11 novembre, 2007

11 novembre !


Aujourd'hui, onze novembre, nous commémorions l'armistice de 1918 qui mit fin à près de cinq années de guerre avec l'Allemagne.

J'ai raccompagné une amie à la gare et sur le chemin du retour, j'ai écouté différentes stations de radio avant de me fixer sur France Info, radio bobo-gaucho. A leur manière, ils commémoraient aussi l'armistice en parlant de la guerre en général mais de celle dont on commémorait l'armistice. Il s'agissait d'une émission au cours de laquelle, une chroniqueuse présentait des ouvrages destinés aux enfants et adolescents et traitant tout de même un peu de la guerre.

Pas une seule fois, l'histoire de cette guerre, pas plus que la souffrance de nos chers poilus ne furent évoquées. Dans le monde nouveau, soumis à l'effroyable dictature du Bien, il y a la guerre, sans plus, une sorte d'abstraction immatérielle, dont on rabâche qu'elle est vilaine, sans en parler précisément.

L'un des livres présentés, comme le soulignait la chroniqueuse, s'est même payé le luxe de traiter de ce sujet en l'illustrant uniquement de photographies dues à l'agence Magnum. La chroniqueuse semblait ravie que la couverture de cet ouvrage soit ainsi illustrée d'une photographie représentant le jeune chinois face aux chars de la place Tien an Men le 4 mai 1989. Elle rajouta immédiatement que le conflit Américano-irakien était aussi fort bien représenté.

Donc, je suis rassuré, personne n'oublie la Grande guerre, toutefois, cette dernière ne semble plus très médiatique. C'est vieux, pas très glamour et cela montre d'une manière détestable qu'un état est capable de faire tuer vos gosses en les envoyant se battre contre un pays, qui deviendra notre meilleur ami quelques dizaines d'années plus tard. En bref, cela démontre trop que la guerre ne présente généralement aucun sens, si ce n'est peut-être pour ceux qui ne se battent jamais, ceux de l'arrière. La guerre, telle que l'illustre celle de 14-18, c'est un peu comme les impôts et la sécu, il y a ceux qui raquent et ceux qui en profitent.

Nos pros de l'événementiel, préfèrent donc occulter les grands bains de boue de Verdun, pour promouvoir des conflits plus consensuels parce qu'ils illustrent l'affrontement entre le Bien et le Mal, sans prêter à confusion et pervertir les esprits. On n'oublie pas la guerre, on explique juste du bout des dents que c'est humain et pas joli-joli, mais en montrant que parfois c'est nécessaire. D'ailleurs, ces mêmes professionnels, lorsqu'ils font des films sur la grande boucherie, parviennent toujours à nous épargner l'horreur brutale pour aborder l'événement via des psychodrames comme La chambre des officiers ou Un long dimanche de fiançailles. Ca permet aux gauchos et aux femmes de regarder un truc sur la guerre sans trop s'emmerder ou être choqués.

Mais le meilleur, c'est lorsqu'ils parviennent carrément à parler de la guerre de 14-18, en faisant oublier les combats, pour se concentrer sur des épiphénomènes telle les rarissimes fraternisations comme dans les films La Tranchée de l'espoir, ou Joyeux Noël ! Et lorsque décidemment on se risque à parler du conflit, on se recentre aujourd'hui sur les soldats fusillés, transformés en nouveaux héros ou en uniques victimes du conflit, alors que ces pauvres gars sont instrumentalisés quatre-vingt-dix ans après leur mort. Mais rien pour les autres, ces pauvres types, arrachés la plupart du temps à leur travaux des champs, qui se sont tapé cinq années d'horreur sans broncher.

