04 décembre, 2008

Atteindre ses limites !


Voici huit ans, c'est un très jolie petite blonde âgée de bientôt vingt ans qui vient me voir en consultation pour des problèmes graves de toxicomanie. Très sure d'elle, elle remet en cause tout ce que je lui dis. Je comprends rapidement que l'affaire n'est pas gagnée. En fait, sa demande est plutôt simple. Elle voudrait que je lui dise que ce qu'elle vit n'est pas très grave, qu'elle pourra sans problème dominer sa dépendance et prendre sa came uniquement quand elle le souhaite, et que son médecin et sa famille ont tort et dramatisent la situation. Elle part après m'avoir réglé mes honoraires sans reprendre rendez-vous. Manifestement, la cocaïne l'emporte sur la thérapie. Elle ne m'a laissé aucune fenêtre de tir. Son discours est rôdé et ne laisse place à aucun doute.

Environ quatre ans plus tard, et au moins une cure de désintoxication effectuée, la même jolie blonde revient me voir. Le premier entretien, bien que houleux se passe à peu près correctement. Mais le second sera catastrophique. Elle n'entend rien à ce que je lui explique. Je sens que sa venue dans mon cabinet est toujours motivée par l'action de sa famille et de son médecin. Elle est là pour faire plaisir. Pour elle, je ne suis qu'un cave, un pauvre type normal qui ne se poudre pas le nez, un naze qui ne connait rien au monde de la nuit.

J'ai beau me tenir comme un tireur embusqué, planqué, silencieux, pendant toute l'heure que dure la séance, l'œil rivé au viseur, je n'arrive à rien. Comme la fois précédente, aucune faille dans son raisonnement e me permet de la voir sans défense. Elle s'est montrée sincère deux ou trois fois, mais à peine avais-je ajusté mon tir, pour lui asséner une vérité, et tenter d'entrer en contact avec son moi intime, que la belle s'est dérobée. Elle ne me présente dès lors plus qu'un moi social arrogant et sans faille. Il n'y aura pas de troisième rendez-vous.

Voici neuf mois, la même jolie petite blonde se présente. Les années ont passé mais elle est reste toujours aussi belle, bien qu'un peu marquée. Elle semble lasse et anxieuse. Elle me demande si je me souviens d'elle. Je lui explique que d'une part, j'ai une excellente mémoire à toute épreuve, et enfin que des "cas" comme elle, je n'en rencontre pas tous les jours.

Curieusement, après que je l'aie écouté, c'est à son tour de m'écouter patiemment. Je lui tiens le même discours que par le passé. Anxieuse, elle me pose des questions et je la rassure. J'ai reçu tant de toxicomanes, que je les connais par cœur. La plupart, loin d'être dangereux, ne sont que des dépressifs qui s'automédiquent. Un second rendez-vous est pris.

Anxieuse et agitée, la belle revient et se montre plus conciliante. Je décide de rappeler son médecin afin qu'il la reçoive de nouveau. Lui, n'est pas très chaud. Il m'explique qu'après quatre cures de désintoxication et des tas d'ordonnances qu'elle n'a jamais suivies, elle lui apparait comme perdue. Sur de moi, je lui dis que cette fois-ci cela semblé gagné. Il veut bien tenter le coup et décide de lui donner un rendez-vous. Il me précise toutefois que selon lui, elel finira victime d'une crise cardiaque.

Je m'étonne toujours de la coopération nouvelle de ma patiente, que j'ai connue si volcanique et opposée à moi. Ce n'est qu'à la quatrième ou cinquième séance que je comprendrai pourquoi elle a décidé d'en finir avec la came.

Très jolie, d'excellente famille et dument diplômée, côté cœur, la belle est malheureusement tombée de Charybde en Scylla. Plus aucun mec bien ne pouvant la supporter, elle s'est retrouvée dans les bras d'un sinistre connard beaucoup plus âgé qu'elle, mais passablement friqué pour l'entretenir.

Son mec est une sorte de rustre suffisamment roué et cynique pour s'offrir une belle fille camée et donc en solde, alors qu'habituellement il aurait du payer une professionnelle pour avoir une aussi jolie gonzesse dans son lit. Ma patiente, ruinée par sa dépendance, en est venue à sortir avec lui comme elle serait allée dans le lit de n'importe quel type capable de l'aider à assumer le coût de sa dépendance.

C'est au cours d'une soirée qu'elle a conçu ce qu'était réellement sa vie. En vacances pour quelques jours sur le côte d'azur, son affreux copain décide d'aller faire un tour au casino. Comme elle n'est pas joueuse, elle lui dit qu'elle va faire un tour et le rejoindra dans une heure ou deux. N'ayant pas un rond sur elle, elle lui demande un peu de fric.

