Quelle époque !
Un certain Sylvain, mais lequel puisque j'en connais trois, m'explique qu'il a trouvé le film Bienvenue chez les cht'is frais et léger :
"J'ai trouvé ce film frais, charmant, léger. Je l'ai consommé comme tel. Si l'objectif était la réussite commerciale, foin des jaloux et des snobs car cet objectif est atteint. Mac Do se fout pas mal de savoir si ses produits sont goûteux ou non. Mac Do a pour objectif de maintenir sa domination sur son marché. Les critiques d'ordre gastronomique font comme un bouclier les mettant à l'abri de critiques fondamentales."
Lorsque Sylvain compare ce film et Mac Donald, je crois qu'il a tort. Mac Donald est une cuisine alternative qui plait ou non. Ce n'est pas plus mauvais qu'un restaurant étoilé du Michelin, c'est simplement autre chose. Mac Donald s'appuie sur des produits sélectionnés et sur des recettes établies.
Pour le reste, Sylvain a raison et j'ai aussi raison mais je crois qu'il n'a pas compris mes propos. Si j'avais été producteur, nul doute que j'aurais aligné le blé pour produire ce film. J'aurais estimé que compte-tenu du scénario facile, puisqu'il s'agit d'utiliser la grosse ficelle que constitue l'opposition nord-sud, et de la personnalité de Dany Boon, qui réussit brillamment dans le one-man-show, je tenais là un bon produit avec lequel je pouvais obtenir facilement trois ou quatre millions d'entrées. Je me serais dit que je tenais un nouveau Brice de Nice, c'est à dire le truc bricolé à partir d'un personnage de sketch à succès.
Jamais, je n'aurais songé que mon film puisse faire dix-huit millions d'entrées. J'aurais donc eu une belle surprise. Je crois que je n'aurais pas imaginé que le pays soit à ce point en manque de gaudriole pour qu'il puisse réserver un tel accueil à un produit somme toute très moyen. Disons-le tout net, le film n'est pas une daube totale mais un produit médiocre +, le genre de truc qui vous fait sourire et que l'on oublie aussitôt après l'avoir vu. Il faut manquer de sérieux pour oser le comparer à La grande vadrouille, lequel est une satyre sociale parfois caustique opposant "le gars de la haute et le prolo". Quelle conclusion doit-on tirer d'un tel succès ?
Je pense que d'une part, on peut estimer que le peuple de France n'a finalement pas changé. On peut tenter de lui faire avaler jusqu'à la gueule de l'art contemporain, du film d'auteur et du nanar français engagé et larmoyant, ce n'est pas son truc. Le bon peuple de France n'a que faire de ces produits frelatés réservé à quelques happy fews dont le cerveau curieux est capable de visionner de telles âneries et surtout d'en retirer du plaisir.
Moi qui ne cesse de brailler que je ne crois pas au progrès humain, en voici une preuve éclatante. Entre les années soixante-dix de mon enfance, et les films de bidasse qu'on produisait, et les années deux-mille, rien ne change, les gens veulent massivement des choses simples. Les choses complexes, ils les vivent dans le quotidien. On a beau leur proposer des paupiettes de saumon sauce framboise, la blanquette de veau et le pot au feu ont encore de beaux jours devant eux.
Comme les bidasses de 14-18 qui avaient très rapidement cessé de croire aux qualités de leurs chefs, mais qui ont continué vaillamment à se battre parce qu'il le fallait bien, le citoyen de 2008 est condamné à vivre dans ce monde frelaté mais démontre qu'au fond il n'a pas changé en se moquant des prétendues élites. Il préfère donc des films simples.
D'autres part, un tel succès, quelque chose d'aussi énorme, fait un peu peur. Car je persiste et signe, quelles que soient les qualités indéniables de ce film, il ne méritait pas dix huit millions d'entrées. Jamais un film moyen de Pierre Richard, pourtant du même acabit, n'avait fait un tel succès. Alors comment expliquer un tel succès ?
Peut-on dire, que tels les toxicomanes, la France qui travaille et paye ses impôts est accro aux petits moments de bonheur ? Chacun sait qu'en fonction des arrivages, le toxico sera parfois contraint d'acheter de la drogue de plus ou moins bonne qualité. N'est-ce pas ce qui arrive aujourd'hui ? Fut un temps, où les films du type Bienvenue chez les ch'tis étaient légion. Le public avait alors le choix entre plusieurs produits et il pouvait honorer celui qui lui semblait le meilleur.
De nos jours, est-ce encore possible ? Cette comédie, bien que brillant par un scénario poussif et un jeu outré, se distingue par son ancrage dans un réel magnifié. Il s'agit de la petite ville de Bergues avec ses commerçants, des gens qui se connaissent et une absence totale de violence. Le citoyen de 2008, vivant au gré des délocalisations, de la mondialisation, de l'extrême violence urbaine, et des décisions d'un état fasciste et hygiéniste, a sans doute besoin de retrouver des racines, des choses simples qui lui permettent de trouver des repères. Alors Bienvenue chez les ch'tis était fait pour lui.
