Bad trip, G négatifs, voile rouge et retour en arrière !
La semaine dernière, un ex jeune patient est passé me dire bonjour. Dans les faits, ce serait plutôt bonsoir puisqu'il est venu à vingt-et-une heures, alors que je terminais mes consultations. J'étais ravi de le voir car c'est un jeune type intelligent, marrant et sympathique.
Nous sommes allés prendre un verre. Il m'a un peu parlé de sa vie, et j'étais ravi de constater qu'alors que je l'avais connu tout naze et ultra-dépressif, il était parvenu à trouver un bon boulot qui lui plaisait. Tandis qu'à l'époque, il venait me consulter, coiffé comme un dessous de bras, mal rasé et attifé comme l'as de pique, j'étais ravi de le voir tout beau en costume, avec le poil court et les joues glabres. Si ça c'est pas du contrôle social, je ne m'y connais pas ! Encore un que j'ai renvoyé vers l'enfer du salariat ; c'est mon côté sergent recruteur.
Si Nicolas Princen vient lire mon blog, je suis sûr que dans les trois jours j'aurais une proposition pour entrer à l'UMP. C'est mon point fort. Vous venez me voir, tout paumé dans vos problèmes et en moins de deux, je vous transforme en jeune militant UMP propre sur vous ! C'est pas très créatif mais ça marche. Vous devenez un pion, un agent de la société de consommation, un contribuable et vous ne vous posez plus de questions. Vous n'en aurez plus le temps puisque celui que vous passez à vous poser des questions, vous l'emploierez à bosser pour payer des taxes.
C'est ainsi qu'après avoir papoté de sa carrière, nous avons discuté de tas d'autres choses. Parce qu'il faut bien le dire, mon succès n'est pas complet. J'ai pu constater que son boulot, il s'en foutait un peu tout de même. Il est resté rigolo et créatif. Il a juste compris que la vie était par essence merdique et qu'on était sur terre pour trimer et jouer la comédie de l'insertion ; Mais comme on se connait bien, à moi il ne me vend pas sa soupe.
Voilà donc qu'il m'explique ainsi qu'il comprend pourquoi je suis accro à quelques séries américaines. Sa copine lui a passé la saison 1 de la série "Les 4400". Il s'est mis à regarder cela et il n'a pas pu décrocher. Ne connaissant pas la série, je ne peux pas en parler. Mais comme il me l'explique, l'idée originale est super, les moyens importants et chaque épisode d'une heure est aussi complexe qu'un de nos longs métrages à nous.
Il poursuit et m'explique qu'à un moment donné, il a senti des signes d'avertissement provenant de sa vessie. Derechef il met le lecteur de DVD sur pause et va tranquillement faire sa petite miction aux toilettes ! Ayant uriné, il passe en cuisine se chercher une bière et retourne dans son salon pour poursuivre le visionnage de la suite de l'épisode. Et là, patatras, son monde s'écroule ! Il m'explique qu'il se retrouve soudainement plongé avant 1989 !
Sous ses yeux ébahis, une mauvaise comédienne dont il peine à se rappeler le nom, annone des dialogues stupides. Pris dans un état que la psychiatrie nomme "sidération" (Anéantissement subit des forces vitales allant jusqu’à un état de mort apparente), mon jeune patient est scotché sur son canapé, ses membres ne lui obéissent plus. Comme il me l'explique, son doigt ne peut plus appuyer sur la télécommande, son cerveau ne lui obéit plus, d'ailleurs il n'a plus de cerveau. Il identifie l'origine de l'oeuvre immédiatement : c'est un téléfilm français. La scène d'une naïveté confondante mêle tous les poncifs bienveillants. Comme il me l'expliquera, le tout sent tellement la guimauve et suinte tellement de bons sentiments qu'à côté, un épisode des Bisounours pourrait apparaître comme étant une oeuvre engagée d'un parti pris inouï.
Il m'explique que durant les quelques minutes qu'il passe à regarder ce navet, il remonte le temps. Il croit contempler une oeuvre tout droit sortie d'un ex pays du bloc soviétique. Indigence des décors, mièvrerie des acteurs, moyens ridicules, images moches, raisonnements dichotomiques mettant en présence des gentils très gentils et des vilains très vilains, etc. Il se sent pris d'angoisse. Subitement, comme il me l'explique, il se met à douter de moi et du travail que l'on a fait ensemble. L'anxiété survient. Il se lève soudainement et fouille frénétiquement ses poches à la recherche de ses tickets de rationnement.
