19 novembre, 2012

Fin du monde !


On en parle régulièrement et finalement on croit que tout le monde s'en fout ? De quoi parle-t-on ? Mais de la fin du monde voyons. Puisque l'on sait que le 21 décembre lorsque le soleil rentrera dans le signe du capricorne, toutes les planètes seront alignées sur un même plan et que cela se produit très rarement. Il semblerait que selon le calendrier maya et les croyances qui y sont associées, ce soit la fin d'un cycle de 5125 années annonçant la fin du monde. Pour eux que cela passionne, il y a des tas d'articles ésotériques sur le sujet, quant à ceux que cela n'intéresse pas plus que cela, l'article wikipedia est suffisamment bien fait pour briller en société sans sombrer dans les croyances bizarres.

Ayant mon cabinet à Paris où chacun le sait, ne vivent que des gens instruits et peu enclins à sombrer dans de tels délires, je ne m'attendais pas à recevoir une personne faisant état de son angoisse face à cette fin du monde annoncée. C'était accorder trop d'intelligence à tous les parisiens en oubliant par exemple qu'ils avaient élus Delanoë.

C'est ainsi que par un bel après-midi, une demoiselle que je connaissais déjà est venue me voir pour me parler de cela. J'ai été très étonné car la sachant capricorne, comme moi, jamais je n'aurais songé qu'elle puisse verser dans ce genre de délire mystique vaguement teinté de new age.

Comme elle me l'expliqua, au fond d'elle-même, elle n'y croyait pas vraiment mais la fréquentation assidue, sans doute trop assidue, d'une mère collante et pas très intelligente, l'avait contaminée dans la mesure où cette dernière ne cessait de lui parler de ce sujet en faisant état de références glanées ça et là au cours de lectures de livres stupides.

Alors face à une croyance fortement ancrée, surtout pas agir en bourrin en s'exclamant "mais ma bonne dame, cessez de croire à ces conneries, tout ça c'est rien que des bêtises new-age". Parce que dans ces cas, vous vous placez totalement en contradiction avec les angoisses de votre patient en ne lui offrant aucune similarité. En gros, si j'avais dit cela, c'est un peu comme si j'avais exprimé qu'elle n'était qu'une pauvre conne de croire en cette fin du monde, tandis que moi, hautement cultivé et très intelligent, j'étais bien loin de ces croyances stupides. Sur que dans ce cas, elle m'aurait payé mes honoraires puis serait sortie en croyant toujours à la fin du monde tout en étant en plus persuadée d'être une conne que personne ne comprendrait jamais.

Pour convaincre bien entendu, il faut offrir à celui que vous souhaitez convaincre une sorte de miroir dans lequel il va se mirer pour y contempler des similitudes de comportements et de valeur. Il ne s'agit pas de manipuler mais simplement de faire comprendre qu'humainement vous êtes en empathie et capable de comprendre ce que ressent la personne. Il s'agit juste de reconnaitre sincèrement les sentiments qu'elle éprouve. Et en l’occurrence, ma patiente étant angoissée, il n'est pas bien compliqué de lui dire que je reconnaissais sa souffrance puisqu'il m'est arrivé comme à tout un chacun d'angoisser et même que ce n'est jamais agréable. Ça c'est pour la forme !

Pour le fond, ma profession exige des connaissances spécifiques mais aussi une bonne culture générale. Si vous n'êtes pas curieux de nature, vous serez un mauvais psy. Non qu'il faille tout connaitre mais qu'une bonne alliance thérapeutique exige évidemment d'avoir un bon lien avec le patient en partageant avec lui des sujets de discussions. Et croyez-moi, entre ceux qui pratiquent le didjeridoo, ceux qui tirent les cartes, se passionnent pour l'automobile, le cinéma, la littérature, ou que sais-je encore, il faut connaitre un minimum de choses sur tous les sujets. 

Cela tombe bien, étant par nature assez "lubique" (néologisme créé à l’instant par moi désignant celui étant sujet aux lubies), j'ai pu me cultiver sur des tas de choses dont j'ai déjà parlé ici. Toutefois, je n'ai pas encore connu de passionnés de hérissons ce qui est bien bête parce que je suis tout de même l'un des rares en France possédant les trois seuls livres traitant du sujet. Ce qui ne veut pas dire pour autant que je me considère comme un erinaceusologue patenté ! Oui, le hérisson commun est de l'espèce erinaceus europeaus !

Alors, la relation thérapeutique exige donc deux temps successifs ! Dans le premier temps, on est en empathie sincère et on reconnait la souffrance du patient puis, dans un second temps, on commence à parler de la croyance sans la remettre totalement en cause mais en montrant qu'on maitrise un minimum le sujet.

Et là encore cela tombait bien puisque je suis du genre à lire tout et n'importe quoi et que bien sur, je me suis déjà intéressé à ces histoires de prédictions ou encore aux prophéties diverses et variées parce que j'ai besoin d'enchanter le monde matérialiste dans lequel je me meus par tout un tas de trucs bizarres qui me font rêver en me disant qu'on nous peut-être tout un tas de trucs ou encore que les choses ne sont peut être pas si simples qu'on ne l'imagine.

C'est ainsi que sans nier les croyances étranges de ma patiente, j'ai pu lui expliquer qu'il était fort possible que ces fameux calendrier mayas aient été très mal interprétés et qu'à ma connaissance, aucune personne dominant ce sujet, ceux que l'on nomment les experts, n'avait jamais pris au srieux la possible fin du monde le 21 décembre 2012. Ce faisant, et citant des experts, je m'approprie un peu de leur savoir et je deviens un peu expert, ce qui me confère un atout supplémentaire me rendant crédible à ses yeux. Et le tour est joué, cela lui permet d'abaisser son niveau d'angoisse. L'argument d'autorité est nécessaire pour être le roc sur lequel l'angoissé va s'appuyer pour faire baisser sa charge émotionnelle.

Et enfin, comme je n'ai jamais pris cette patiente pour une conne, je me doute bien que ce qu'elle me raconte n'est que la partie émergée de l'iceberg et qu'elle doit vivre en ce moment quelque chose qui la fragilise pour que de telles croyances aient eu une prise sur elle. En l'interrogeant, elle fait alors état d'un stress intense du à un changement de travail récent. On en discute, on creuse le fond du problème et elle ressort toute ragaillardie tandis que moi, un sourire niais aux lèvres, je me dis que je fais un bien beau métier. Même que je ne suis pas vraiment cher parce que pour le boulot que je fournis, je serai en droit d'exiger le triple voire le quadruple que la somme dérisoire que je demande !

Bon, alors face à l'angoisse, je récapitule :
 1/ on joue de la similarité et on reconnait sincèrement la souffrance du patient ;
2/ on aborde le sujet avec des arguments d'autorité ;
3/ une fois évacué ce faux problème, on traite le vrai problème.

Voilà tout est bien dans le meilleur des mondes mais de vous à moi, je n'ai pas vraiment de certitudes quant à la probabilité que le monde disparaisse le 21 décembre 2012 !