Le monde nouveau est vraiment très fort, très habile. A Verdun, on a donc nous voulu nous faire croire qu'il y avait eu des dizaines de milliers de morts. Encore quelques dizaines d'années, et des livres d'histoire revisités par l'Empire du Bien, affirmeront, que certes, même s'il y eut quelques pertes à déplorer, notamment parce que des salauds de généraux faisaient fusiller de braves soldats, ou d'envoyer à la mort nos pauvres troupes coloniales, dans les faits, les batailles furent surtout l'occasion de fraterniser entre français et allemands, à l'instar d'un gigantesque échange culturel. Festif et culturel, tout noir ou tout blanc, lisse et sans saveur, voilà ce que notre monde aime. Même la mort est moins effroyable que le monde qu'ils nous offre.

Ayant lu pas mal d'ouvrages sur le sujet et, entendu dans ma prime jeunesse des anciens de Verdun ou de la Somme en parler à demi-mots, j'ai eu une pensée émue pour ces pauvres poilus, qui décidemment sont vraiment morts pour rien.

Sans doute trop fatigué après avoir trop bu lors de la grande nuit de la fraternisation franco-allemande de Verdun, ce jeune caporal de 21 ans prend du repos dans une tranchée devant le fort de Douaumont !

De les tranchées adverses, la fête a aussi fait ses victimes. Hans et ses amis, semblent dormir d'un sommeil de plomb après cette fraternisation trop arrosée de schnaps !

Verdun, sur les conseils d'un de leurs potes, manager en événements culturels, des rigolos du 63 RI se déguisent en squelette !

6 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Salauds de jet setteurs pas cap de se tenir après l'Hallowe'en Party !! Y s'ront condamnés à faire leur rehab au musée des armées !

11/11/07 9:37 PM  
Anonymous Anonyme said...

A propos des fusillés de la Grande Guerre, je vous recommande l'excellent ouvrage du général André Bach, ancien directeur du Service historique de l'armée de terre: "Fusillés pour l'exemple, 1914-1915" chez Tallandier.

Loin des clichés constamment rebattus sur ce sujet, l'auteur y explique que ses recherches l'ont amené à découvrir, à sa grande surprise, que ces exécutions ont été loin d'être l'apanage de l'année 1917, que toutes les catégories, y compris les officiers, ont été touchées, que ce phénomène est le malheureux aboutissement d'un processus initié sous la Restauration et que, dès la guerre terminée, le débat sur leurs justifications éventuelles était pleinement ouvert avec régulièrement, des réhabilitations officielles.

Cet ouvrage est un des livres de référence sur ce sujet. L'auteur qui, par son poste, a eu accès aux dossiers de la justice militaire, estime à 2400 le nombre de soldats condamnés à mort et à 600 le nombre d'exécutions effectives (à comparer au 8 millions de personnes mobilisées).

11/11/07 9:53 PM  
Anonymous Anonyme said...

A la tele Anglaise, ils ont passe un film francais (la vie et rien d'autre (?) avec Philippe Noiret).

Pas le meme point de vue.

12/11/07 12:02 PM  
Anonymous Anonyme said...

Dans une société où chacun a sa place,

- Clergé
- Noblesse
- Tiers Etat
- Peuple

la noblesse fait la guerre et se soumet à l'autorité spirituelle. La guerre de masse est incongrue.

Toju.


NB : La société hindoue, la société égyptienne, de même que toute société qui a traversé les siècles dans la stabilité, sont marqués par cette quadripartition. Chez les hindous :
- Brahmanes
- Kshatriyas
- Vaishas
- Shudras

12/11/07 4:19 PM  
Anonymous Anonyme said...

Philippe,

J'ai toutes les raisons de penser que cet article vous intéressera :

http://lactobacille.hautetfort.com/archive/2006/05/05/wilmotte-halter-le-mur-de-la-paix.html

12/11/07 6:02 PM  
Blogger Il Sorpasso said...

tellement vrai cette réduction des faits de guerre aux exceptions, bientôt, on nous dira qu'au fond tout le monde s'aimait et qu'ils ne savaient pas pourquoi ils se battaient...

12/11/07 6:39 PM  

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