J'adoooooooooooore l'Afriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiique !
Dans le message précédent, me laissant aller à mon poujadisme, je déclarais qu’aimer les films français nazes était un symptôme intéressant.
Il y en a un autre qui est d’aimer l’Afrique (l’Afrique noire). Attention, ne me faites pas dire que ce que je n’ai pas dit. On a tout a fait le droit d’aimer l’Afrique, ou l’Asie ou Salbris en Sologne, ou encore Foug en Meurthe-et-Moselle, je m’en fous. Après tout, moi j’adore bien Manhattan dans le Nevada.
Non, dans cet article je cherche à cerner une certaine manière d’aimer l’Afrique. Vous les avez sans doute entendus, ces crétins là, vous vanter les mérites de l’Afrique en vous assénant d’une voix presque sensuelle, chaude, suave et presque sucrée, sensée imiter la nature foisonnante du continent noir : « Ouahh, l’Afriiiiiiique, moi j’adooooore. ».
Si aimer l’Afrique n’est pas nouveau, aimer l’Afrique de cette manière là date des années noires du socialisme français. Agacé de ne plus pouvoir trouver un vrai prolo qui ait besoin de lui, le gauchiste au grand cœur s’est mis à chercher un nouveau prolétariat, qu’il a trouvé en Afrique. A défaut d’ouvriers vivant dans ces conditions sordides, notre nouveau socialiste, héritier des dames de charité du second empire, s’est entiché de l’africain qu’il a revêtu des habits du pauvre et de l’exploité. Mais comme notre socialiste new-age, souvent qualifié de bobo, aime les choses propres et consensuelles, il a fabriqué un africain de pacotille, sympa et consensuel, une sorte de Noir Banania dépoussiéré des relents colonialistes.
Pour le bobo qui « adoooore l’Afriiique », tout est devenu propre et lisse. Loin de connaître la richesse et la complexité de l’Afrique noir, notre socialiste nouveau s’est fabriqué son petit fantasme aisément maîtrisable, une sorte d’Eden, de paradis perdu. L’Afrique du bobo, c’est le monde avant la chute d’Adam, tout y est sympa, comme dans un voyage organisé par Kuoni. C'est surtout sa propre culpabilité de petit blanc fainéant qu'il tente d'endiguer en imaginant qu'il existerait sur terre un territoire pour lui.
L’Afrique est donc devenue une sorte de continent sans frontières, peuplé d’animaux sympas. Tellement sympas ces animaux que même Pierre Arditi, comédien socialiste, leur donne des noms dans les documentaires animaliers. Et puis, il y a les habitants, les Noirs qu’on peut classer en trois catégories. Les petits sont mignons, les adultes sont vraiment cools et hospitaliers, quant aux vieux, ils sont toujours sages. Pas mal non ce continent ?
Bien sur, n’importe quel individu censé sait que l’Afrique est un continent et que c’est plus complexe que cela. La vision africaine du bobo est aussi débile que si un africain imaginait une Europe unie avec des habitants tous semblables. Pourtant de Porto à Oslo, on constate que la réalité offre quelques différences, même teint en blond, Paulo ne ressemblera jamais à Bjorn.
Mais pour le bobo, pas de problème, son fantasme immature s’accommode fort bien d’invraisemblances. Il a aimé Amélie Poulain et le Grand Bleu alors il adore l’Afrique de ses rêves, ce continent sympa peuplé de gens cools et d’animaux gentils et où l’odieuse civilisation n’a pas encore tout fichu par terre.
Voici quelques années, mon filleul et moi, avions discuté avec une jeune femme bobo, vivant dans mon quartier et que je connaissais un peu car nous fréquentions le même estaminet. Elle revenait d’Afrique, d’une horrible petite dictature sanguinaire que tous ses habitants rêvent de fuir quitte à mettre leur vie en danger en prenant la mer sur des rafiots. Mais elle n’avait rien vu de tout cela. Pas de crimes, pas de corruption, pas de drames, non rien que des paysages sympas, avec des gens cools qu’elle avait d’ailleurs pris en photo. Elle nous avait bien sur montré ces photos d’inconnus et j’en avais ressenti un certain malaise. Je trouvais étonnant que cette jeune socialiste se permette de prendre des inconnus en photo. Je m’imaginais moi à la place de ces africiains, photographié comme un animal curieux par un quelconque touriste riche, un suisse par exemple, qui aurait ensuite montré ma tête à d’autres inconnus. A force d'être stupide, le bobo ne se rend même plus compte de son inconvenance.
Pour le bobo, le Liberia par exemple, ce sera toujours les plages immenses qui bordent l’Atlantique, l’artisanat, l’hospitalité et la nature sauvage. Si vous leur parlez de Charles Taylor le roi de la machette, soit ils ne le connaitront pas, soit ils lui trouveront des excuses du type « c’est la faute des américains » car pour le bobo, le fantasme de l’Afrique vierge et sauvage doit rester indemne. Le bobo déteste les américains mais pour lui l’Afrique restera toujours aussi belle que dans Hatari de Howard Hawks.
C’est pour cela que quand j’écoute mes patients et que l’un d’eux me dit d’une voix énamourée et entendue, comme si je ne pouvais absolument pas penser le contraire : « j’adoooore l’Afriiiiique », je prends peur. Je sais que j’ai en face de moi un enfant innocent monté en graine, une sorte d’adolescent un peu concon et que, quelque soit son problème, il y aura du boulot.
Si je sais m’adapter à la culture de mes patients, qu’ils aient un CAP ou soient sortis majors de polytechnique, j’ai toujours du mal avec l’immaturité. Construire sur du sable n’est pas facile et la greffe de cerveau n’est pas encore au point.
1 Comments:
pas de bras, pas de chocolat ;))
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