Le rustaud sort alors un maigre billet de vingt euros, le roule et lui glisse dans le décolleté, qu'elle a fort joli, et la congédiant d'une claque sur les fesses, lui dit de se faire plaisir et de revenir dans deux heures. J'imagine combien ce pauvre type a du triquer de pouvoir ainsi l'humilier. La belle s'insurge et demande un peu plus d'argent mais ne ramasse qu'une énorme gifle pour toute réponse.

Fière comme elle est, elle ravale ses larmes et s'en va donc prendre un café. Descendant aux toilettes pour se remaquiller et sans doute se repoudrer le nez, elle se voit alors dans le miroir. Et là elle a un choc.

Comme elle me l'expliquera la gorge serrée : "je me suis vue dans le miroir, les yeux rouges, la joue encore marquée par la gifle de mon copain. Et j'ai vu une pute, une simple pute, capable de faire n'importe quoi.". Elle m'explique alors qu'elle a détesté cette image.

Je lui demande alors si cette expérience lui a fait atteindre ses limites. Elle me répond qu'elle ne voit même pas comment elle pourrait descendre plus bas. C'est à ce moment précis que je sais que c'est gagné.

Après avoir mis en place une stratégie avec son médecin, je la reçois une fois par semaine. Six semaines après, elle ne consomme plus rien. Elle fait une ou deux petites rechutes, assez normales dans les cas d'un sevrage, et finit par ne plus toucher à la came. Après quelques mois d'abstinence totale, sa vie commence à changer. Comme la plupart de ces grands toxicomanes, on s'aperçoit vite que chez elle, la poudre cachait des blessures importantes.

Se sortir d'une addiction est finalement chose assez facile. Les conseils ne servent jamais à rien et seule sa propre expérience compte. Il suffit juste d'atteindre ses limites. Pour ma patiente, sa limite fut franchie, quand l'image de jolie blonde luxueuse et brillante qu'elle avait d'elle-même se trouva contredite par l'image réelle que lui renvoya un miroir de toilettes de café : celle d'une paumée. Malheureusement la limite pour certains sera de mourir.

Médecins ou psys, nos cabinets sont grands ouverts. Mais n'y viennent que ceux qui ont touché leurs limites.

16 Comments:

Blogger Gold said...

Blonde a forte poitrine ... on cherche a faire du dimat ?

4/12/08 10:17 AM  
Blogger Unknown said...

Est-ce que filmer, sur un simple camescope, une partie de l'entretien avec le psy pourrait aider à faire "sauter" l'image que le patient a de lui-même ?

4/12/08 1:43 PM  
Blogger Paul Touron said...

émouvant ! Médecin (dermato)moi même, je ne regarderai plus les "emmerdeurs" comme avant...

4/12/08 4:13 PM  
Blogger philippe psy said...

Pau, j'ai un ami dermato qui m'a souvent refilé ses cas d'exéma dont il ne savait que faire ! :)

Ben oui, dans mon boulot, c'est pas de la mécanique :)

5/12/08 3:12 PM  
Blogger Unknown said...

et le secret médical dans tout ça?

5/12/08 9:51 PM  
Blogger deligne said...

Excuse-moi de te dire ça si abruptement, mais ton histoire est un pur fantasme. On voit bien que tu n'as JAMAIS eu affaire à un toxico - en tout cas à un héroïnomane. De plus, tu devrais au moins savoir qu'il n'y a pas de dépendance et pas de cure de désintoxication pour les cocaïnomanes.
Cette histoire est un conte de fée, pour psy en mal d'aventures, mais certainement pas qq chose de vécue.
Faire passer ça pour une histoire réelle, c'est risquer de tomber dans le ridicule, se couvrir définitivement de honte.
Tu devais vite corriger le tir et dire que c'est un copain qui t'as raconté ce tissus d'âneries inventé à partir des série TV du style "Plus belle la vie".

6/12/08 6:50 PM  
Blogger philippe psy said...

@albacreso : Rassurez-vous, le secret professionnel est respecté.
@scheiro : Toi, t'es un vrai wiseguy ! On sent que t'as roulé ta bosse et qu'on te la fera pas à l'envers ! Tu connais tout de la dépendance. L'héro et la coke n'ont plus de secrets pour toi. Alors que moi, je confondais tout comme un gros benêt que je suis. T'as raison, je ne suis qu'un gros fake. Merde, je suis démasqué ! Je parlais de ce que je connaissais pas mais le chevalier masqué est parvenu à me choper en plein mensonge !

