14 septembre, 2009

Suicides chez Orange !


Déjà vingt-trois suicides réussis en un an et demie chez Orange, l'ex France-Telecom de ma jeunesse. La dernière en date s'est défenestrée, celle d'avant aurait avalé des barbituriques, tandis qu'avant encore, un original, avait tenté de se poignarder dans l'abdomen lors d'une réunion. Trop fort lui ! Carrément la grande scène de l'acte II, il sort son couteau et zou, il se le plante dans l'abdomen !


Samedi soir, j'ai été confronté au point de vue d'une salariée de Orange, laquelle m'expliquait que tout cela était du à la rentabilité forcée, un peu comme on parlerait d'une marche forcée., une sorte d'épreuve surhumaine qu'on imposerait à ces pauvres petits gars de FT ! Pérorant de plus belle, elle poursuivit en me disant que si le monde ne pensait qu'au fric alors elle se demandait où nous allions aller ! Puis, elle a continué comme cela à enfoncer des portes ouvertes à grands coups de paroles creuses mais dans l'air du temps.

J'ai tenté de lui répondre mais c'est toujours dur de se faire entendre de quelqu'un qui pense que croire c'est savoir. Et puis ces diplômés de BTS, perpétuellement dans la praxis, ont toujours du mal à se sortir la tête du moteur pour tenter de voir d'un peu plus haut et d'envisager les problèmes complexes en posant les bonnes équations. D'ailleurs, c'est toujours un drame de promouvoir des BTS. Une fois qu'on les a bombardés chefs ou directeurs, ils n'en peuvent plus et imaginent que leur statut vaut un bon cursus universitaire.

Enfin, j'étais invité, cela commençait à chauffer et j'ai bien vu le moment où la belle allait se barrer sur un "puisque c'est comme ça, je pars, je bouffe pas avec les fachos" définitif. Parce que quel que soit ce que vous dites, dès que vous n'êtes pas d'accord avec un gaucho, vous adhérez forcément aux Fasci d'azione revoluzionaria de Benito Mussolini.

Et pourtant, moi je ne demandais pas grand chose. Je ne disais pas "tant mieux, salauds de fonctionnaires, qu'ils crèvent tous !". Non, je demandais juste si l'on en savait un peu plus sur ces fameux suicides. Parce que même si je ne vais pas vous dire que le suicide c'est ma branche, vous admettrez que compte tenu de ma profession, c'est tout de même un phénomène que je connais assez bien.

On se suicide chez soi, au travail, sur la route et même dans le métro, même que la dernière fois, le jour où j'ai repris le travail, j'étais en retard à cause d'une femme qui avait eu la sotte idée de se jeter sur les rails de la ligne 1. Ah la la, faut-il être sotte non ? Elle a le meilleur psy de l'univers à côté d'elle, à deux mètres sur le même quai et elle se tue quand même ! Pas de pot sur ce coup là !

Le suicide c'est un truc plus complexe qu'on ne le croit. Par exemple, Micheline, 53 ans et fonctionnaire chez Orange, peut très bien se foutre en l'air à la suite d'une réflexion de son chef de service, simplement parce qu'auparavant, elle était super fragilisée par les problèmes d'alcoolisme de son mari René et les résultats scolaires déplorables de son grand benêt de fils Sylvain ! Alors, la réflexion du cheffaillon, qui serait peut-être juste passée comme une lettre à la poste dans d'autres circonstances, devient un facteur déclenchant.

Tout ceci pour vous dire qu'il y a certes des facteurs précipitants mais toujours un terrain favorisant ! Accabler Orange, quelles que soient les responsabilités de l'opérateur historique (putain je parle comme un journaleux) ne sert à rien et surtout dessert ce que l'on pourrait apprendre de ces actes de désespoir.

Il faut arrêter de croire qu'il y a des frontières étanches entre la vie professionnelle et la vie relationnelle et affective ! Enfin, sauf quand on est agent secret ou tueur kirghize comme mon ami le Gringeot et qu'on est super entraîné à cloisonner sa vie. Pour tous les autres, les gens comme vous et moi, la frontière entre la sphère affective, relationnelle et professionnelle est poreuse : si l'une ne va pas du tout, il y a de grands risques que les autres en pâtissent.

Le suicide n'est pas non plus un acte neutre. On ne se flingue pas comme cela, aussi facilement. Avant même d'incriminer le désespoir, il faut savoir que le suicide concerne surtout des gens atteints de pathologies graves (schizophrénie, personnalité pathologique, troubles anxieux avec attaque de panique, etc.). Pour l'énorme majorité de la population, se suicider est un acte ultime, un truc grave. Il faut cesser de croire que c'est parce que le chef vous fout la pression qu'on se flingue. Généralement dans ces cas là, on morfle, on saoule tout le monde avec nos problèmes, éventuellement on lève un peu le coude parce qu'on croit que boire permet d'oublier, jusqu'à ce que les choses s'arrangent ou qu'on se barre voir ailleurs dans un autre boulot.