Effectivement, c'est frais et léger comme un petit rosé acheté pas cher en été. Ce film a peut-être agi comme une drogue à moins qu'il ne s'agisse d'un antidépresseur. Rappelons que la France consomme deux fois plus de psychotropes que ses voisins européens. Alors pouvons-nous estimer que les choses vont si mal, à défaut de trouver des ressources personnelles qui font défaut, le citoyen de 2008 se rue sur Bienvenue chez les ch'tis comme sur une boîte de Lexomyl ou de Stilnox ? Moi, j'en reste persuadé.
Aimable pochade d'un intérêt plus que discutable, ce film aurait eu du succès, c'est évident. Et je suis persuadé que moi-même, j'aurais pu le louer à mon vidéoclub pour le regarder après une journée de travail. Maintenant, pour que ce film ait eu une telle audience, j'estime que c'est le signe que quelque chose va mal au royaume de France. Les gens rêvent d'un ailleurs, d'un monde plus simple, d'un environnement qu'ils puissent enfin contrôler.
Pour que ce film ait fait dix huit millions d'entrée, cela signe que les gens n'ont pas changé et rêvent de choses simples mais que face à la disette de comédie traditionnelle, ils sont prêts à se ruer pour voir n'importe quoi en faisant semblant de croire que c'est un chef d'oeuvre.
Souvenons-nous que durant le siège de Paris par les prussiens en 1870, les parisiens mangèrent du chien et du chat. Nous savons aussi que pendant la grande dépression américaine des années trente, les hobos, ces vagabonds cherchant du travail, n'hésitaient pas à faire bouillir une chaussure de cuir débarrassée de son cirage pour en faire une soupe afin de pouvoir manger quelque chose. Plus proche de nous, lors de la dernière guerre, on vit des ersatz comme le jus de gland remplacer le café. Et aujourd'hui, face à l'augmentation du stress et la pénurie de comédie, les gens se précipitent pour voir Bienvenue chez les ch'tis ou Disco !
Comme dit le proverbe : "Faute de grives on mange du merle". Durant les périodes de pénurie, c'est toujours ainsi.
"J'ai trouvé ce film frais, charmant, léger. Je l'ai consommé comme tel. Si l'objectif était la réussite commerciale, foin des jaloux et des snobs car cet objectif est atteint. Mac Do se fout pas mal de savoir si ses produits sont goûteux ou non. Mac Do a pour objectif de maintenir sa domination sur son marché. Les critiques d'ordre gastronomique font comme un bouclier les mettant à l'abri de critiques fondamentales."
Lorsque Sylvain compare ce film et Mac Donald, je crois qu'il a tort. Mac Donald est une cuisine alternative qui plait ou non. Ce n'est pas plus mauvais qu'un restaurant étoilé du Michelin, c'est simplement autre chose. Mac Donald s'appuie sur des produits sélectionnés et sur des recettes établies.
Pour le reste, Sylvain a raison et j'ai aussi raison mais je crois qu'il n'a pas compris mes propos. Si j'avais été producteur, nul doute que j'aurais aligné le blé pour produire ce film. J'aurais estimé que compte-tenu du scénario facile, puisqu'il s'agit d'utiliser la grosse ficelle que constitue l'opposition nord-sud, et de la personnalité de Dany Boon, qui réussit brillamment dans le one-man-show, je tenais là un bon produit avec lequel je pouvais obtenir facilement trois ou quatre millions d'entrées. Je me serais dit que je tenais un nouveau Brice de Nice, c'est à dire le truc bricolé à partir d'un personnage de sketch à succès.
Jamais, je n'aurais songé que mon film puisse faire dix-huit millions d'entrées. J'aurais donc eu une belle surprise. Je crois que je n'aurais pas imaginé que le pays soit à ce point en manque de gaudriole pour qu'il puisse réserver un tel accueil à un produit somme toute très moyen. Disons-le tout net, le film n'est pas une daube totale mais un produit médiocre +, le genre de truc qui vous fait sourire et que l'on oublie aussitôt après l'avoir vu. Il faut manquer de sérieux pour oser le comparer à La grande vadrouille, lequel est une satyre sociale parfois caustique opposant "le gars de la haute et le prolo". Quelle conclusion doit-on tirer d'un tel succès ?
Je pense que d'une part, on peut estimer que le peuple de France n'a finalement pas changé. On peut tenter de lui faire avaler jusqu'à la gueule de l'art contemporain, du film d'auteur et du nanar français engagé et larmoyant, ce n'est pas son truc. Le bon peuple de France n'a que faire de ces produits frelatés réservé à quelques happy fews dont le cerveau curieux est capable de visionner de telles âneries et surtout d'en retirer du plaisir.