C'est vrai, en réalité je suis scénariste pour "Plus belle la vie". Mais bon, j'ai aussi fait quelques épisodes de "Une femme d'honneur". En revanche, j'ai refusé de travailler sur "Louis la brocante", je ne connaissais pas assez le monde du grand banditisme pour être crédible ! Et puis la violence me fait horreur !

Pourquoi es-tu venu mettre fin à mon rêve ? Je me voyais en grand psy sauvant des toxicos en détresse et à cause de toi je vais retourner à ma médiocrité.

Putain de vie !

7/12/08 7:21 AM  
Blogger deligne said...

Effectivement les limites de ta folie mythomaniaque sont atteintes avec ce billet, Philippe. Tu as confondu cocaïne et héroïne. Si dans ton récit ta merveilleuse avait consomé de l'héro, il y aurait eu quand même pas mal de choses incroyables - par exemple: le fait que les petits voyous [les gds aussi] haïssent les toxicos et ne vont pas se coller avec une meuf accro à la dope et encore moins de l'héro parce que c'est bien trop dangereux pour leur propre sécurité.
Mais bon, on ne demande pas au scénaristes dans tons genre de savoir tout ça. Tu peux continuer à raconter tes salades, mis à part que ce n'est pas très crédible, c'est souvent marrant.
Au fait, qu'est-ce qui te fait dire: "On sent que t'as roulé ta bosse et qu'on te la fera pas à l'envers ! Tu connais tout de la dépendance. L'héro et la coke n'ont plus de secrets pour toi." Comment t'en est-tu rendu compte ???
Bon, j'espère que tu ne m'en voudra pas trop d'avoir révélé ton côté délirant à tes fidèles lecteurs, Monsieur le Psychologue ;-)
J'espère, au moins, que tu sais que Sigmund Freud était un cocaïnomane invétéré. Mais je ne suis pas sûr que tu saches très bien qui est Freud.
Bon dimanche, aux intermittents su spectacle!!!

7/12/08 9:23 AM  
Blogger philippe psy said...

Là,je suis sur le cul ! Putain, qu'est-ce que t'en connais des trucs toi ! On voit que tu as bourlingué et que tu n'es pas resté, comme moi, le cul vissé sur un fauteuil !

Là, je suis sur un épisode de "Joséphine Ange gardien"". J'ai un peu de mal parce que je dois mettre en scène un voyou. Et moi vois-tu, je ne suis qu'un universitaire à la con, un mec qui vit dans les livres mais qui n'a aucune expérience de la vraie vie. Mais ça, tu l'as bien compris. Parce qu'à toi, on ne te la fait pas.

Alors si tu participes au prochain diner de LHC, j'espère qu'on se verra et que tu pourras me rencarder. J'ai plein de questions à te poser. Je viendrai avec mon carnet pour prendre des notes.

Ce qui serait bien, c'est qu'on trouve un chouette restau avec une cheminée. Tu t'assiérais sur un fauteuil, et les p'tits gars de LHC et moi, on se collerait le cul par terre et on t'écouterait raconter des histoires terribles. Tu verras nos yeux briller.

Bon, je sais que tu vas me dire que "Joséphine Ange gardien", c'est pas un film de Scorsese. Mais bon, je préfère tout de même m'adresser à des pros pour me documenter. Tu sais, j'ai beau être un con, j'ai tout de même une grande conscience professionnelle.

D'ailleurs chaque fois que je raconte des conneries, il y a un petit malin comme toi pour me démasquer alors je fais gaffe.

C'est toujours mieux quand c'est réaliste !

7/12/08 10:10 AM  
Blogger deligne said...

Ne t'inquiète pas Philippe, ton psychothérapeute et là. Tout va bien se passer, je viens d'appeler une ambulance et tu seras pris en charge dans un instant. Respire tranquillement, tu auras toi aussi ta pizza au prochain repas de le la LHC, on détachera ta camisole pour que tu puisses la manger avec les doigts. Dommage, je ne pourrais pas te rencontrer à cette occasion. Mais qui sait, un jour peut-être? Le monde est petit.
Mais en attendant ne fait pas de bêtise, reste devant ta TV ton feuilleton "Sous le soleil" va bientôt commencer: une magnifique créature blonde va apparaitre à l'écran. Ne rate surtout pas cette épisode !!!

7/12/08 10:41 AM  
Blogger philippe psy said...

Rassure-toi, j'avais déjà parcouru ton blog. Et puis que ton commentaire a été publié, hop tu vas voir tes connections exploser.

Merci du tag à la fin de ton dernier article, c'est gentil, ça va me ramener un ou deux lecteurs. Et peut-être même une hausse dans le classement chez technorati ! C'est toujours ça de pris non ?

Tes commentaires sont toujours les bienvenus, j'adore qu'on me donne la réplique.

