Douance et Zébritude !
J'ai un patient qui me parlait des Zèbres. Je connaissais un peu ce terme parce que je crois que c'est la définition que donne Jeanne Siaud-Faschin, l'auteur de Trop intelligent pour être heureux, des surdoués. Alors de la même manière que tout le monde se trouve artiste, tout le monde s'est trouvé surdoué. C'est sans doute un phénomène de mode qui permet à certains d'entourer d'oripeaux de dignité leur mauvaise insertion sociale. Mais j'avoue ne pas bien connaitre les Zèbres. J'ai été invité une fois à une de leur soirée et je n'ai pas été conquis. J'y étais allé avec mon ami GCM et on avait bien rigolé à défaut d'y rencontrer beaucoup d'intelligence exceptionnelle. Ceci dit le champagne était bon et l'endroit sympathique.
D'ailleurs, la dernière fois qu'en vérifiant mes statistiques et que j'ai eu des liens venus du forum des Zèbres, on me traitait un peu de gros con, sans doute parce que j'avais pointé du doigt la nécessité de faire la différence entre l'histrionisme pénible et la douance. Se regarder le nombril voire carrément l'anus n'est pas forcément le signe d'une grande intelligence mais plus souvent le signe d'un esprit tout empli de lui-même comme le sont souvent les adolescents pour lesquels les tourments de l'âme sont une soue délectable dans laquelle ils se vautrent tels de jeunes marcassins gloutons. De mon côté, j'admets tout à fait que l'on puisse me traiter de gros con. On est toujours le con de quelqu'un.
Dans la même veine, les hystériques incapables de penser mais tout juste d'éprouver sont sujets à ces délectations moroses, qui aux siècles précédents les auraient amené à écrire des vers mièvres, et qui aujourd'hui les font s'étaler sur les forums ou dans les émissions de télévision au mépris de toute dignité et pudeur, en étalant leurs états d'âmes. Bref la douance, c'est surtout complexe pour les imbéciles et cela ne se résume pas forcément à un test de QI. En revanche, la seule hypersensibilité ne suffit pas à qualifier le surdoué. D'ailleurs la grande intelligence confinant toujours à une sorte d’androgynie de caractère, cette hyper sensibilité concerne plutôt les hommes tandis que les femes brillantes seront plutôt bourrines et adeptes des jugements définitifs.
Rassurez-vous, je ne veux pas me placer au-dessus de la mêlée. J'ai eu mon lot de ruminations quand j'étais jeune et que je me trouvais incompris. Moi aussi j'ai fait mon théâtre mais comme je suis un sombre capricorne, c'était essentiellement une pièce que je me jouais intérieurement et dans laquelle j'étais forcément un génie incompris. Depuis que j'ai pris la saine réaction de me dire "ta gueule Philippe, tu verras bien", c'est vrai que ça va beaucoup mieux. J'ai depuis pris conscience qu'effectivement on reconnait l’arbre à ses fruits.
Alors, même si je les comprends, les tourments de l'âme ont tendance à m'ennuyer prodigieusement. Heureusement que je sais couper court quand mes chers patients m'emmerdent avec ça parce que sinon, j'aurais cessé ma profession. Bref, il y a un temps pour geindre et un temps pour s’arracher les doigts du cul et faire quelque chose. Avec moi, Goethe aurait fait un métier sérieux comme la maçonnerie ou l'expertise comptable et n'aurait jamais écrit Les souffrances du jeune Werther !
Alors qu'est-ce que la douance ? Finalement, la douance c'est simplement traiter des informations plus rapidement que la moyenne des autres individus. Non comme une machine, ce qui ferait qu'un ordinateur serait doué, mais comme un être humain doté d'une sensibilité puisqu'il a été prouvé que la pensée et l'émotion devaient se conjuguer pour être efficaces. Cela s'observe dès le plus jeune âge par un apprentissage plus rapide.
Pour le reste, on a pu noter qu'il pouvait exister une dyssynchronie, c'est à dire une rupture entre le développement des capacités intellectuelles hors normes et celui du niveau psycho-affectif qui reste indépendant de celles-ci. Le surdoué peut se sentir anormal par sa manière de voir le monde, trop lucide et réfléchie, et ne pas développer d'habiletés sociales qui réclament souvent plus de spontanéité que de réflexion et surtout de fréquenter des petits camarades de son âge.
Enfin, lorsqu'il n'est pas détecté, on attendra du surdoué des capacités normales qu'il ne peut produire. Il s'ennuiera et ne donnera jamais ce que ses capacités promettaient. A l'inverse, s'il est détecté, on peut aussi exiger de lui des résultats en adéquation avec son intelligence, l'entraîner comme un cheval de course, tout en négligeant cet équilibre psycho-affectif.
Bref, le surdoué est un individu aux capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne tandis que son niveau psycho-affectif, directement corrélé aux expériences de sociabilité déterminant les habiletés sociales, est souvent à la traîne. Il s'ensuit que le surdoué sera, selon qu'il soit introverti ou non, soit affligé d'une sorte de repli autistique afin de se protéger d'autrui, soit au contraire totalement investi à l'extérieur afin de réduire cette dyssynchronie.
A défaut d'éléments de comparaison, le surdoué aura du mal à s'autoévaluer ce qui l'entrainera à avoir une piètre image de lui-même, selon qu'il se sente intelligent et ait réalisé des performances en adéquation avec ses capacités, mais mal intégré et comprenne le prix à payer pour sa différence, soit qu'il ait réalisé des efforts pour s'intégrer au groupe des "gens normaux" au prix d'un grand gâchis intellectuel. Il s'ensuit donc que la dépression et l'anxiété est assez classique chez les surdoués.
