17 juillet, 2009

Surrégime !


Un patient qui me consulte depuis quelques mois me parlait de ses angoisses. Pour moi, l'angoisse n'est que le prix à payer dès que l'on est doué d'imagination. C'est le revers de la médaille de ceux qui savent se projeter, rêver, créer, et imaginer.

L'anxiété est pour la psychiatrie phénoménologique biologique et comportementale, un état d'alerte, de tension psychologique et somatique, en rapport avec un sentiment désagréable de peurs, d'inquiétude, voire d'autres émotions. Des manifestations physiologiques peuvent accompagner l'état d'anxiété : vertiges, nausées, palpitations, difficultés à respirer, contrition de la poitrine, transpiration. Et lorsque les symptômes physiques sont très présents, on classe alors plutôt le phénomène sous l'appellation d'angoisse.

J'ai toujours trouvé que l'une des meilleures explications de l'angoisse était fort bien résumée dans le dialogue qu'ont Yves Montand et Charles Vanel alors qu'ils conduisent un camion chargé de nitroglycérine dans "Le Salaire de la peur". Montand se moque de Vanel parce qu'il a peur. Et ce dernier pour se défendre lui fait remarquer que leur grande différence réside dans le fait que lui est capable d'imagination tandis que Montand est un être frustre incapable de se projeter au delà de l'instant présent.

C'est ce qu'en caractérologie Le Senne appele le retentissement des représentations, c’est l’effet, fugitif ou durable, que produisent en nous nos perceptions. Dans sa caractérologie, Le Senne distingue le Primaire du Secondaire. Chez le Primaire, les impressions laissées en lui par ses perceptions sont immédiates, fortes, mais fugitives. en évacuant immédiatement ses représentations, le primaire évite l'anxiété. Ce sera alors action/réaction immédiate. Il se mettra facilement en colère, puis pardonnera tout aussi vite. A l'opposé chez le Secondaire, le stimulus occasionne un fort retentissement émotionnel donnant lieu à une élaboration mentale importante et ses impressions sont durables.

Dès lors, pourquoi ne pas considérer l'angoisse comme une simple donnée neurobiologique sans s'en soucier plus que de raison, comme on le ferait de n'importe quelle pathologie ? Que nous enseignent la diabète, la sclérose en plaque ou le cancer ? A mon sens rien, si ce n'est que ce sont des merdes qu'il faut combattre ou endurer. Sur le plan existentiel, je ne leur reconnais aucun enseignement valable et j'ai toujours détesté ces témoignages racontant un combat face à la maladie auquel je trouve qu'on accorde trop d'importance.

En effet face à de telles épreuves, l'individu fait ce qu'il peut utilisant les facultés d'adaptation que son cerveau lui propose et rien d'autre. La peur de souffrir et la crainte de la mort sont ancrées en nous voilà tout. D'ailleurs, le meilleur remède que l'on ait trouvé est d'imaginer une survie après la mort et donc de donner un sens à toutes ses épreuves. Mais sans doute que ce qu'attendent vraiment les gens est un traitement valable de ces pathologies et rien d'autre.

Certes quand elle est isolée, l'angoisse peut utilement renseigner en tant que sentiment actuel sur ce que redoute exactement le patient. Mais dès lors qu'elle est généralisée et se nomme "Trouble anxieux généralisé", l'anxiété n'a pas de valeur clinique significative. Elle indique simplement que l'imagination peut dépasser certaines limites, que le "moteur" s'emballe et que l'on atteint un surrégime préjudiciable.

L'anxiété est une souffrance dont on ne retire rien. Cela se traite plutôt bien au moyen d'une rééducation et de l'apprentissage de certaines règles de vie qui apprennent à l'anxieux que le prix à payer pour son imagination sans limite sera sans doute une vie plus calme que la moyenne.

L'anxiété n'apprend rien d'intéressant sur soi, on l'endure, une bête donnée neurobiologique à prendre en compte et rien d'autre.

10 Comments:

Blogger El Gringo said...

"L'anxiété est une souffrance dont on ne retire rien."

La prudence, non?

17/7/09 12:17 PM  
Anonymous Anonyme said...

Frustre ? Contraction d'un rustre fruste, je suppose ?

17/7/09 1:30 PM  
Blogger Stéphanie said...

La prudence, oui, mais une prudence excessive !!

Et la "sublimation" de ce bon vieux Freud, ne pourrait-elle pas être un bon dérivatif ?
Peut-être est-ce une lubie de bobo de vouloir à tout prix s'exprimer en écrivant (ou autre) pour diminuer son angoisse et libérer son imaginaire qui déborde ?
Je me pose justement cette question très souvent, moi qui suis très concernée par le sujet.