Au pris d'un effort surhumain, il parvient néanmoins à mobiliser ses capacités cognitives (mémoire et pensée). Luttant contre l'anéantissement qu'il sent poindre et qui risque de le transformer en veau, il mobilise ses neurones afin de comprendre quelle drôle d'expérience il est en train de vivre. Soudain, sa pensée revient et l'explication surgit d'une manière lumineuse. Non, il n'est pas assis dans un salon de Berlin-Est avant la chute du mur, il est bien à Paris en France en 2008 mais il regardait un téléfilm français avec Corinne Touzet ! Comme il me l'explique : "tout le monde aurait pu se tromper et vivre mon bad trip ! Se retrouver plongé dans une production française alors qu'on regardait une série américaine est une expérience traumatisante !".
En fait, en ayant tardé à revenir dans son salon, la pause du lecteur de DVD avait "sauté" et son téléviseur s'était remis automatiquement sur TF1 ! Immédiatement saisi de panique devant la nullité effroyable de ce qu'il avait sous les yeux, il n'avait pas compris cela. Soudainement, il s'était retrouvé catapulté dans un autre monde !
Bienveillant comme je le suis, je lui explique que cette expérience qu'il vient de vivre est normale. Le pauvre, à son insu, a visionné les terribles images d'un téléfilm français intitulé "Une maman pour un coeur". Je poursuis mon explication en lui disant qu'il s'agit d'un fabliau social destiné à l'éducation citoyenne des masses dans le cadre d'une prise en charge solidaire conforme au dixième plan de contrôle social. Et que pour lutter contre l'individualisme bourgeois, il faut faire fort et que l'empire du bien, ne recule devant rien. Comme il l'a constaté, on prend un scénario larmoyant d'une mièvrerie totale, on confie le premier rôle à une sorte d'artiste d'état consensuelle et l'on diffuse cela en prime time.
Alors bien entendu, sa réaction est disproportionnée et je lui affirme qu'on peut visionner ce genre de daube sans pour autant vivre le bad trip qu'il a vécu. Mais pour ce faire, il faut avoir eu une journée de travail harassante et savoir se caler dans un canapé en n'octroyant qu'une moitié de cerveau au visionnage de l'oeuvre. Dans son cas, passer d'une série américaine à ce genre de trucs, c'est un peu comme passer de vitesse supersonique en subsonique en une fraction de seconde, on se prend des G négatifs dans la gueule et si l'on n'est pas préparé, les dégâts sont réels. C'est ce que les pilotes de chasse appellent le voile rouge.
Comme il s'étonne que je connaisse ce téléfilm, il s'inquiète de ma santé mentale fort adroitement. Je le rassure immédiatement en lui expliquant que bien entendu, je n'ai pas regardé cette merde. Je lui explique simplement qu'ayant parcouru mon Télé7jours favori, je susi tombé sur un article parlant de ce téléfilm et que cela m'a inspiré. Je lui dis que j'avais même imaginé d'y consacrer un article mais que j'avais abandonné cette idée.
Cette expérience vécue par ce jeune ex-patient m'aura donc tout de même permis de parler de cette fantastique production française citoyenne et solidaire. Mais dans le cadre de ce blog, elle me permet aussi de vous mettre en garde !
Attention, après une super série américaine (les Experts, Dr House, etc.), attendez toujours au moins une heure avant de regarder une série française, voire deux heures si vous vous sentez en petite forme. Le mieux serait même de lire un article du Monde entre les deux pour revenir dans la réalité quotidienne.
Passer immédiatement des Experts de Las Vegas à Louis la brocante ou Cordier juge et flic peut s'avérer dangereux, je vous aurais prévenu !
Nous sommes allés prendre un verre. Il m'a un peu parlé de sa vie, et j'étais ravi de constater qu'alors que je l'avais connu tout naze et ultra-dépressif, il était parvenu à trouver un bon boulot qui lui plaisait. Tandis qu'à l'époque, il venait me consulter, coiffé comme un dessous de bras, mal rasé et attifé comme l'as de pique, j'étais ravi de le voir tout beau en costume, avec le poil court et les joues glabres. Si ça c'est pas du contrôle social, je ne m'y connais pas ! Encore un que j'ai renvoyé vers l'enfer du salariat ; c'est mon côté sergent recruteur.
