J'ai honte !
Lundi matin, j'ai peur d'être en retard. Je téléphone alors à mon premier patient pour le prévenir et lui dire de m'attendre au rade situé à côté de mon cabinet. Finalement, j'arrive à l'heure et mon patient et moi, prenons un café en terrasse puisqu'en tant que fumeurs, nous sommes comme les chiens, contraints de rester dehors.
Cela faisait un certain temps que je n'étais pas retourné dans un rade, surtout celui-ci. Les patrons plutôt jeunes sont malaimables et on comprend vite que le blé est leur seule motivation. Mais bon, quand on a du courage mais qu'on est nul à l'école, on finit cafetier et aigri. La petite tôlière a beau jouer les belles avec ses bagouzes, elle reste bistrotière et ça se sent.
Le service étant lent, c'est mon patient qui décide d'aller passer la commande en salle. Resté seul, je perçois alors le brouhaha parvenant de l'intérieur par la porte restée ouverte. C'est à ce moment que j'entends distinctement le crétin de patron accueillir l'un des habitués par un sonore "Bonjour biloute !". Je n'en reviens pas et reste médusé. Un autre habitué se voit accueilli de la même manière.
Effaré je constate que Bienvenu chez les ch'tis a fait des émules et des ravages. Je déteste aller au cinéma. C'est cher, on ne peut pas appuyer sur pause pour aller pisser et en plus c'est non fumeur. Alors, je n'y vais pas. De plus, il suffit qu'un film ait beaucoup de succès pour que je n'aille pas le voir. C'est stupide mais c'est ainsi, c'est mon dandysme à deux balles. On fait ce que l'on peut.
Lorsqu'ils sont sortis, je n'ai pas vu Le grand bleu, Trois Hommes et un couffin, Le Grand bleu, Titanic ni même Amélie Poulain. Je les ai vus par la suite lorsqu'ils furent projetés à la télévision. J'ai trouvé ces films médiocres et je n'ai même pas vu la fin de certains. Et pourtant, je suis bon public puisque je suis capable de mater cinq ou six Tarzan de suite sur NRJ12 avec l'ineffable Wolf Larson dans le rôle titre.
Il faut que je vous avoue que j'ai vu Bienvenue chez les ch'tis. Je sais que c'est lamentable mais c'est ainsi. C'était par un après midi pluvieux et mon père avait envie d'aller au cinéma. Comme il y va souvent, il ne restait que ce film qu'il n'avait pas vu. Nous ne nous attendions pas à un miracle mais à un truc gentillet et regardable.
Durant une heure et demie, nous avons tout juste souri. Le scénario est basique à la limite de l'indigence, les gags téléphonés sont une resucée de ce que fait Dany Boon dans ses spectacles, le tout donnant une bouillie d'une mièvrerie affligeante. Ca suinte tellement de bons sentiments qu'à côté, La Grande Vadrouille fait figure de film engagé ! Et puis, n'oublions pas la mention spéciale pour Line Renaud qui à force d'avoir trop descendu les marches du Casino de Paris, se retrouve le cul par terre à tenter de prendre l'accent ch'ti sans y parvenir en préparant des tartine de maroille.
On dit que le film donne une image sympathique de nos concitoyens nordistes, moi je ne trouve pas. Songer que ce film donne une image exacte du Nord, c'est comme de croire que Jamel serait l'ambassadeur de la culture marocaine. Enrico Macias avait su trouver des images plus dignes de cette région quand il chanta Les gens du nord en 1967.
Mais bon, si les nordistes admettent que passer pour de braves cons est une opération de communication acceptable pourquoi pas. Moi, je trouvais que les usines, les mines et les champs de bataille, ça avait plus de gueule. D'ailleurs, tout en gardant son côté bon enfant, ce film aurait pu rappeler le passé glorieux de la région. On peut faire une comédie sans tomber dans la caricature outrancière. Le nord, ce n'est pas que la poste. Si les gens du cru imaginent que l'on peut réduire l'histoire du Nord et son fabuleux patrimoine artistique à une baraque à frites, un accent insupportable et une bande de débiles alcooliques bossant à la poste, pourquoi pas ! Cela semble convenir à certains.
Moi je m'en fous, je n'ai aucune racine dans ce coin. Il n'en reste pas moins que cela me fait chier d'avoir payé vingt euros (deux places) pour aller voir cette daube. Je comprends qu'il y ait des fans du téléchargement. Une merde pareille, cela ne s'apprécie que si on n'a pas payé une thune pour la voir, et si on peut la mater en catimini, un après-midi pluvieux, le derche calé dans un canapé (*). Et puis maintenant, il faut assumer la honte de faire partie des dix-huit millions de crétins qui sont allés voir ça. Je vous jure que ce n'est pas facile.
Bien sûr, je pourrais toujours nier y être allé. Après tout, j'ai réglé en liquide et j'ai baissé la tête en passant près des caméras de contrôle du cinéma. Mais bon, pour cela il faudrait mentir. Qu'est-ce qui est pire ? Mentir ou bien avouer que l'on est allé voir Bienvenue chez les Ch'tis ?
