17 mai, 2014

La vie de Jean Sablon(*)


(*) il ne s'agit pas du vrai Jean Sablon mais de celui que j'ai surnommé ainsi !


Sept heures du matin, dans des draps de satin, dans la chambre d'un superbe appartement du XVIème arrondissement parisien.
- Mon chaton, je dois partir au bureau. Reste au lit, repose-toi. Tu claqueras la porte en partant. Je t'ai laissé un peu d'argent sur la table de nuit.
- hmmmm
- Je t'aime mon chaton. Je crois en notre histoire.
- Ouais moi aussi.

Treize heures, grattage de couilles face à la Nespresso, le regard vide. Puis, une douche sommaire, consistant à s'essuyer les parties génitales avec une serviette et à s'asperger de Chanel Numéro 5 pour sentir bon. Il prend du dentifrice sur le bout de l'index et se le passe sur les ratiches rapidement. Il se rince la bouche. Un coup de peigne, un regard dans la glace et c'est bon. On retourne à la chambre pour s'habiller et prendre les quatre billets de cinquante euros qu'elle a laissé sur la table de nuit.
- La salope elle aurait pu me laisser plus de blé. Je vais faire quoi avec ça moi !

Métro Jasmin, la rame approche. Descente à la station Rue de la Pompe. Balade le long de l'avenue Georges Mandel en sifflotant. Direction la Place du Trocadéro et premiers contacts sociaux de la journée au café Kléber.
- Comment ça vous ne servez plus de petits déjeuners continentaux à quatorze heures ? C'est interdit de se restaurer le matin ?
- Désolé monsieur.
- Bon alors une coupe de champagne et donnez moi la carte.

Quinze heures trente, le tournedos Rossini est terminé, le vin n'était pas mauvais. coup d’œil circulaire sur la terrasse en mode prédateur. Tiens une bande de copines. Un scan rapide : deux vilaines et une petite blonde mignonne avec une Cartier discrète au poignet, Hermés et sourire Colgate. C'est sa came ça. Le genre de filles avec qui il cartonne. Les autres sentent le danger de suite, elles voient l'arnaqueur en lui. Mais pas celles ci. Un sourire qu'elle lui rend. Il se lève s'approche. Indifférence polie envers les deux moches, sourire appuyé pour la mignonne. C'est dans la poche.

Il se lève, fait quelques mètres pour s'asseoir à la terrasse la plus proche où Blondinette le rejoint un quart après. Tactique habituelle. Centré sur la cible, il feint de s'intéresser fait des ah et des oh et des c'est super. Bien sur Blondinette l'interroge aussi. Et là, c'est l'art, la thèse complexe, les voyages. Des projets personnels ? Bien sur qu'il en a, mais il a tellement souffert. Oui, la longue histoire, la rupture à laquelle on ne s'attend pas. Mais il faut se montrer fort non ? Alors il continue et il ne désespère pas.

Blondinette est émue, c'est dans la poche. Il voit la médaille accrochée au cou et enchaine sur ses valeurs chrétiennes sur son engagement pastoral, le diaconat qu'il a failli choisir à un moment de sa vie, Dieu dont il sent la présence si souvent. Blondinette est sous le charme. C'est tellement fou de rencontrer à Paris un garçon si beau et tellement droit.

Elle lui parle de ses valeurs, de la famille. Il lui répond que son souhait le plus cher serait d'avoir beaucoup d'enfants même s'il a un paquet de préservatifs neufs dans sa poche mais ça, il ne lui dit pas. Ensuite, ils parlent de voyages. Il lui raconte l'Afrique mystérieuse et l'Orient odoriférant avant d'aborder l'Amérique du Sud et plus particulièrement le Brésil où il s'est initié à la capoeira tout en n'oubliant pas d'aller prier aux pieds du Corcovado. Elles l'écoute ébahie et il se dit que sa mémoire alliée à wikipédia sont ses alliés les plus précieux.Avec son sourire bien sur. Parce que s'il était né moche, ça n'aurait pas été pareil. Mais ile st beau gosse et sans scrupules, la combinaison idéale des grandes réussites.

Tiens un appel téléphonique. C'est celle de l'autre nuit, la quadragénaire énamourée. Il s'excuse et s'éloigne pour répondre tranquillement.
- Ca va mon chaton ?
- Oui, oui ça va.
- Ca n'a pas l'air d'aller ?
- Si si mais je suis à la bibliothèque, je ne peux pas trop parler.
- Ah oui ta thèse.
- Oui justement j'ai pas mal de boulot et tu me connais, quand je bosse, je bosse.
- A ce soir ?
- Oui mais tard, je dois réviser avec un copain. J'ai pris les clés. Ne m'attends pas. Bises.
Il a raccroché.

Retour vers Blondinette.
- C'était mon groupe de prière. Le père Nicolas. Désolé. 
- Oh oui je comprends, c'est super que tu fasses ça.
- Oh c'est important pour moi la spiritualité.

