25 juin, 2011

Eloge de la glandouille !

Philippe Noiret dans Alexandre le bienheureux (1968)

Parfois, mon ami Olive celui qui roule en Ferrari et possède beaucoup d'argent, me propose de m'emmener couper du bois avec lui. Couper du bois, c'est son truc à lui. Il part avec un ami commun dans une forêt dans laquelle l'ONF lui a loué une parcelle et le samedi matin, il scie, tronçonne, coupe et charrie des billes et autres buches. Moi, le samedi matin, je dors et il est hors de question que j'aille couper du bois. 

C'est fatigant et pas très intéressant, c'est comme le sport. Moi si un truc n'occupe pas mes neurones prodigieux, je m'emmerde vite. Mon intelligence lumineuse m’oblige hélas de me tenir à distance des occupations physique habituellement prisées par mes contemporains, qu'il s'agisse de taper dans un ballon, de se rouler sur un tapis de gymnastique, ou de couper du bois. A la limite peut être que je parviendrais à m'y intéresser si j'étais shooté à l'héroïne ou bourré de neuroleptiques mais je vous avoue ne pas avoir envie d'essayer.

De plus étant de nature très sociable, je connais des tas de gens dans tous les domaines. Et si je ne crois pas à la solidarité telle qu'on nous l'enseigne dans le catéchisme républicain actuel, je crois très fort au clan dans lequel on maintient la cohésion entre les membres à coups de services. Ce qui fait qu'un jour, un ami d'un ami m'a livré trois camions de bois complets, de quoi passer trois hivers complets. Et quand j'ai voulu le dédommager, mon ami m'a expliqué qu'il était en compte avec lui ce qui fait que je n'ai rien payé, ni en argent ni en peine.

Les gens étant mal intentionnés, voici qu'une réputation de gros glandeur me colle évidemment à la peau. Je serai le mec pas capable de se bouger le cul. Pas une seule personne que je connaisse qui ne me plaigne et ne se dise : pauvre Philippe, il est affligé d'une telle intelligence, ses neurones ont besoin d'une telle surstimulation que nos plaisirs simples lui sont interdits à jamais ! Ben oui, voilà la vérité, telle une Formule 1 à jamais condamnée à ne pas emprunter les routes normales parce qu'elle est faite pour rouler sur circuit, mon néocortex me pousse à n'avoir que des activités ciblées et triées sur le volet, comme la rédaction de son blog qui est à n'en pas douter, un des summums de ce que peut produire un esprit humain supérieur à destination d'un lectorat hors du commun.

Mais bon, comme la déité du Christ lui fait pardonner aux hommes, mon immense intelligence m'oblige aussi à pardonner à mes amis cette détestable réputation qu'ils seraient tentés de me faire à mon insu. D'ailleurs, je vous l'ai déjà dit, le Christ et moi sommes capricornes, comme quoi on a des tas de points communs. Donc Lui et moi, on pardonne parce que l'on sait qu'ils ne savent pas ce qu'ils font !

Finalement, je me réjouis dernièrement de n'être qu'un gros glandeur comme on m'accuse injustement. En effet, voici que j'apprends successivement qu'une de mes patientes s'est cassé une cheville en faisant du sport tandis que le père d'une bonne amie s'est cassé le bras en bricolant. Pour le père de cette amie, ce n'est pas très grave puisque c'est une fracture nette qui se remettra gentiment en place en six semaines. En revanche le sort de ma patiente me préoccupe plus parce que son accident l'a empêchée d'honorer son rendez-vous ce qui me fait un manque à gagner mais je n'ose pas trop lui réclamer le prix de la séance. Je suis sur que non contente d'avoir coûté cher à la sécurité sociale à cause du sport, elle serait capable de brandir un cas de force majeure (extérieur, imprévisible et irrésistible). Je suis donc une victime collatérale du sport !