Je ne sais pas mais bon, cette faute de goût me pesait. Eduqué dans un établissement privé catholique et pétri de valeurs chrétiennes, je ressentais le besoin de me confesser pour me soulager. J'ai même voulu aller voir un prêtre. Je lui aurais dit "Pardonnez moi mon père parce que j'ai péché".
Le saint homme en soutane, avisant mon physique d'homme à femmes, se serait attendu a des turpitudes croustillantes. Mais, je lui aurais simplement dit : "Je suis allé voir Bienvenue chez les ch'tis", puis j'aurais fondu en larmes.
Je crois que le pauvre prêtre n'aurait pas compris. Au pire, imaginez même qu'il m'ait répondu au travers de la fenêtre du confessionnal : "Ah oui, ben moi aussi, vous avez vu, c'est super quand Kad passe la commande dans le restaurant, etc." Et là, je risquais de perdre la foi et je ne voulais pas.
Ou pire, imaginons ce brave prêtre imitant maladroitement l'accent ch'ti, et tentant de me réconforter en me disant : " Hein ? Ben Biloute ch'est pô grave cho ! Faut pas braire pour chi peu ! Fais pô ton bourbourse". Là, je crois que je l'aurais étranglé !
Alors, ce soir, seul face à mon vieux HP, j'écris pour soulager ma conscience. Tel l'alcoolique débutant sur le chemin long et difficile de l'abstinence, venu pantelant et coupable pour la première fois à une réunion des AA, j'ose vous dire chers lecteurs :
- Bonjour je m'appelle Philippe et j'ai vu Bienvenue chez les ch'tis.
Ne me jugez pas trop durement ...
(*) Bien entendu, je réprouve le téléchargement puisque c'est interdit par la loi !
Cela faisait un certain temps que je n'étais pas retourné dans un rade, surtout celui-ci. Les patrons plutôt jeunes sont malaimables et on comprend vite que le blé est leur seule motivation. Mais bon, quand on a du courage mais qu'on est nul à l'école, on finit cafetier et aigri. La petite tôlière a beau jouer les belles avec ses bagouzes, elle reste bistrotière et ça se sent.
Le service étant lent, c'est mon patient qui décide d'aller passer la commande en salle. Resté seul, je perçois alors le brouhaha parvenant de l'intérieur par la porte restée ouverte. C'est à ce moment que j'entends distinctement le crétin de patron accueillir l'un des habitués par un sonore "Bonjour biloute !". Je n'en reviens pas et reste médusé. Un autre habitué se voit accueilli de la même manière.
Effaré je constate que Bienvenu chez les ch'tis a fait des émules et des ravages. Je déteste aller au cinéma. C'est cher, on ne peut pas appuyer sur pause pour aller pisser et en plus c'est non fumeur. Alors, je n'y vais pas. De plus, il suffit qu'un film ait beaucoup de succès pour que je n'aille pas le voir. C'est stupide mais c'est ainsi, c'est mon dandysme à deux balles. On fait ce que l'on peut.
Lorsqu'ils sont sortis, je n'ai pas vu Le grand bleu, Trois Hommes et un couffin, Le Grand bleu, Titanic ni même Amélie Poulain. Je les ai vus par la suite lorsqu'ils furent projetés à la télévision. J'ai trouvé ces films médiocres et je n'ai même pas vu la fin de certains. Et pourtant, je suis bon public puisque je suis capable de mater cinq ou six Tarzan de suite sur NRJ12 avec l'ineffable Wolf Larson dans le rôle titre.
Il faut que je vous avoue que j'ai vu Bienvenue chez les ch'tis. Je sais que c'est lamentable mais c'est ainsi. C'était par un après midi pluvieux et mon père avait envie d'aller au cinéma. Comme il y va souvent, il ne restait que ce film qu'il n'avait pas vu. Nous ne nous attendions pas à un miracle mais à un truc gentillet et regardable.
Durant une heure et demie, nous avons tout juste souri. Le scénario est basique à la limite de l'indigence, les gags téléphonés sont une resucée de ce que fait Dany Boon dans ses spectacles, le tout donnant une bouillie d'une mièvrerie affligeante. Ca suinte tellement de bons sentiments qu'à côté, La Grande Vadrouille fait figure de film engagé ! Et puis, n'oublions pas la mention spéciale pour Line Renaud qui à force d'avoir trop descendu les marches du Casino de Paris, se retrouve le cul par terre à tenter de prendre l'accent ch'ti sans y parvenir en préparant des tartine de maroille.
On dit que le film donne une image sympathique de nos concitoyens nordistes, moi je ne trouve pas. Songer que ce film donne une image exacte du Nord, c'est comme de croire que Jamel serait l'ambassadeur de la culture marocaine. Enrico Macias avait su trouver des images plus dignes de cette région quand il chanta Les gens du nord en 1967.