Blondinette est sur un nuage et Jean Sablon sent qu'il a verrouillé l'affaire. Allez un diner, puis les affaires sérieuses. Il se dit qu'il se cassera de chez elle ver trois heures du matin pour rentrer chez l'autre. S'il se débrouille bien, il lui piquera peut être un bibelot, un truc en or ou en argent, petit, un truc qu'on met discrètement dans la poche et qui se revend bien à Barbés. Ou alorr un acheteur d'or. C'est vrai que le gramme d'or ne cesse de monter. Il le sait il a déjà vendu une chevalière piquée à une conquête d'un soir. Il ne rit encore, il se souvient qu'il avait passé deux heures à la chercher avec la belle alors qu'elle était bien au chaud dans sa poche.

Blondinette ne dévore du regard et il lui mate les seins, estimant la taille de ses bonnets. Il se dit que la cravate de notaire n'est pas si mal et que les traditions ont du bon. Elle surprend son regard. Elle lui demande ce qu'il regarde. Avec aplomb, il lui répond qu'il adore sa médaille et qu'il a une dévotion particulière pour la vierge. Elle est rassurée. Elle se dit qu'elle a vraiment de la chance. A trente ans, ses amies et elles se disent souvent que c'est tellement compliqué de faire sa vie à Paris où les hommes ne veulent pas s'engager. Et elle, elle vient sans doute de trouver.

Jean Sablon lui fait un sourire, celui dont il a le secret et qui les fait chavirer. Il sait qu'à ces moments là, quand il sourit comme ça, elles adorent l'homme qu'il est en devinant l'enfant charmant qu'il a été. Elles fondent généralement. D'un coup d'un seul, elle lui propose de venir chez elle. Elle ne l'a jamais fait mais là, elle le sent bien.

Elle habite métro Ranelagh. Super, il pourra rentrer à pieds chez l'autre cette nuit, c'est à une station. Ils marchent côte à côte. Ils parlent un peu, elle lui demande s'il a des frères et soeurs. Il lui parle alors de son aîné qui a fait Saint-Cyr et de la cadette qui est à l'ENS. Elle est impressionnée et elle lui parle alors de sa sœur jumelle qui est très sympa. Il se dit qu'il ne s'est jamais tapé deux jumelles en même temps et qu'effectivement ça doit être sympa. Il lui demande si elle a des cousines de son âge. Elle lui parle alors des vacances à Saint-Cast quand elle était jeune avec ses deux cousines germaines, jumelles elles aussi. Il note l'information dans un coin de sa tête. Surtout ne rien laisser paraître.

Il lui demande juste quelques minutes, un appel urgent. C'est le père Nicolas, le responsable de son groupe de prière à qui il a oublié de dire quelque chose.
- Nico ? Oui c'est moi Alex. Non je ne peux pas trop parler. Je ne peux pas passer ce soir. Désolé. Non, rien de grave, je t'expliquerai. Salut, à demain sans doute.

Il revient vers elle. Ils parlent peu. Il pense qu'il a bien fait de faire attention. Pour un dragueur, le slip propre et les chaussettes sans trous c'est un basique auquel il fait toujours attention. L'hygiène aussi ça compte enfin surtout bucco-dentaire pour le reste avec les déodorants tout passe. De toute manière une fois au lit, c'es au tour des phéromones d'entrer en scène. Alors il pourrait bien sentir le renard comme un maçon en fin de journée, il s'en fout. De toute manière il sait ce qu'il vaut au pieux.

Il lui prend doucement la main. Presque timidement. Elle se laisse faire. Ils sont tous les deux tellement heureux, mais pas pour les mêmes raisons. Elle se dit que son père serait contente de voir qu'elle va peut-être réussir sa vie affective. Il se dit que son père lui demanderait ce qu'il compte faire pour sa vie professionnelle.

Il se demande si il va retourner voir l'autre cette nuit. Après tout Blondinette est mignonne et bien née. C'est peut-être le moment de se caser. Ce qu'il faudrait pour qu'il prenne sa décision, c'est choper les relevés de compte ou la faire parler sur la fortune familiale. Après, le beau-père il en fait son affaire. Si le mec est un capitaine d’industrie ou un avocat célèbre et richissime, il la jouera en demie-teinte en se faisant passer pour un neuneu étudiant en théologie. Le beau-père détestera mais bon, l'idée d'avoir casé sa trentenaire de fille l'emportera. Il pensera sans doute que c'est un con mais qu'au moins il est honnête et qu'il fera un bon mari. Il sourit en pensant à ça. Ce qu'on pense de lui, il s'en moque, il sait ce qu'il vaut.

- Pourquoi tu souris ?
- Comme ça parce que je suis heureux, parce que ... je ne sais pas pourquoi mais c'est un grand jour.
Elle ne dit rien, se contentant de serrer sa main plus fermement dans la sienne.
- J'aime bien ton parfum au fait.
- Merci.

Elle est heureuse, il est heureux, mais pas pour les mêmes raisons.


3 Comments:

Blogger Le Touffier said...

My kingdom for the Jean Sablon's way of life.

17/5/14 6:25 PM  
Blogger philippe psy said...

@Touffier : tu l'aurais vu hier le père Alexis ! On est allé au théâtre en groupe. Et voilà qu'une gonzesse lui fait des œillades et ensuite en dinant à Passy, c'était la serveuse qui lui a presque proposé des trucs inavouables ! Jean Sablon le 16 c'est son territoire !

17/5/14 8:57 PM  
Blogger Unknown said...

Ça sent le vécu.... À moins que ce soit le maçon qui sent le renard? :)~ pffiou quelle vie trépidante!

18/5/14 2:43 PM  

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