22 octobre, 2012

L'effroi au réveil !


Je ne l'avais même pas remarqué en l'écrivant. Ce n'est qu'en relisant mon titre que j'ai vu le jeu de mot qu'il contenait et que je me suis dit que je donnais maintenant dans l'Almanach Vermot. Ce titre stupide pour vous entretenir de quel sujet au fait ? Tout simplement du célèbre état hypnopompique ! Mon Dieu, moi qui suis la simplicité faite homme, moi n'ai jamais hésité à me comparer à une timide violette, voici que je jargonne comme un vieux sociologue sorbonnard voulant ébahir la petite blonde au second rang dans l’amphithéâtre !

Alors plantons le décor ! C'est une jeune, charmante et très brillante patiente qui est venue de sa lointaine Lorraine voici peu, angoissée par ce qu'elle vivait lors de ses réveils. Il faut dire que la pauvrette se réveillait, récupérait sa conscience mais en se trouvant dans l'incapacité de bouger tout en ayant des sortes d'hallucinations. Avouez qu'on aurait pu avoir peur pour moins que cela. Mais fière et combattive comme un poilu du 167ème RI, la donzelle ne s'en laisse pas compter et ce n'est pas apeurée dans un quelconque service d'urgences qu'elle va consulter mais bel et bien dans mon cabinet à moi.

Si j'avais été un psy médiocre amateur de cinéma et de sensations fortes, j'aurais bondi sur l'aspect sensationnel de ce qu'elle me racontait, associé différentes données telles que ces hallucinations curieuses, son état émotionnel, son jeune âge, le fait qu'elle ait déjà fumé du cannabis (horreur), qu'elle ne soit manifestement pas socialiste (hann comment peut-on être jeune et pas socialiste, n'est-ce pas un signe patent de sociopathie ?), le fait qu'elle aime porter des vêtements sombres et zou, j'aurais conclu à un trouble schizopréniforme quelconque. D'une voix sépulcrale, j'aurais jeté mon diagnostic et orienté la demoiselle vers un psychiatre quelconque qui lui aurait peut-être prescrit des tas de neuroleptiques.

Mais comme sous mes dehors de gros bourrin, je suis bien plus délicat et fin qu'on ne l'imagine, j'ai écouté patiemment le discours et observé scrupuleusement celle qui le tenait. Pour tout vous dire je n'étais que patience et scrupules lors de cette première séance ! Et là, j'ai constaté que la demoiselle tenait plutôt la route côté intelligence et je me suis d'ailleurs flatté de n'être lu que par des surdoués. Vous verrez qu'un jour Mensa aura un lien vers mon blog. Ce faisant, ce qui aurait pu m'alarmer chez une autre personne m'est apparu comme congruent avec la personnalité hors du commun que j'avais en face de moi. Je l'ai donc rassurée de suite, en lui expliquant qu'aussi troublant que ce soit, ce qu'elle vivait n'était rien d'autre qu'une banale paralysie du sommeil et non le symptôme sournois d'une pathologie mentale grave qui sourdait tout au tréfonds de sa psyché !

Le principe général des parasomnies puisque c'est ainsi qu'on les nomme, est que, les états d'éveil et de sommeil ne s'excluant pas entre eux au niveau des systèmes neuronaux, il peut à l'occasion s'effectuer des mélanges ou des recouvrements de ces différents états. Ainsi certaines caractéristiques d'un état de veille ou de sommeil peuvent apparaître au cours d'un autre état, même chez le sujet sain.

Ainsi, une des caractéristiques du sommeil paradoxal est l'atonie musculaire, c’est-à-dire l'absence de tonus des muscles. Les commandes motrices n'activent donc plus les muscles squelettiques posturaux, de sorte que le dormeur, pendant cette phase où le cerveau est particulièrement actif, ne mette pas en action ses rêves et n'effectue pas des mouvements qui pourraient s'avérer dangereux pour lui-même ou autrui (l'activité des muscles respiratoires et du muscle cardiaque est cependant conservée, de même que celle de certains petits muscles comme ceux des yeux et de l'oreille). 

La paralysie du sommeil s'explique par l'intrusion imprévue de cette atonie musculaire lors d'une transition entre veille et sommeil et, très probablement, par le fait que le sujet devenu éveillé et conscient perçoive cette absence de tonus musculaire. En bref, vous êtes réveillé et pleinement conscient mais vos chers petits muscles posturaux font toujours un gros dodo ce qui vous donne à penser que vous êtes paralysé. Et dans certaines formes plus avancées, non content d'être paralysé, en plus vous subissez des hallucinations visuelles, auditives ou tactiles, parce que vous continuez à rêver alors que vous êtes éveillé. C'est une simple expérience neurologique un peu flippante mais sans gravité.

C'est d'autant plus flippant que lorsqu'une personne vit ce genre de chose, elle a l'impression d'être la seule et unique à avoir fait cette expérience et se dit qu'elle doit soit devenir folle soit être envoûtée mais qu'en tout cas, il se passe un truc vraiment grave. De fait, les personnes en parlent peu ce qui fait que le phénomène est peu étudié.

L'aspect que prend l'hallucination est totalement dépendant du caractère de la personne, de son imagination, de son état physiologique mais également du substrat culturel dans laquelle elle évolue puisque c'est tout ceci qui conditionne très largement la tonalité des rêves et des cauchemars. C'est ce qui explique que certaines figures reviennent de façon récurrente dans les témoignages de personnes ayant vécu une paralysie accompagnée d'hallucinations. Nos amis celtes bien plus friands que nous ne le sommes de magie et de revenants ont ainsi noté qu'une sorte de vieille sorcière appelée Old Hag dans le folklore revenait souvent lors de ces crises.

La paralysie du sommeil est donc très probablement à l'origine de certains cas de supposées hantises ou possessions. Elle explique également la légende (mondialement répandue) des esprits dénommés cauquemares qui sont des sortes de démones qui se posent sur la poitrine des dormeurs pour les écraser de tout leur poids. En latin le terme pour désigner ces cauquemares est incube ce qui signifie littéralement "couché dessus".

Voilà donc comment un stupide problème qui s'explique fort bien neurologiquement même si l'on ne parvient pas à expliquer les facteurs qui en favorise la survenue a pu créer de toute pièce de belles légendes présentes dans tous les folklores de notre belle planète !



2 Comments:

Blogger phaco said...

Bonjour.
J aime pas trop les psy,a part la mienne...
Mais,votre blog de psy me plait beaucoup. Je suis en train de tout lire depuis le debut. Neanmoins vous etes silencieux depuis quelques mois. Tout va bien? Allez-vous continuer? Je le souhaite.
Bons voeux pour Noel bientot la et bcp de petits marcassins.
Phaco

13/12/12 11:11 PM  
Blogger Élie said...

C'était passionnant, merci !

7/6/18 8:53 PM  

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