussi et peut-être même surtout l'occasion pour beaucoup de nous étaler leur pathos à la face. C'est une mode qui veut que tout jeune passant à la télévision nous parle de l'absence de son père ou de ses difficultés de vie.

La sphère de l'intime explose. Là où auparavant on aurait recommandé à ces personnes de consulter, qui un ami, qui un prêtre ou un psy, selon ses convictions, on compte aujourd'hui sur la communauté pour réparer les blessures narcissiques. C'est inutile et cela maintient ces gens dans une économie psychique totalement immature.

Grandir c'est s'apercevoir que l'on est seul et définitivement seul. Pas plus la communauté, fut-ce celle des téléspectateurs, que le couple, ou le groupe quel qu'il soit, n'a le pouvoir de régler des problèmes intrapsychiques. Mais les médias racoleurs, poursuivant leur propre logique de vente de papier ou d'émissions stupides, en ont décidé autrement.

Dès lors, tout est happening. N'importe quel drame, surtout s'il est intime, doit être surexposé. Le rituel confine à l'exorcisme comme si une personne en souffrance imaginait que le dire au plus grand nombre permettrait de régler ses problèmes. Parler n'est déjà pas forcément utile alors parler au plus grand nombre ne le devient pas plus.

Parlant de Chantal Sebire, cette femme qui demande à ce qu'on l'aide à mourir, GCM m'expliquait que cette information n'aurait sans doute jamais du dépasser les trois lignes dans un journal local. Il a sans doute raison. Même si c'est triste et cynique de l'écrire, des centaines de personnes sont dans sa situation et n'en appellent pas à la communauté pour mourir.

Une fois la décision prise, et j'imagine qu'elle doit être difficile à prendre, mourir n'est pas un acte complexe. Chaque jour, les hôpitaux voient affluer des individus qui avaient décidé d'en finir et dont la survie n'est due qu'à un concours de circonstances. Pour y parvenir, chacun a choisi le moyen qu'il avait à sa disposition. Les uns préfèreront des moyens violents, ce sont généralement les hommes, les autres choisiront les médicaments. Martin Monestier dans un ouvrage déjà ancien, avait recensé toutes les méthodes aberrantes choisies par les prétendants au grand voyage.

Alors pourquoi cette dame n'en fait-elle pas autant. Dans ma profession, la détresse psychique qui engendre aussi une grande souffrance pousse certaines personnes à mourir. Que je sache, pas l'un d'eux n'irait interpeler l'état pour ce qui reste un choix intime. Face à une souffrance qu'ils imaginent toujours durer, certains font le choix de mourir. Dès lors, le malade du cancer aurait-il droit à un traitement différent ?

Oui, il y a le droit parce que l'on considère que la souffrance physique apparaissant dans le cadre d'une maladie incurable est à traiter différemment. On propose donc aux personnes de les aider en leur offrant des traitements antalgiques puissants qui hâteront leur mort. L'acharnement thérapeutique n'existe plus. La médecine est plus sage et a compris que faute de pouvoir vaincre toutes les pathologies, elle pouvait encore offrir le moyen de tirer sa révérence dignement. Les services de soins palliatifs existent dès lors que tout a été tenté pour la personne.

Mais avant d'arriver là, il faut justement que la fin soit proche et inéluctable. Aller dans un centre de soins palliatifs, c'est admettre que plus rien ne peut être tenté. Comme je le disais plus haut, le plus difficile n'est sans doute pas de suicider, mais de prendre cette décision. Une fois prise, on passe à l'acte.

S'agissant de cette dame, si les souffrances sont telles, on lui proposera la même chose. Si la mort est inéluctable et doit intervenir sous peu, elle pourra être admise, j'imagine, dans un service de soins palliatifs dans sa région. Alors pourquoi refuse-t-elle ? Pourquoi décide-t-elle d'interpeler l'état afin qu'il lui procure un produit lui permettant de mettre en scène sa mort comme elle l'entend.

Imaginons que le suicide soit le résultat d'un arbitrage entre la volonté de vivre et celle de ne plus vivre. Auparavant, va exister une angoisse qui résultera d'un non choix. Certains jours, voire certaines heures, l'une ou l'autre de ces volontés l'emportera. Lorsque l'angoisse céderera la place au choix, soit la personne décidera de vivre, soit de mourir. Si le choix de mourir est pris, tous les moyens seront bons et il n'est nul besoin d'un médecin pour en finir.

Peut-être que malgré les souffrances qu'elle endure, Chantal Sebire n'est pas encore parvenue à faire un choix. Sentant sa fin inéluctable, il se pourrait qu'elle soit prise d'angoisses terribles et qu'elle demande à la collectivité non pas de mourir mais d'apaiser son angoisse en lui promettant que si le seuil de tolérance venait à être dépassé, la mort la libèrerait de manière douce et rapide. C'est quelque chose que je comprendrai parfaitement. On a beau parler de soins palliatifs, quel est celui d'entre nous qui pourrait sereinement rejoindre ce genre d'établissement en sachant qu'il y est comme un condamné dans le couloir de la mort ?

S'il s'agit d'angoisse, c'est alors que la vie s'accroche encore. Le moment n'est pas encore venu de tirer sa révérence. L'angoisse c'est un processus par lequel on veut à la fois une chose et son contraire. Et dans le cas de cette dame, peut-être désire-t-elle autant en finir que continuer à vivre malgré tout.

Peut-être désire-t-elle simplement l'assurance qu'elle partira simplement et rapidement. Elle qui vient de voir la médecine vaincue, n'a pas forcément envie de croire les médecins l'assurant qu'à défaut de l'avoir soignée, ils lui permettront de mourir dans la dignité.

Une expérience a prouvé qu'il suffisait de mettre un bouton d'arrêt du type coupe -contact sur un fauteuil de dentiste pour que le stress du patient baisse de 99% dans 99% des cas. Ce n'est donc pas tant la souffrance qui fait peur mais le fait qu'on soit obligé de l'endurer alors qu'on n'en peut plus.

Alors, ayant entendu un énième reportage sur le cas dramatique de cette femme, peut-être ne demande-t-elle que l'assurance qu'on lui offrira bien un "bouton d'arrêt" dans la dernière extrémité ?

Au-delà du débat opposant les partisans et les opposants à l'euthanasie, je serais curieux de savoir ce qu'on a proposé à cette femme comme accompagnement psychologique. J'ai souvent constaté que pour des pathologies graves, cancers compris, n'ayant pas un pronostic vital, on laissait souvent des individus seuls sans accompagnement et face à leur souffrance.

J'en ai parfois reçu dans mon cabinet alors que c'eût été du ressort des services concernés d'assurer ce suivi psychologique. Chaque fois, ces patients se plaignaient de la manière inhumaine dont on les traitait. Manifestement entre ces traitements invasifs et les services de soins palliatifs, entre une médecine hautement technique et inhumaine et une médecine enfin humanisée, manque sans doute souvent un lien. On a presque l'impression que la médecine devient humaine lorsqu'elle a renoncé à pouvoir guérir.

L'euthanasie en tant que demande de suicide assisté est peut-être l'arbre qui cache la forêt ?

1 Comments:

Blogger El Gringo said...

"toutes les méthodes aberrantes choisies par les prétendants au grand voyage."

J'ai même entendu parler d'un gars qui s'est ouvert le pouce...

18/3/08 1:32 AM  

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