Pour le reste, on peut définir l'intelligence comme l'ensemble des facultés mentales permettant de comprendre les choses et les faits, de découvrir ces relations entre elles et d'aboutir à la connaissance conceptuelle et rationnelle (par opposition à la sensation et à l'intuition). Elle permet de comprendre et de s'adapter à des situations nouvelles et peut en ce sens être également définie comme la faculté d'adaptation.
Et ça, c'est important de souligner que l'intelligence doit permettre de s'adapter. Cela ne signifie pas que l'adaptation au monde tel qu'il existe soit parfaite mais qu'au moins le surdoué soit capable de recréer un petit monde dans lequel il se sente bien. Personne n'est obligé de fréquenter des abrutis ! Dans tous les cas, l'intelligence doit permettre de faire quelque chose de sa vie. Si les capacités intellectuelles hors normes donnent juste le droit de s'asseoir sur ses mains, en se lamentant, autant être le roi des cons ou désespérément normal.
Bref, si je ne connais pas grand chose des zèbres et que j'ai toujours un peu de mal à comprendre ce que cela signifie exactement être un zèbre, je crois bien connaitre la douance et savoir la détecter lorsque j'ai un surdoué face à moi. Ça pulse, ça répond du tac au tac, ça possède une lucidité hors du commun, une sensibilité remarquable, un vrai sens de l'humour. Mais comme c'est habitué à ne pas en foutre lourd du fait de ses capacités, le surdoué chouine aussi beaucoup, résiste mal à la frustration, s'énerve, se plaint ! Finalement, ils sont plus touchants que vraiment pénibles même s'il faut avouer qu'ils sont un peu chiants du fait de leur inertie. Sitôt sortis de leurs putains d'études et de leurs réflexions personnelles et lâchés dans le grand monde, ils prennent conscience que l’intelligence n'est pas tout !
Mais bon, quelque soit leur QI, il va bien falloir en faire quelque chose de cette intelligence. La Fontaine parle de tout cela dans sa fable du Lièvre et de la tortue : rien ne sert de courir il faut partir à point. Et comme faisait dire Audiard à Maurice Biraud dans Taxi pour Tobrouk : je crois docteur que l'homme de néanderthal est en train de nous la mettre dans l'os, deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche.
Comme quoi, l'intelligence, oui bof. Encore faut-il qu'elle serve à quelque chose. L’ordinateur le plus performant sans système d'exploitation ne sert pas à grand chose.
17 Comments:
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@Petit Zèbre : non du tout, je ne connais rien à la zébritude. On l'a simplement évoquée devant moi. Je pense que c'est un terme de Siaud Faschin. Sinon, qu'on m'en donne une définition que je me ferais un plaisir de publier à la suite de cet article.
Franchement je dois reconnaitre que vous n'ecrivez pas que des conneries;chapeau l'artiste!
merci Philippe ;)
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Ah bah bravo ! A cause de vous je viens (enfin) d'accepter le test de QI que mon psy m'offrait (enfin, "à cause de vous", ou de la bouteille de whisky mise en jeu aussi, peut-être) !
Mmmmh..je ne connaissais pas la zebritude....suis perplexe...ça à l'air calvaire social à vivre...? ça existe les zèbres calmes et sereins? Sinon C'est où qu'on enlève les piles? ;)
@Ptit Zèbre : bon cela me semble fumeux mais je ne connais pas la définition exacte du zèbre. Ceci dit si cela permet aux gens d'être heureux :)
Menvusa, je suis bien d'accord avec vous, Philippe n'écrit pas que des conneries, il en dit aussi.
Et comme les auditeurs qui rêvent d'entendre leur mail lu à l'antenne, j'ajouterais "mais je sais que vous ne diffuserez pas ce commentaire lucide".
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@petit zebre: merci pour toutes ces précisions précises justement.Une analyse qui me semble judicieuse.
@Petit Zèbre : Coucou !
Je dois dire que c'est intéressant de trouver quelqu'un comme toi sur un forum ^^
Tu dis qu'il y a beaucoup de choses à rajouter et j'avoue que ça m'intéresserais de savoir quoi !
Si jamais tu retombe sur ce site un de ces jours, contacte-moi ! (je crois que y'a mon adresse mail si tu clique sur mon pseudo)
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c'est dommage de lire ça sur un blog de "psychothérapeute". Il y a plus de jugement que de compréhension à moins que ce ne soit intentionnellement pour faire réagir.Aucun doute qu'il n'y ait un effet de mode et que comme toute les étiquettes le mot zèbre est employé à toutes les sauces .Souffrir réellement d'une différence et voir un "psychothérapeute" adopter l'ironie pour traiter du sujet me conduit à me poser la question suivante : "c'est quoi un psychothérapeute ?"
J'adoore! C'est exactement ça: la vraie problématique n'est pas de savoir si on est zèbre, surdoué, hp... mais d'être heureux! L'article met dans une dynamique, " andiamo!", zoom sur ce qu'on fait de ce qu'on a ( et justement, Philippe, vous vous y connaissez en zèbre!!)
J'adoore! C'est exactement ça: la vraie problématique n'est pas de savoir si on est zèbre, surdoué, hp... mais d'être heureux! L'article met dans une dynamique, " andiamo!", zoom sur ce qu'on fait de ce qu'on a ( et justement, Philippe, vous vous y connaissez en zèbre!!)
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