Mais bon, si les nordistes admettent que passer pour de braves cons est une opération de communication acceptable pourquoi pas. Moi, je trouvais que les usines, les mines et les champs de bataille, ça avait plus de gueule. D'ailleurs, tout en gardant son côté bon enfant, ce film aurait pu rappeler le passé glorieux de la région. On peut faire une comédie sans tomber dans la caricature outrancière. Le nord, ce n'est pas que la poste. Si les gens du cru imaginent que l'on peut réduire l'histoire du Nord et son fabuleux patrimoine artistique à une baraque à frites, un accent insupportable et une bande de débiles alcooliques bossant à la poste, pourquoi pas ! Cela semble convenir à certains.
Moi je m'en fous, je n'ai aucune racine dans ce coin. Il n'en reste pas moins que cela me fait chier d'avoir payé vingt euros (deux places) pour aller voir cette daube. Je comprends qu'il y ait des fans du téléchargement. Une merde pareille, cela ne s'apprécie que si on n'a pas payé une thune pour la voir, et si on peut la mater en catimini, un après-midi pluvieux, le derche calé dans un canapé (*). Et puis maintenant, il faut assumer la honte de faire partie des dix-huit millions de crétins qui sont allés voir ça. Je vous jure que ce n'est pas facile.
Bien sûr, je pourrais toujours nier y être allé. Après tout, j'ai réglé en liquide et j'ai baissé la tête en passant près des caméras de contrôle du cinéma. Mais bon, pour cela il faudrait mentir. Qu'est-ce qui est pire ? Mentir ou bien avouer que l'on est allé voir Bienvenue chez les Ch'tis ?
Je ne sais pas mais bon, cette faute de goût me pesait. Eduqué dans un établissement privé catholique et pétri de valeurs chrétiennes, je ressentais le besoin de me confesser pour me soulager. J'ai même voulu aller voir un prêtre. Je lui aurais dit "Pardonnez moi mon père parce que j'ai péché".
Le saint homme en soutane, avisant mon physique d'homme à femmes, se serait attendu a des turpitudes croustillantes. Mais, je lui aurais simplement dit : "Je suis allé voir Bienvenue chez les ch'tis", puis j'aurais fondu en larmes.
Je crois que le pauvre prêtre n'aurait pas compris. Au pire, imaginez même qu'il m'ait répondu au travers de la fenêtre du confessionnal : "Ah oui, ben moi aussi, vous avez vu, c'est super quand Kad passe la commande dans le restaurant, etc." Et là, je risquais de perdre la foi et je ne voulais pas.
Ou pire, imaginons ce brave prêtre imitant maladroitement l'accent ch'ti, et tentant de me réconforter en me disant : " Hein ? Ben Biloute ch'est pô grave cho ! Faut pas braire pour chi peu ! Fais pô ton bourbourse". Là, je crois que je l'aurais étranglé !
Alors, ce soir, seul face à mon vieux HP, j'écris pour soulager ma conscience. Tel l'alcoolique débutant sur le chemin long et difficile de l'abstinence, venu pantelant et coupable pour la première fois à une réunion des AA, j'ose vous dire chers lecteurs :
- Bonjour je m'appelle Philippe et j'ai vu Bienvenue chez les ch'tis.
Ne me jugez pas trop durement ...
(*) Bien entendu, je réprouve le téléchargement puisque c'est interdit par la loi !
7 Comments:
IL y a pire que vous, je suis alle au cinema a Londres pour le voir....et l'ami qui m'y a entraine le voyait pour la 2eme fois...
Je crains bien que ce ne soit fini pour moi.
On m'a dit qu'en s'engageant dans la légion sous un faux nom, nous pourrions au moins épargner la honte à nos familles ! C'est déjà cela.
Engagez vous, rengagez vous qu'y disaient....vous verrez du pays qu'y disaient....
Je fais partie des quelques millions d'idiot(e)s et j'ai bien ri - en vous lisant ! (quant au film je me souviens à peine de quoi ça causait). Je recommande en cas d'ennui de toujours nier (niais, niais, il en restera toujours quelque chose).
Chacun sa croix ! Je ne me suis toujours pas remise d'être allée voir les Bronzés 3 !! Le temps fera son œuvre, mais ce sera long... je n'ai donc pas eu la force de récidiver avec les ch'tis.
J'ai trouvé ce film frais, charmant, léger. Je l'ai consommé comme tel.
Si l'objectif était la réussite commerciale, foin des jaloux et des snobs car cet objectif est atteint.
***
Mac Do se fout pas mal de savoir si ses produits sont goûteux ou non. Mac Do a pour objectif de maintenir sa domination sur son marché. Les critiques d'ordre gastronomique font comme un bouclier les mettant à l'abri de critiques fondamentales.
Ça m'a fait le même effet quand je suis sortie de Matrix et d'Inception. Mais bon, de l'eau à coulé sous les ponts depuis, je me sens à nouveau comme Madonna, Like a Virgin. J'ai épargné mon porte-monnaie en n'allant pas voir Bienvenue chez les Ch'tis au cinéma ; on a essayé de le regarder à la télé avec mon chéri, on a dû tenir dix minutes.
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