30 avril, 2008

Morosité ambiante !

Hier, je lis dans le Parisien, que l'ADN de Bruno Cholet, violeur et meurtrier de la jeune suédoise aurait été perdu.

Depuis 1998, la France dispose d'un fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), créé pour les infractions sexuelles qui a été élargi en 2003 à d'autres types d'infractions. "Le fichier est aujourd'hui encombré car nous enregistrons de plus en plus d'empreintes. Il est nécessaire d'avoir de nouveaux moyens pour le faire et c'est inscrit dans la future loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure", précise Michèle Alliot-Marie. C'est tout de même un outil pratique pour les enquêtes non ?

L'ADN prélevé sur un individu est transmis à un laboratoire qui encode l'empreinte puis transmet sa numérisation au siège de la PTS (Ecully, Rhône), à laquelle il revient de la valider dans le fichier. "Un gros travail est actuellement mené pour, notamment, rendre plus rapide et plus fluide la transmission d'une trace", assure le ministère de l'Intérieur. Manque de pot, celui de Cholet s'est perdu. Comment ? Nul ne le sait.


Ce qui m'amuse, c'est qu'en lisant le journal, j'apprends qu'un haut fonctionnaire, occupant le poste de directeur de je ne sais quoi, au ministère de l'intérieur, s'est trouvé "embarassé" par la perte de cet ADN ! Tandis que la ministre Michelle Alliot-Marie "concède" qu'il y a "sans doute un dysfonctionnement".

J'adore le sens de la mesure dont font preuve nos fonctionnaires ou nos élus (ils sont souvent l'un et l'autre) pour s'absoudre de leurs fautes. On se montre "embarassé" et on "concède sans doute". Curieusement, le justiciable lambda lorsqu'il se fait arrêter pour des choses nettement moins graves, ne bénéficie pas d'autant de mansuétude.

Roulez à 51km/h au lieu de 50km/h ou sans ceinture, fumer dans un lieu public, autant de délits sans victimes, ne vous vaudront aucune bienveillance. Vous aurez beau expliquer que vous concédez que sans doute il ya erreur ou même vous montrer embarassé, les foudres de la loi s'abattront sur vous. Et pourtant, il ne s'agit que de d'infractions mineures. Dans les cas suscités, votre impéritie ne risque pas de retarder la capture d'un criminel abject.

C'est peut-être une des raisons de la morosité des français. Je ne suis pas assez bête pour imaginer que beaucoup de mes concitoyens fassent confiance à ceux qui nous gouvernent. Non, depuis trente ans au moins, il savent bien qu'ils sont médiocres.

Mais fut un temps, où l'on pouvait s'imaginer rétablir la balance. "Ils se foutent de nous, je vais faire pareil" pouvait penser celui qui dépassait les limites de vitesse sans vergogne. "Ils me niquent, je les nique", était capable de s'imaginer le vil fraudeur du fisc.

Aujourd'hui, à l'heure des fichiers informatiques, ces choses sont devenues de moins en moins possibles. Car si les fichiers ADN ne fonctionne pas, les autres, ceux nécessaires à la ponction pécuniaire fonctionnent bien, soyez en surs. Le plateau de la balance penche encore du côté du justiciable lambda tandis que l'élu et le haut fonctionnaire s'en sortent toujours. Bien sur, on nous explique qu'une enquête administrative a été diligentée.

Lorsque j'entends les termes "enquête administrative", je ne sais pas pourquoi mais c'est un vieux sketch de Coluche me revient en mémoire. Vous savez, celui où il explique qu'au bout de x avertissements, puis de x blâmes, Robert risque d'être dégradé mais qu'il s'en fout parce qu'il n'est pas gradé. Autant vous dire que l'enquête administrative me glace les sangs par ses conséquences terribles ! Par leur arrogance, leur incompétence, leur irresponsabilité persistante, leur insolence et leur cynisme, nos élites vérolées tendent chaque jour à composer une société de plus en plus ignoble et inégalitaire en droit.

Tandis qu'avant, on pouvait avoir l'illusion de contrôler l'environnement menaçant en se ménageant des plages de libertés, fussent-elles illégales ou illusoires, aujourd'hui, c'est de plus en plus impossible. L'environnement vous contrôle entièrement. Cette notion d'absence de contrôle de l'environnement, point central de l'expérience de Seligman sur l'impuissance apprise, explique que finalement, comme la grippe, le malheur s'attrape. La résignation apprise (learned helplessness) lorsque l'on est en face de stresseurs psychosociaux jugés incontrôlables pourrait être la voie royale permettant à la dépression de s'installer chez un individu.

Alors, face à cette ignominie, que faire sinon endurer encore et toujours ? On peut bien sur aller voir Bienvenue chez les ch'tis et s'imaginer que ce que l'on voit est vrai. Et si malgré tout, on sombre dans la morosité, on peut tenter de résister à l'aide de psychotropes. Et pour cela, on conviendra la France est généreuse et ne vous refusera jamais votre Prozac ou votre Effexor. La toxicomanie légale est une des libertés qui reste au citoyen.

On peut aussi tenter de devenir philosophe. Parmi les différentes voies, le stoïcisme, bien que très rigoureux et ascétique, offre sans doute la meilleure défense face à ces agressions. En pratiquant suffisamment, en se corrigeant, en maitrisant ses accès de colère, on apprend finalement à rester hors du monde. C'est ce qui ressemble le plus au bouddhisme (dont sont tellement friands nos chers bobos), mais cela ne nécessite pas de s'attifer comme un clown avec le crâne rasé, c'est plus pratique quand on a une vie sociale, ni même de soutenir l'indépendance du Tibet quand on s'en moque.

Et, à la la longue, on finit par ne plus s'étonner de rien et surtout pas des ratées et autres carembouilles de nos médiocres élus et de leurs sbires. On finit par les laisser à leur médiocrité crasse et à leurs bassesses sans cesse renouvelées. Mais, c'est difficile parce que de temps à autre, on a de furieuses envie d'en pendre un avec les tripes de l'autre. J'ai beau connaître presque par coeur le Manuel d'Epictète, je vous avoue que parfois je suis un peu .. agacé. Mais bon, même Jésus se mit en colère contre les marchands du temple.

Soyons clair, pour le stoïcisme, il faut certes de la pratique mais tout de même aussi de sérieuses aptitudes.