27 avril, 2008

Sombrez dans le vice avec modération !

"Maman et son bébé" : allégorie à la communication entre l'état et le citoyen !


On y avait le droit sur les paquets de clopes, sur les bouteilles d'alcool, dans n'importe quelle publicité vantant un aliment et maintenant, le jeu même n'est pas épargné. L'avertissement, le rappel à l'ordre, le ton sentencieux, et le conseil avisé sont partout !

C'est ainsi qu'en rédigeant mon article précédent, je me suis rendu sur le site du casino d'Enghien-les-Bains. A peine arrivé, vous êtes déjà assuré que vous êtes bien en France, patrie du maternalisme et de l'hygiénisme à vomir, pays où l'on s'occupe de vous de la naissance à la mort, et où l'on vous conseille pour tous les actes de votre vie.

Dans le menu gauche du site, vous êtes immédiatement averti que l'établissement, devenu lieu de convivialité, est bien sûr non fumeur et que vous pourrez aller soit vous droguer dans une cabine comme un pestiféré à moins de préférer la sucette offerte. Mais bon, face à la scélératesse de l'état totalitaire, l'établissement observe la loi et s'adapte comme il peut mais ses efforts sont louables, j'en conviens.

Le plus drôle est de constater qu'aujourd'hui les casinos font aussi dans le contrôle social et l'assistanat en prônant un "jeu responsable". Et là, c'est un morceau d'anthologie, puisqu'il est carrément indiqué sur le site que :

Le jeu, un loisir à consommer avec modération !

La politique du Groupe Lucien Barrière pour un jeu responsable, un engagement à long terme.
Nous sommes convaincus que le jeu est un loisir et qu'il doit le rester ; il est donc de notre responsabilité de continuer à renforcer notre programme de prévention à l'abus de jeu et la sensibilisation de nos équipes à cette cause. Cette responsabilité commence dès l'entrée de nos établissements par le contrôle d'identité obligatoire qui permet de mieux protéger les mineurs et les interdits de jeu, en leur refusant l'accès aux salles de jeux.

Aujourd'hui, notre engagement est également l'assurance pour tous nos clients de trouver dans nos établissements une personne formée et à l'écoute, en mesure de répondre aux questions en matière de jeu abusif.

De plus, nous collaborons avec des organismes sociaux et des associations spécialisées reconnues afin d'orienter au mieux les clients qui le souhaitent ; nous nous impliquons aussi dans les différentes initiatives de l'administration et de la profession.

Souvenez vous : le jeu est un loisir à consommer avec modération !

Le premier paragraphe n'appelle aucun commentaire. Le jeu est interdit aux moins de vingt-et-un ans et aux interdits de jeux volontaires et il est normal que le casino surveille les entrées et leur interdise l'accès.

Le reste de la mise en garde est par contre surprenant puisque l'établissement nous explique qu'il collabore avec des "organismes sociaux" et des "associations". Qui sont donc ces organismes sociaux et ces associations, aurait-on envie de demander ? L'industrie du jeu ferait-elle allégeance aux bonnes oeuvres ? A quand le jeu gratuit alors ? C'est à dire, le jeu sans intérêt pour ... les joueurs !

Gageons qu'à la vitesse où la la France (et l'occident de manière générale) s'engage dans un hideux puritanisme, d'ici quelques années, chacun des casinos annoncera qu'une fraction des gains est reversée à une ONG quelconque. Et peut-être même, verrons-nous bientôt une plaque attestant que la roulette utilisée a été fabriquée à partir d'un bois ne provenant pas d'une forêt ancienne", les cartes réalisées à partir de papier recyclé ou que le tapis de jeu est en coton équitable.

Le point d'orgue est atteint avec la phrase de conclusion annonçant que chacun de nous doit se souvenir que le jeu est un loisir à consommer avec modération. Tout est dit dans cette unique phrase, cette incantation stupide. Comme si ce genre de mise en garde pouvait empêcher le joueur compulsif de s'adonner à son vice. Et puis, jouer avec modération, qu'est-ce que cela signifie quand il y a l'excitation de la partie et la rage de gagner ? Doit-on se dire, dans un coin de son cerveau de rester calme car tout ceci n'est qu'un jeu ?