On pourrait même écrire un livre à la fin non? Tu vois ça commencerait comme ici. Tu jouerais le beau et l'important en racontant un peu n'importe quoi. Moi, je prendrais tout à la rigolade. Libéral comme je suis, je publierais tous tes commentaires sans jamais te censurer.

A un moment donné, tu trouverais ta démarche un peu stérile et tu te poserais des tas de questions vachement métaphysiques ? Du genre "mais pourquoi faut-il que j'aille coller mes trois gouttes d'urine chez le voisin pour marquer mon territoire ?". Ou alors, tu te dirais "Mais merde, ok je peux ne pas être d'accord, mais pourquoi suis-je suis agressif ?".

Tu commencerais à avoir des réponses. Et puis à la fin, tu serais touché par la grâce et tu comprendrais que j'ai toujours raison.

Alors partant ? Rassure toi on partage les bénéfs !

En tout cas, pour la pizzeria, c'est dommage que tu ne puisses pas venir. Les p'tits gars de LHC sont bien sympathiques et y'a des chevaux sous le capot crois moi !

Crois-moi, moi qui suis un peu con par nature j'ai été surpris par la qualité de leur argumentation.

D'ailleurs dans le prochain "Joséphione Ange gardien", y'aura des personnages qui leur ressembleront.

7/12/08 8:21 PM  
Blogger Unknown said...

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

7/12/08 10:17 PM  
Blogger deligne said...

Si tu as déjà parcouru mon blog, Philippe, je suis rassuré car je sais maintenant que tu es sur la bonne voie, qu'on va pouvoir te laisser sortir de ta chambre sans que tu ailles te perdre dans les couloirs de l'asile. Je suis ravi d'avoir pu discuter un moment avec toi et tu recevras certainement de nouvelles visites bientôt si tu promets de ne pas bloquer a priori les commentaires, tu sais que les libéraux n'aiment pas trop ça.

@Criticus: Désolé, camarade, j'avais pris notre ami Philippe pour un gauchiste à cause de l'entonnoir qu'il porte sur la tête. Mais comme je n'étais pas très sûr de son appartenance politique, je suis resté courtois avec lui ;-) Bon, je le laisse avec sa junkie platine, bien sous tous rapports, ils doivent avoir encore pas mal de chose à se raconter maintenant qu'il l'a délivrée des enfers de la drogue et arrachée aux griffes du méchant voyou.
Bye bye, amusez vous bien, l'infirmier passera dans un moment pour rattacher les manches de la camisole.

7/12/08 11:13 PM  
Blogger philippe psy said...

Oui, je suis passé sur ton(tes) blog(s). J'avoue ne pas avoir compris le sens de ta démarche.

Mais bon, n'oublie pas que je suis le roi des cons. Je ne censure jamais aucun commentaire.

Toutefois, mon blog, n'a rien d'un blog politique, aussi serais-tu bien inspiré d'aller "chasser des gauchistes ailleurs".

Tu restes toutefois le bienvenu pour y laisser tous les délires de ton choix. Et je pense que tu seras servi parce que mes trois prochains articles traiteront de toxicomanie.

8/12/08 12:58 AM  
Blogger deligne said...

Ne te fatigues pas trop à essayer de comprendre le sens de ma démarche, Philippe, moi-même j'ai qqs fois du mal à savoir dans quelle direction elle va.
Merci, d'avoir pris le temps de lire mes blogs. Je ne fais pas de la "chasse aux gauchistes" mon sport favori, même si, de tps à autre, en allumer un ou deux peut me procurer un peu de plaisir.
Pour finir, je peux parler tout à fait sérieusement de toxicomanie et j'aimerais savoir si le billet que tu as rédigé ici est aussi à prendre au sérieux. Je l'ai fait lire à une personne qui est une spécialiste de le toxicomanie, et elle m'a dit qu'elle pensait que tu ne relates pas ici de faits réels, mais que tu brodes - mal - sur une histoire dont tu aurais entendu parler. En tout cas, elle ne croit pas plus que moi à la véracité de ce récit, d'autant plus que tu parles de cocaïnomane.
Voilà, Philippe, je vais passer un moment à lire ton blog parce pour essayer de comprendre de quoi il s'agit car pour l'instant j'ai vraiment l'impression d'avoir affaire au blog d'un mythomane ou d'un humoriste, ce qui, dans ce dernier cas de figure, serait plus rassurant pour le LHC :-)

8/12/08 2:23 PM  
Blogger philippe psy said...

Peut-être cherches tu seulement à exister ?

Au-delà de tout cela, je connais parfaitement la toxicomanie et j'ai déjà traité des dizaines de cas avec succès. Et j'en traiterai encore avec le même succès.

8/12/08 2:48 PM  

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