Sinon tandis que je cherchais des infos sur les faits divers sur Yahoo, j'ai vu que deux  adolescents qui circulaient à vélo à proximité de la marche blanche organisée ce vendredi en hommage à Marie-Jeanne Meyer, la joggeuse retrouvée morte mardi, ont été renversés par un poids-lourd à Tain l'Hermitage (Drôme). La jeune fille d'une quinzaine d'années, est morte sur le coup, décapitée par le camion. Le second cycliste, grièvement blessé, a d'abord été pris en charge sur place par les équipes de secours. La gendarmerie a annoncé son décès à 18h30.

Putain si ce n'est pas de la déveine ça, se faire décapiter par un camion alors qu'on rend hommage  de manière sportive (en vélo) à une sportive morte dans l'exercice même du sport. Bien entendu, j'adresse mes plus sincères condoléances aux familles des victimes mais je suis en droit de me demander ce que font les pouvoirs publics si prompts à dénoncer la violence routière, l'alcool et le tabac mais qui me semblent curieusement muets quand il s'agit du sport.

Finalement heureusement que je connais Lapinou. C'est bien le seul qui n'ait jamais pointé du doigt mon manque d'entrain général face aux efforts. Une fois que nous glandions gentiment sur ma terrasse en devisant librement, il m'a dit que j'avais vraiment la belle vie et qu'il aimerait bien être comme moi. C'est un compliment qui m'a touché véritablement. Bien sur, je ne me suis pas départi de mon rôle éducatif face à lui, parce que je suis glandeur mais éminemment sérieux tout de même.

Je lui ai expliqué que certes, j'étais forcé d'admettre que le dernier qui m'avait vu faire du sport était sans doute mort et que le dernier qui m'avait vu bosser avec acharnement devait avoir une longue barbe blanche. Toutefois, lui ai-je dit, mon activité ne me permettait pas de rouler en Ferrari ni de déjeuner tous les midis dans un 3* du Michelin.

J'ai aussitôt rajouté que cela ne me manquait pas vu que je pouvais tout de même satisfaire quelques unes de mes lubies et que la dernière se trouvait être de posséder une XT500 et non une Ferrari ce qui n'est pas le même coût. Quant aux restaurants, ayant toujours préféré une entrecôte saignante accompagnée de frites et d'un Saint-Nicolas de Bourgueil à tous les autres mets, les 3* du Michelin ne me manquaient pas vu que je savais de source sure qu'on y trouvait jamais de belles grillades !

D'ailleurs, la plupart des amateurs de restaurants étoilés n'entendent rien à la cuisine et trouvent cela bon simplement parce qu'on leur a dit que c'était bon. Ce sont des buveurs d'étiquettes, capables de trouver une piquette admirable. Je suis même sur que statistiquement, on devrait trouver un très fort coefficient de corrélation entre les amateurs de restaurants étoilés et les amateurs d'art contemporain. Et fort logique comme je le suis, je ne vois pas pourquoi on aurait des goûts de merde artistiquement et pas culinairement puisque la cuistrerie est un état général et permanent.

Puisque le soleil se couche (oui je finis cet article samedi à 22h04), je remercie Dieu de m'avoir épargné la pratique du sport ou du bricolage intensif et ainsi d'avoir éloigné de moi les blessures les plus terribles. Comme quoi, nul besoin d'être un gauchiste activiste ni un illuminé écologiste pour ne pas verser dans la surconsommation. Il suffit simplement de se défier du désir qui est sans doute la meilleure manière dont nous manipulent les groupements divers qu'ils soient privés ou public. Sincèrement a-t-on déjà vu slogan plus idiot que celui de Nike "just do it" ? Lorsque je vois leurs publicités, j'ai l'impression qu'on me prend pour un con ou un enfant en me disant "allez t'es pas cap ?". Et moi dans ma tête, je réponds que non, je ne suis pas cap' et qu'en plus je m'en tape. Le plus haut, pus fort, plus vite, plus tout ce que vous voulez, ne passera pas par moi.

