1er Novembre
Tous ceux qui ont l'habitude de me lire, savent que je m'intéresse à la première Guerre Mondiale. Tandis que la seconde m'indiffère à peu près, les récits de celle que l'on nomme la grande guerre, me passionnent. Sans doute qu'à l'instar de tous ceux ayant eu des parents nés avant-guerre, j'ai plus ou moins baigné dans un climat qui m'a rendu bien trop présente la dernière guerre pour qu'elle m'émeuve.
Ainsi, figurez-vous que lorsque petit, je ne voulais absolument pas manger le gras du jambon, ma mère me disait que si j'avais connu la guerre, j'en aurais redemandé de ce gras qui me dégoûtait De toute manière, à cette époque, quoique je n'aie pas voulu manger, on me rétorquait que si j'avais connu la période du jus de gland, du rutabaga et que j'aie fait la queue durant des heures nanti de mes seuls tickets J2, j'aurais été moins difficile.
Plus récemment encore, c'était au printemps dernier, tandis que j'étais assis avec mon père au café de la Paix à Sceaux, ce dernier m'expliqua qu'une des dernières fois qu'il s'était assis à cette terrasse, la table d'à côté était occupée par trois officiers de la wehrmacht. C'était peu avant la libération de Paris et puisque nous en étions aux récits de guerre, j'ai donc entendu pour la énième fois, l'histoire de ce panzer isolé au carrefour formé par l'Allée d'Honneur et la nationale 20, dont l'équipage avait fini atomisé par un coup au but d'un sherman américain de la 2ème DB, après en avoir tout de même dégommé deux ou trois.
Bref, pour moi la seconde guerre mondiale c'est presque du concret ! Tandis que la première, c'est une autre époque, celle que je retrouvais en dévorant la collection du journal illustré Le miroir que ma grand-mère possédait dans une belle édition reliée en cuir pour les années allant de 1914 à 1919. Et là, ce n'était que récits de batailles héroïques, dans lesquelles nos fiers poilus, sorte de gentils guerriers débonnaires et courageux abattaient du boche à tour de bras, tandis qu'à l'arrière, la population civile acceptait stoïquement, et avec le sourire aux lèvres en prime, les privations et les deuils pour le bien de la mère patrie !
Le journal ne montrait que des morts allemands, que l'on appelait au gré des semaines, les boches, les fridolins ou les frisés, et dont on relatait la couardise aussi bien que l'incroyable cruauté. Pensez-donc que ceux qui sont maintenant nos amis au sein de la communauté européenne, n'hésitaient pas à couper les mains des petits enfants ou bien, lorsque c'était des uhlans montés à cheval, à embrocher de pauvres femmes de leurs lances acérées. Pendant ce temps là, nos fiers soldats libéraient des territoires, allaient à la messe, entretenaient un esprit de franche camaraderie tandis que de nobles généraux paternaliste les passaient en revue !
Je n'ai su que bien plus tard que ce journal n'était qu'un organe de propagande mais surtout pas un vecteur d'informations. Il m'aura fallu lire les récits de ceux qui l'avaient faite, cette fameuse grande guerre, pour comprendre que ce n'était pas aussi rose que de partir la fleur au fusil ! C'est d'ailleurs cette même propagande qui a marqué notre histoire de la légende rose selon laquelle, tout un chacun, dans toutes les campagnes de France, aurait répondu avec joie à l'ordre de mobilisation du premier août 1914 au son du tocsin !
Dans les faits, les historiens actuels pensent que si certaines élites se sont enthousiasmées pour cette guerre, il semblerait que le menu peuple, soit parti un peu comme on emmènerait des bestiaux à l'abattoir. Reprendre l'Alsace et la Lorraine ne semblait pas pour tous nos compatriotes un but nécessitant de prendre le risque de mourir ou d'abandonner la moisson à venir. Si la fameuse union sacrée a existé, rassemblant tous les gens au delà de leurs clivages politiques, il semblerait que cela n'ait surtout concerné que les élites bien plus que le brave peuple pour qui il s'agissait surtout de recevoir une capote bleu horizon, un Lebel pour aller se faire trouer la peau sous les ordres de généraux généralement tous plus cons les uns que les autres.
Et puisque je parle des élites, le plus amusant est de constater que de quelque bord auquel ces personnes aient appartenu, chacun a trouvé de bonnes raisons de patauger dans la boue ! Pour les socialistes, c'était une vraie mission que de combattre les empires et de verser son sang pour la république tandis que pour les monarchistes, il s'agissait avant tout de restaurer la grandeur de la France en vengeant l'affront de Sedan. On peut rajouter à ces deux camps, celui de quelques catholiques un peu illuminés pour qui la guerre serait sans doute une manière de faire triompher le Christ, puisque la France étant, on le sait, la fille aînée de l’Église, il était hors de question de laisser la grande Allemagne triompher.
Ainsi, parmi les nombreux écrivains tombés au champ d’honneur durant cette période on retrouve logiquement soit de furieux athées socialistes, soit des mystiques illuminés ou de farouches défenseurs de l'ancien régime, mais tous unis contre l'Allemagne.
Tous leurs noms figurent sur une plaque dans le Panthéon, ce lieu que personne ne visite jamais. A défaut d'y pénétrer pour y lire ces noms, voici la liste exhaustive de tous ces écrivains. Il y en a cinq-cent-soixante. La plupart ayant été totalement oubliés aujourd'hui, soit qu'ils soient morts trop jeunes, soit que la renommée de leur œuvre n'ait pas traversé les époques, je profite de ce jour pour leur dédier ce modeste article. Après tout, il témoignent d'une époque révolue, au cours de laquelle, être un écrivain engagé signifiait quelque chose, quelles que soient les raisons de son engagement.
En mémoire de ces héros oubliés qui ont fait coïncider leurs paroles et leurs actes. La cohérence est aujourd'hui une vertu rare !
1 Comments:
"Moi, mon colon, celle que je préfère, C'est la guerre de quatorze-dix-huit!"
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