Moi qui ne cesse de brailler que je ne crois pas au progrès humain, en voici une preuve éclatante. Entre les années soixante-dix de mon enfance, et les films de bidasse qu'on produisait, et les années deux-mille, rien ne change, les gens veulent massivement des choses simples. Les choses complexes, ils les vivent dans le quotidien. On a beau leur proposer des paupiettes de saumon sauce framboise, la blanquette de veau et le pot au feu ont encore de beaux jours devant eux.
Comme les bidasses de 14-18 qui avaient très rapidement cessé de croire aux qualités de leurs chefs, mais qui ont continué vaillamment à se battre parce qu'il le fallait bien, le citoyen de 2008 est condamné à vivre dans ce monde frelaté mais démontre qu'au fond il n'a pas changé en se moquant des prétendues élites. Il préfère donc des films simples.
D'autres part, un tel succès, quelque chose d'aussi énorme, fait un peu peur. Car je persiste et signe, quelles que soient les qualités indéniables de ce film, il ne méritait pas dix huit millions d'entrées. Jamais un film moyen de Pierre Richard, pourtant du même acabit, n'avait fait un tel succès. Alors comment expliquer un tel succès ?
Peut-on dire, que tels les toxicomanes, la France qui travaille et paye ses impôts est accro aux petits moments de bonheur ? Chacun sait qu'en fonction des arrivages, le toxico sera parfois contraint d'acheter de la drogue de plus ou moins bonne qualité. N'est-ce pas ce qui arrive aujourd'hui ? Fut un temps, où les films du type Bienvenue chez les ch'tis étaient légion. Le public avait alors le choix entre plusieurs produits et il pouvait honorer celui qui lui semblait le meilleur.
De nos jours, est-ce encore possible ? Cette comédie, bien que brillant par un scénario poussif et un jeu outré, se distingue par son ancrage dans un réel magnifié. Il s'agit de la petite ville de Bergues avec ses commerçants, des gens qui se connaissent et une absence totale de violence. Le citoyen de 2008, vivant au gré des délocalisations, de la mondialisation, de l'extrême violence urbaine, et des décisions d'un état fasciste et hygiéniste, a sans doute besoin de retrouver des racines, des choses simples qui lui permettent de trouver des repères. Alors Bienvenue chez les ch'tis était fait pour lui.
Effectivement, c'est frais et léger comme un petit rosé acheté pas cher en été. Ce film a peut-être agi comme une drogue à moins qu'il ne s'agisse d'un antidépresseur. Rappelons que la France consomme deux fois plus de psychotropes que ses voisins européens. Alors pouvons-nous estimer que les choses vont si mal, à défaut de trouver des ressources personnelles qui font défaut, le citoyen de 2008 se rue sur Bienvenue chez les ch'tis comme sur une boîte de Lexomyl ou de Stilnox ? Moi, j'en reste persuadé.
Aimable pochade d'un intérêt plus que discutable, ce film aurait eu du succès, c'est évident. Et je suis persuadé que moi-même, j'aurais pu le louer à mon vidéoclub pour le regarder après une journée de travail. Maintenant, pour que ce film ait eu une telle audience, j'estime que c'est le signe que quelque chose va mal au royaume de France. Les gens rêvent d'un ailleurs, d'un monde plus simple, d'un environnement qu'ils puissent enfin contrôler.
Pour que ce film ait fait dix huit millions d'entrée, cela signe que les gens n'ont pas changé et rêvent de choses simples mais que face à la disette de comédie traditionnelle, ils sont prêts à se ruer pour voir n'importe quoi en faisant semblant de croire que c'est un chef d'oeuvre.
Souvenons-nous que durant le siège de Paris par les prussiens en 1870, les parisiens mangèrent du chien et du chat. Nous savons aussi que pendant la grande dépression américaine des années trente, les hobos, ces vagabonds cherchant du travail, n'hésitaient pas à faire bouillir une chaussure de cuir débarrassée de son cirage pour en faire une soupe afin de pouvoir manger quelque chose. Plus proche de nous, lors de la dernière guerre, on vit des ersatz comme le jus de gland remplacer le café. Et aujourd'hui, face à l'augmentation du stress et la pénurie de comédie, les gens se précipitent pour voir Bienvenue chez les ch'tis ou Disco !
Comme dit le proverbe : "Faute de grives on mange du merle". Durant les périodes de pénurie, c'est toujours ainsi.
3 Comments:
zurnisme
Monsieur Philippe Psy :
Un nouvel article sur mon blog
http://europaperennis.blogspot.com/
Vus avez râté votre vocation, vous auriez dû faire sociologue du cinéma, vous seriez riche et célèbre à l'heure qu'il est.
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