Quant à ceux qui me trouveraient glandeur je leurs répondrai que je suis simplement sage. De toute manière, nous finirons tous au cimetière et les sacs d'or ne nous suivront pas. N'est il pas écrit :

"Regardez les oiseaux du ciel  : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n'amassent rien dans des greniers et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ?"
                                                                                                                                       Matthieu 6:26

6 Comments:

Blogger V. said...

"People love chopping wood. In this activity one immediately sees results."
— Albert Einstein

26/6/11 11:17 AM  
Blogger Montishow said...

Rares sont les publicités qui ne nous prennent pas pour des cons...

26/6/11 2:07 PM  
Blogger Lucie Trier said...

La simplicité n'est-elle pas le luxe des esprits fins ?

Lorsque c'est dans ce but, c'est intelligent d'utiliser les choses bêtes. Moi j'aime bien les émissions débiles d'M6 et les tournevis, mais ça pourrait être le patinage sur glace.

Biceps,

-c-

27/6/11 3:51 AM  
Blogger V. said...

C'est étrange.
Alexandre le Bienheureux était le film "idéal" de ce capricorne qui a ruiné mon existence (car je devais y être prédisposée !)
Etrange ces bourreaux de travail qui n'aspirent qu'à glandouiller...
Et faut reconnaître que quand il s'agissait de ne pas en ramer une, il excellait !
Et réciproquement lorsqu'il s'agissait de bosser...

2/7/11 8:07 PM  
Blogger Clément said...

On peut tout aimer aussi: le sport ou la glandouille (ou d'autres activités hautement intellectuelles comme la glandouille)...enfin c'est mon cas.
Tchusss

6/7/11 5:34 PM  
Blogger Élie said...

Le sport est pour moi ce qui a dans une large mesure remplacé à l'heure actuelle, où les emplois sédentaires se sont multipliés, l'exercice physique d'antan, celui auquel on ne pouvait pas couper parce qu'il faisait partie du métier ou parce que les moyens de locomotion moderne n'existaient pas.
Pas de chauffage au sol : il fallait bien aller couper son bois.
Pas de supermarchés : il fallait faire pousser, cueillir ou élever soi-même ses moyens de subsistance.
Pas de lave-linge, on nettoyait tout au lavoir.
Pas de voiture : on marchait ou montait à cheval
Ou alors on était le seigneur, plus tard le notable, et on faisait faire tous ces travaux par des domestiques.

Les avancées technologiques ont rendu inutiles tous ces efforts, cependant je pense que l'être humain a toujours besoin de se bouger, physiquement ou mentalement ou les deux, et il a toujours besoin de réaliser quelque chose de concret, je suis bien d'accord avec la citation de V. tout en haut des commentaires. C'est rassurant de voir, de toucher, les produits de son effort, cela apporte une satisfaction et une gratification rapides et concrètes.

Je peux éventuellement concevoir l'esprit de compétition dans le sport, l'idée de se dépasser, de sortir de sa zone de confort, d'être plus fort que les autres ( pour ceux qui ont l'esprit de compétition, dont je suis moi-même dépourvue ) Je peux même comprendre, en faisant un gros effort, qu'une excitation collective puisse exister au sein d'un stade. Par contre je ne comprendrai jamais les fans d'un sport, ceux qui se passionnent pour un club du fond de leur canapé, avec bière et pizza, et encore moins ceux qui retirent de la FIERTÉ quand il gagne et de la HONTE quand il perd. Et je n'arrive absolument pas à comprendre la fierté qu'un PAYS peut tirer des résultats sportifs d'une équipe qui le représente. C'est un processus d'identification qui m'échappe totalement.

Je me dis assez cyniquement que ça vaut toujours mieux que d'être fier d'envoyer une nation faire la guerre, et qu'il vaut mieux un succédané inoffensif.


6/6/18 10:43 AM  

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