15 septembre, 2007

Easy listening et secrets du métier !


Merde, tout à l'heure j'étais en train de comater devant la télévision, tant et si bien que je me suis endormi. Mon épouse vaquait à ses occupations, tandis qu'avachi tel un vieux sac, je ronflais. Vous admettrez que c'est beau la vie conjugale. Sachant que je devais me lever tôt pour un samedi matin, je décide que plutôt que de traîner telle une larve, je ferais mieux d'aller me coucher. Mon programme était déjà établi. Au pieu, avec un bon polar et je me serais endormi du sommeil du juste comme un gros bébé.

Mais, bien sur, plutôt que de faire cela directement, je me suis dit que je pourrais aller modérer mes commentaires. La suite, vous la connaissez, je ne sais pas par quel raisonnement tortueux, j'en suis arrivé à cela, toujours est-il que de fil en aiguille, je me suis retrouvé à écrire l'article précédent traitant de diététique. Tant et si bien que le sommeil m'est passé. Je me suis foutu au pieux et là, impossible de m'endormir. Je lis, je somnole et me dis que je ferais mieux de me lever. Je pourrais aussi allumer et lire mais bof. Je me dirige droit à mon bureau vers mon PC allumé h24.

Qu'est-ce que je pourrais vous raconter ? Tiens si, quelque chose qui m'a marqué. L'autre soir, en arrivant chez Bobo avec mon épouse. Ce que je veux dire, que c'est moi qui arrive avec mon épouse chez Bobo, et non ce dernier qui m'attendait avec elle chez lui. Donc pas d'histoire salace derrière tout ceci. D'ailleurs, je n'écris pas pour vous entretenir de mes affaires conjugales qui se portent très bien merci.

Alors, nous entrons et nous faisons la bise à Bobo. C'est drôle parce que j'ai noté qu'on se faisait la bise entre potes ! Finies les poignées de mains viriles, non comme les filles on se lèche la pomme. Soit on des mecs super sensibles, acceptant leur part féminine, comme on dirait dans un séminaire pseudopsy à tendance new-age, soit on est de gros homos refoulés comme diraient les confrères psychanalystes mal intentionnés qui voient du cul partout. Tant qu'on parle pas maquillage, ça va, y'a pas à s'inquiéter.

Ensuite, on s 'assied dans le salon dudit Bobo, et on se demande des nouvelles des uns et des autres. Et puis, on commence à tiser tranquille en piochant dans les petits raviers où sont disposés des amuse-gueules. Et là, mon oreille musicale aiguisée, saisit quelques harmonies. C'est sympa, ça sonne bien, les sont arrangements luxueux late sixties, beaux cuivres, jolis accords plaqués sur un Steinway et puis, la voix au vibrato parfait de Dionne Warwick, que je reconnais enfin. Je trouve cela amusant que Bobo, écoute ce genre de musique puisqu'il est guitariste de rock, un vrai qui fait des super moulinets avec sa guitare.

Les morceaux s'enchaînent sur la B&O, les voix changent mais je retrouve toujours ces même arrangements luxueux. D'un coup d'un seul, je lui dis : "Mais Bobo, ne serait-ce pas une compil' Burt Bacharach que tu nous passes là ?". Il opine du chef, signifiant par là, que je ne me suis pas gouré. Il est aussi surpris que je connaisse que je le suis de savoir qu'il écoute cela. Mais à tout réfléchir, je ne suis pas surpris. En musique, il ya les beaufs sectaires qui n'ont jamais touché un instrument ni jamais composé, et ceux qui sont un cran au dessus, voire des tas de crans au dessus : ceux qui savent.

Les premiers, les nazes, sont à la musique, ce que les buveurs d'étiquettes sont au vin, si c'est connu et recommandé par je ne sais quel blaireau médiatisé, ils adoreront, sinon ils rejetteront en se moquant grassement. Une piquette servie dans une bouteille où y'aurait écrit Château-Margaux, et les voilà qui se délectent. Les autres, les mélomanes, les vrais, ont une oreille plus technique et savent, faire fi des clivages et des querelles de chapelles, pour immédiatement savoir reconnaître une belle mélodie, une belle harmonie, de beaux accords, en bref du bon boulot, quelque soit le genre musical. Après savoir si c'est du rock ou pas du rock, on s'en tape, si c'est bien, ça suffit. Le vrai mélomane à une oreille transversale ! Et il détecte immédiatement les usurpateurs pour adolescents débiles genre Kyo.

En l'occurence Burt Bacharach est sans doute le pape du Easy Listening qui désigne des musiques calmes, mélodieuses et élégantes. A ce titre, rappelons que "easy listening" est plus un adjectif qu'un genre musical particulier. On trouve des morceaux qualifiables de easy listening dans pratiquement tout genre de musique, puisque c'est une manière de composer, une tonalité spécifique qui teinte une compo d'accents graves et doux.

Ce style est avant tout une manière d'arranger, et le vrai pro saura même transformer un morceau des Sex Pistols en easy listening. C'est aussi l'époque des abus des grands orchestres aujourd'hui disparus, Mauriat, Mantovani, Caravelli, James Last, Percy Faith, etc., qui dénaturaient parfois le easy listening pour en faire de l'elevator music ou "musique d'ascenceur", à grands renforts de violons sirupeux. L'oreille exercée reconnait tout de suite le vrai easy listening, c'est une mise en place parfaite, servie par des professionnels qui n'en font pas des tonnes. Rien ne dépasse, tout est parfait. C'est la grande époque des compositeurs dotés d'une formation académique de chef d'orchestre.

Alors le gars Bacharach, Burt de son petit nom, nait aux USA en 1928, à Kansas City. C'est un compositeur prolifique, que tout le monde connait sans le connaître vraiment. Le roi de la pop luxueuse et chiadée, très typée late sixties, quand le monde était encore tranquille avec chaque chose à sa place, des chanteuses bien coiffées, des chanteurs aux vestes à paillettes, et cela se ressent dans sa musique. Moi cela me rappelle des souvenirs, puisque j'étais tout petit, mais ces ritournelles se sont gravées dans ma tête.

Donc, même si ce message n'a rien à faire dans un blog intitulé "Psychothérapeute", moi je vous le dis, il faut redécouvrir Bacharach, car l'écouter, c'est comprendre accéder à un pays où, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Et bien sur j'emmerde ceux qui seraient tentés de qualifier ce genre musical de musique d'ascenseur ou de elevator music pour les bilingues. C'est qu'ils n'ont pas compris la différence entre la classe et l'arrivisme.

A ceux qui me demanderaient :
"Comment faites-vous pour écrire aussi bien Maître, pour jour après jour, trouver de nouvelles idées d'articles qui nous enchantent, nous transportent de joie, et nous permettent d'oublier la laideur du monde ?".

Je répondrais :
"Alors là, petit gars, il y a le talent et ça on n'en a ou pas. Et là, je suis catégorique, on ne transforme pas un âne en cheval de course. Et puis il y a les conditions dans lesquelles le génie oeuvre. Et moi, pour l'ambiance musicale, j'ai choisi easy listening. Mais laissez-moi en paix car je sens que le sommeil me gagne, aussi vais-je me recoucher."


"I say a little prayer for you" Dionne Warwick