Dans une vie normale, nous avons tous ce que l'on nomme des stratégies de défense qui font que quand ça merde au boulot, on se replie sur la famille ou les potes. Mais bon, parfois on est tellement isolé qu'il ne reste plus rien. Alors soit on prépare son truc dans le cas de la dépression, soit on passe brutalement à l'acte dans le cadre de l'anxiété, et on se flingue.

Voilà, juste ce que j'avais envie de dire à cette pétasse, pas désagréable au demeurant. J'aurais juste voulu qu'elle se serve de son cerveau pour envisager d'autres pistes, qu'elle ne s'engouffre pas dans la voie toute tracée du monde ultra libéral cruel et méchant qui fait rien que faire chier les pauvres travailleurs pressurés de toute part !

Surtout qu'elle était soutenue par un autre blaireau de gauche qui pensait qu'avant, du temps où FT c'était des fonctionnaires, c'était mieux parce qu'il y avait une vraie culture d'entreprise ! Mon cul oui ! On glandait sec et on nous facturait le téléphone les yeux de la tête ! Ce n'était pas mieux du tout !

Quand FT était 100% public, c'était les clients qui avaient envie de se flinguer en recevant leurs factures ! Alors juste retour des choses et justice divine ???

Non, je déconne !

3 Comments:

Blogger El Gringo said...

Et le corps social, hum, t'en fais quoi du corps social?

22/9/09 7:24 PM  
Anonymous Anonyme said...

"Quand FT était 100% public, c'était les clients qui avaient envie de se flinguer en recevant leurs factures !"

Dans le meilleur des cas. Parce qu'il fallait attendre deux ans avant d'avoir une ligne (à moins d'avoir un copain député), puis une demi-heure pour avoir la tonalité.

Expérience vécue avec France-Télécom (ou les PTT ?) du temps du service public : j'ai un doute sur le montant de mes factures. A l'époque, il n'y avait pas de factures détaillées (même en payant). On vous disait : c'est tant, maintenant tu passes à la caisse. Les associations de consommateurs gueulaient comme des veaux, il y avait des anecdotes de factures abusives partout.

Un jour, dans sa grande magnanimité, France Télécom décide de proposer aux abonnés soupçonneux d'installer chez eux un compteur pour vérifier leur consommation.

Moyennant une redevance mensuelle, bien sûr, hé, banane : tu crois quand même pas qu'on va t'en faire cadeau ? Pour vérifier qu'on t'arnaque pas, tu dois payer.

Je commande donc le machin, et je commence à payer. Au bout d'un an, je le rends (c'était l'époque où on louait encore le matériel téléphonique). Apparemment, il n'y avait pas d'arnaque sur la consommation.

Plusieurs années après, je découvre, en lisant de plus près ma facture, que les vertueux fonctionnaires incorruptibles des PTT continuaient à me ponctionner la redevance mensuelle du compteur, en plus de mon abonnement normal.

Mais voilà : ce n'était pas mentionné sur la facture. Y'avait juste marqué : files-nous tant pour ton abonnement, connard.

Je fais donc une réclamation, croyant naïvement que les gars allaient me rembourser ce qu'ils m'avait volé.

Et je reçois une belle lettre : selon l'article numéro 12879358476 alinéa 24879 bis du Code des PTT (vivi, ça a existé), on n'a pas à te rembourser sur plus d'un an (ou un truc du genre). Donc, tout ce qu'on a réussi à te piquer en douce avant, on se le garde, connard.

Le fait que le prélèvement abusif était délibérément dissimulé sur la facture, ça ne comptait pas.

Alors les chouinements des fonctionnaires des PTT aujourd'hui, hein... surtout quand le type qui s'est prétendument planté un couteau dans le ventre en pleine réunion déclare lui-même que c'était pour attirer l'attention...

Normalement, une fille de 15 ans qui fait ça, c'est trois baffes aller-et-retour pour lui apprendre à vivre.

Un fonctionnaire des PTT, non. Il a droit à la compassion nationale automatique, gratuite et obligatoire. Ca aussi, c'est un drouazacquis.

23/9/09 4:41 PM  
Blogger Claudia said...

D'accord mais la fille qui s'est suicidée et qui, elle, n'était pas du tout fonctionnaire, mais contractuelle depuis dix ans...je peux la plaindre?
Hin?
Puisqu'elle est pas fonctionnaire, elle doit être un peu humaine, de mon espèce quoi:)
Ca fera du bien à mon ego de ressentir de la compassion, surtout si je sais où et vers qui je dois la diriger...
Puisqu'elle est pas fonctionnaire elle et qu'elle s'est trucidée pour les mêmes raisons que les autres je me dis quand même qu'il doit y avoir quelques dysfonctionnements un tant soit peu décelables et qui n'ont pas trait au statut de fonctionnaire
Nan?

23/9/09 9:18 PM  

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