18/7/09 11:48 AM  
Blogger Sylvain JUTTEAU said...

Ah ah Stéphanie, soyez prudente en évoquant Freud sur le blog de Monsieur Philippe Psy !

Il peut vous en cuire ...!

Toju.

19/7/09 12:32 AM  
Blogger Sylvain JUTTEAU said...

Stéphanie, par exemple, vous auriez pu écrire ( sans vous commander, bien sûr):

"C'est drôle, cette photo de mains, on dirait des pieds. Ceci étant, vous êtes quand même un grand génie monsieur Philippe Psy".



Toju, consultant en commentaire de blog.

19/7/09 12:36 AM  
Anonymous Anonyme said...

Consultant en commentaire de blog : je suppose que c'est ce qu'on appelle les services à la personne, qui vont faire redémarrer en flèche notre belle économie. Gros gisement d'emplois, le consulting en commentaires de blog.

Ca fait aussi partie de "ces emplois que les Français ne veulent pas faire", et pour lesquels "il va bien falloir" importer la moitié de l'Afrique ?

19/7/09 11:52 AM  
Blogger Stéphanie said...

Certes, j'aurais pu écrire ce "cirage de pompes" mais ça n'est pas dans mon caractère...

D'autre part je ne pense pas non plus que Freud soit un dieu mais ce concept de sublimation m'a toujours intriguée.
Cependant après vérification sur l'irremplçable Wiki, peut-être ai-je simplifié les choses et usé de concepts que je maîtrise mal.
Je me disais simplement qu'arriver à transformer son angoisse en oeuvre artistique est quelque chose de génial.
Prenons l'exemple de S. King (je sais, ça n'est pas un intello bon ton), il est devenu l'un des écrivains les plus lus en sublimant ses peurs les plus irrationnelles et les plus monstrueuses : je trouve ça fantastique (c'est le mot !).

Et c'est quoi cette histoire de pieds ? Monsieur Philippe a peur des pieds ? :)

19/7/09 3:01 PM  
Anonymous Anonyme said...

Qu'en est il de la chimie du cerveau ? Déséquilibres de neurotransmetteurs, hormones diverses, dont l'équilibre est affecté par des situations de stress, est ce que ça ne serait pas in fine plus efficace que les psychothérapies, quelques soient leur obédience.

19/7/09 7:25 PM  
Blogger Sylvain JUTTEAU said...

@ Stéphanie :

Regardez bien la photo, on dirait des pieds vus du dessus.

Toju, consultant en regardage de photo.






@ Robert Marchenoir

Et qu'en est-il de votre cafetière ?

@ Tous

Ca y est, j'atteins les 5000 visites sur mon blog. Pourtant, il est abscons aux dires d'aucun. On dira donc qu'il est réservé à une élite.

@ Tous

Philippe Psy a un blog qui déchire grave avec plus de 270.000 visites. Certes, il est d'un ton un peu populaire, mais ne boudons pas notre admiration.

Toju

20/7/09 7:34 PM  
Blogger Élie said...

Grande anxieuse devant l'Eternel, s'il existe, au point d'avoir déclenché des crises de panique incompréhensibles, je comprends bien ce que vous entendez par règles de vie ( une hygiène de vie ) et vie plus calme que la moyenne. Par contre, je ne vois pas bien ce qu'il s'agit de rééduquer.
Et c'est vrai que j'ai l'impression d'endurer ça pour pas grand chose, car avoir "une imagination sans limite" c'est bien beau sur le papier, mais quand on n'a aucun talent spécial où l'imagination serait peut-être la bienvenue, c'est juste un moteur qui tourne à vide. Sans parler du fait que l'entourage morfle aussi quand on atteint le surrégime.
J'ai toujours cru que, l'âge aidant, j'attendrais une certaine sagesse, une certaine sérénité. Et en fait, je dois me faire à l'idée que j'aurai tout le temps cette anxiété, qu'elle fait partie de moi. Je peux tout au plus la contenir pour éviter les préjudices pour moi et pour les autres.
C'est difficile de se faire à l'idée qu'on est, malgré toutes les capacités qu'on peut avoir par ailleurs, somme toute ce qu'on appelle une "petite nature", avec une petite endurance physique et nerveuse, une personne toujours un peu frileuse en dedans.

Bref, je suis faite pour le fonctionnariat ou la vie en monastère :) J'ai toujours su que j'ai râté ma vocation en n'entrant pas dans les ordres.

30/5/18 6:28 PM  

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