Si Nicolas Princen vient lire mon blog, je suis sûr que dans les trois jours j'aurais une proposition pour entrer à l'UMP. C'est mon point fort. Vous venez me voir, tout paumé dans vos problèmes et en moins de deux, je vous transforme en jeune militant UMP propre sur vous ! C'est pas très créatif mais ça marche. Vous devenez un pion, un agent de la société de consommation, un contribuable et vous ne vous posez plus de questions. Vous n'en aurez plus le temps puisque celui que vous passez à vous poser des questions, vous l'emploierez à bosser pour payer des taxes.
C'est ainsi qu'après avoir papoté de sa carrière, nous avons discuté de tas d'autres choses. Parce qu'il faut bien le dire, mon succès n'est pas complet. J'ai pu constater que son boulot, il s'en foutait un peu tout de même. Il est resté rigolo et créatif. Il a juste compris que la vie était par essence merdique et qu'on était sur terre pour trimer et jouer la comédie de l'insertion ; Mais comme on se connait bien, à moi il ne me vend pas sa soupe.
Voilà donc qu'il m'explique ainsi qu'il comprend pourquoi je suis accro à quelques séries américaines. Sa copine lui a passé la saison 1 de la série "Les 4400". Il s'est mis à regarder cela et il n'a pas pu décrocher. Ne connaissant pas la série, je ne peux pas en parler. Mais comme il me l'explique, l'idée originale est super, les moyens importants et chaque épisode d'une heure est aussi complexe qu'un de nos longs métrages à nous.
Il poursuit et m'explique qu'à un moment donné, il a senti des signes d'avertissement provenant de sa vessie. Derechef il met le lecteur de DVD sur pause et va tranquillement faire sa petite miction aux toilettes ! Ayant uriné, il passe en cuisine se chercher une bière et retourne dans son salon pour poursuivre le visionnage de la suite de l'épisode. Et là, patatras, son monde s'écroule ! Il m'explique qu'il se retrouve soudainement plongé avant 1989 !
Sous ses yeux ébahis, une mauvaise comédienne dont il peine à se rappeler le nom, annone des dialogues stupides. Pris dans un état que la psychiatrie nomme "sidération" (Anéantissement subit des forces vitales allant jusqu’à un état de mort apparente), mon jeune patient est scotché sur son canapé, ses membres ne lui obéissent plus. Comme il me l'explique, son doigt ne peut plus appuyer sur la télécommande, son cerveau ne lui obéit plus, d'ailleurs il n'a plus de cerveau. Il identifie l'origine de l'oeuvre immédiatement : c'est un téléfilm français. La scène d'une naïveté confondante mêle tous les poncifs bienveillants. Comme il me l'expliquera, le tout sent tellement la guimauve et suinte tellement de bons sentiments qu'à côté, un épisode des Bisounours pourrait apparaître comme étant une oeuvre engagée d'un parti pris inouï.
Il m'explique que durant les quelques minutes qu'il passe à regarder ce navet, il remonte le temps. Il croit contempler une oeuvre tout droit sortie d'un ex pays du bloc soviétique. Indigence des décors, mièvrerie des acteurs, moyens ridicules, images moches, raisonnements dichotomiques mettant en présence des gentils très gentils et des vilains très vilains, etc. Il se sent pris d'angoisse. Subitement, comme il me l'explique, il se met à douter de moi et du travail que l'on a fait ensemble. L'anxiété survient. Il se lève soudainement et fouille frénétiquement ses poches à la recherche de ses tickets de rationnement.
Au pris d'un effort surhumain, il parvient néanmoins à mobiliser ses capacités cognitives (mémoire et pensée). Luttant contre l'anéantissement qu'il sent poindre et qui risque de le transformer en veau, il mobilise ses neurones afin de comprendre quelle drôle d'expérience il est en train de vivre. Soudain, sa pensée revient et l'explication surgit d'une manière lumineuse. Non, il n'est pas assis dans un salon de Berlin-Est avant la chute du mur, il est bien à Paris en France en 2008 mais il regardait un téléfilm français avec Corinne Touzet ! Comme il me l'explique : "tout le monde aurait pu se tromper et vivre mon bad trip ! Se retrouver plongé dans une production française alors qu'on regardait une série américaine est une expérience traumatisante !".
En fait, en ayant tardé à revenir dans son salon, la pause du lecteur de DVD avait "sauté" et son téléviseur s'était remis automatiquement sur TF1 ! Immédiatement saisi de panique devant la nullité effroyable de ce qu'il avait sous les yeux, il n'avait pas compris cela. Soudainement, il s'était retrouvé catapulté dans un autre monde !
Bienveillant comme je le suis, je lui explique que cette expérience qu'il vient de vivre est normale. Le pauvre, à son insu, a visionné les terribles images d'un téléfilm français intitulé "Une maman pour un coeur". Je poursuis mon explication en lui disant qu'il s'agit d'un fabliau social destiné à l'éducation citoyenne des masses dans le cadre d'une prise en charge solidaire conforme au dixième plan de contrôle social. Et que pour lutter contre l'individualisme bourgeois, il faut faire fort et que l'empire du bien, ne recule devant rien. Comme il l'a constaté, on prend un scénario larmoyant d'une mièvrerie totale, on confie le premier rôle à une sorte d'artiste d'état consensuelle et l'on diffuse cela en prime time.
Alors bien entendu, sa réaction est disproportionnée et je lui affirme qu'on peut visionner ce genre de daube sans pour autant vivre le bad trip qu'il a vécu. Mais pour ce faire, il faut avoir eu une journée de travail harassante et savoir se caler dans un canapé en n'octroyant qu'une moitié de cerveau au visionnage de l'oeuvre. Dans son cas, passer d'une série américaine à ce genre de trucs, c'est un peu comme passer de vitesse supersonique en subsonique en une fraction de seconde, on se prend des G négatifs dans la gueule et si l'on n'est pas préparé, les dégâts sont réels. C'est ce que les pilotes de chasse appellent le voile rouge.
Comme il s'étonne que je connaisse ce téléfilm, il s'inquiète de ma santé mentale fort adroitement. Je le rassure immédiatement en lui expliquant que bien entendu, je n'ai pas regardé cette merde. Je lui explique simplement qu'ayant parcouru mon Télé7jours favori, je susi tombé sur un article parlant de ce téléfilm et que cela m'a inspiré. Je lui dis que j'avais même imaginé d'y consacrer un article mais que j'avais abandonné cette idée.
Cette expérience vécue par ce jeune ex-patient m'aura donc tout de même permis de parler de cette fantastique production française citoyenne et solidaire. Mais dans le cadre de ce blog, elle me permet aussi de vous mettre en garde !
Attention, après une super série américaine (les Experts, Dr House, etc.), attendez toujours au moins une heure avant de regarder une série française, voire deux heures si vous vous sentez en petite forme. Le mieux serait même de lire un article du Monde entre les deux pour revenir dans la réalité quotidienne.
Passer immédiatement des Experts de Las Vegas à Louis la brocante ou Cordier juge et flic peut s'avérer dangereux, je vous aurais prévenu !
Afin de mieux supporter le voile rouge consécutif aux G négatifs, l'armée de l'air entraîne ses futurs pilotes de chasse à passer soudainement d'une série américaine à une série française.
On estime que pour entrer dans la patrouille de France, un pilote doit être capable de passer instantanement
d'un Dr House à Joséphine ange gardien puis à Soeur Marie-Thérèse.com !
d'un Dr House à Joséphine ange gardien puis à Soeur Marie-Thérèse.com !
2 Comments:
Le probleme des series americaines, c'est l'etat de manque quand on attend la sortie de la prochaine serie !
Ayant fini les 2 series de House, je me demandais quoi faire quand j'ai vu que The Shield season 6 etait sorti ! Je suis passe pres du desastre...
Ecran d'ordinateur.
Ecran de télévision.
Ecran de cinéma.
Ecran de téléphone portable.
Vous avez remarqué ce terme "écran" qui est partout.
Et à quoi sert un écran sinon à cacher tout ou partie de la réalité ?
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