Il n'y qu'à lire Le joueur de Dostoïewski pour le comprendre. Non, on est accro au jeu comme au sport. Un vrai joueur, tout comme le vrai sportif joue pour gagner, quelques soient les raisons inconscientes qui le poussent à cela. Les joueurs se ruinent au jeu comme les vrais sportifs usent leur santé en pratiquant leur sport favori. Devra-t-on expliquer à nos athlètes de pratiquer modérément ?

Ceci dit, loin de moi l'idée de blâmer cet établissement puisqu'il semble cependant que cette initiative ne soit pas uniquement due au groupe Barrière, propriétaire du casino d'Enghien. Ainsi, deux autres propriétaires de casinos se penchent sur la santé mentale de leurs clients puisque le programme Adictel fonctionne chez Partouche, tandis que chez Moliflor, vous aurez le droit au programme Misez sur vous. Si vous pensiez être libre dans un casino, c'est raté. Sous son uniforme de croupier veille une assistante sociale qui vous a l'oeil.

S'agissant de ces groupes vantant "le jeu responsable", je ne sais pourtant pas si leur éthique nouvelle est due à une énième règlementation ou à un "simple conseil" de Bercy. Cependant depuis le 1er novembre 2006, les casinos sont tenus de contrôler l'entrée de toutes les personnes alors qu'avant, seules celles se rendant en salle de jeux étaient contrôlées, tandis que l'accès aux machines à sous ne l'était pas. Ce qui permettait aux mineurs et aux "interdits de jeux" de pouvoir jouer tout de même. Je trouve toutefois ce contrôle accru juste, sinon à quoi bon faire le nécessaire de se faire interdire de jeux.

Certains sites en ligne proposent même un test afin de déterminer si vous êtes un joueur compulsif ou non. Même notre célèbre Française des jeux est soumise à l'obligation de "prévenir les phénomènes de dépendance" en vertu d'un décret du 17 février 2006. Dans un rapport d'information du Sénat, l'un des fous qui nous gouvernent explique toutefois que :


"Quant au PMU, il lui faudrait, grâce à son excellente organisation, exploiter le fichier informatique rénové des interdits du ministère de l'intérieur pour leur interdire les paris PMU et PMH, que ce soit sur les hippodromes, les poins de vente ou internet.

Bien entendu, pour que cela se mette en place, il y faut une décision de l'Etat et une mise en réseau des fichiers et des points de vente : absolument rien d'insurmontable."

Il est certain qu'il n'y a rien d'insurmontable pour un bar-tabac-PMU à demander les pièces d'identité de tous les joueurs afin de vérifier s'ils sont majeurs et non interdits de jeu ! Il faut vraiment n'avoir jamais mis les pieds dans un PMU au moment des courses ! Ceci dit, je suis mauvaise langue car en embauchant un vigile chargé de filtrer les entrées dans le PMU la mesure devrait être applicable.


Certes, personne ne peut nier l'addiction au jeu et on pourrait admettre qu'une mention discrète mettant en garde contre les dangers du jeu compulsif en offrant les ressources d'une association spécialisée (adresse, site internet, téléphone, etc.) puisse être apposée dans les casinos. Il est aussi normal que les établissements imposent un contrôle très strict des entrées (mineurs et interdits de jeux).

Mais doit-on obligatoirement utiliser cette communication lénifiante et mièvre et toujours aller vers plus de contrôle social et de mise sous tutelle ? Comme si cela suffisait à calmer les ardeurs du joueur compulsif. Le jeu est tellement important que sur Second Life, les casinos avaient fleuri ce qui avait valu à Linden Labs une descente virtuelle du FBI !

La compulsion, et c'est bien le sens de ce terme, c'est plus fort que tout ! C'est d'ordre neurobiologique (dépression, hyperactivité, troubles bipolaires, etc.) et certainement pas moral ! Il n'y pas de dépendance stricto sensu au jeu, il n'y a que la dépendance, la vraie ! Pour ma part, je reste persuadé que la vraie dépendance, c'est la dépendance à la dépendance parce que c'est biologique.

Otez son héroïne à un héroïnomane et vous constaterez qu'il y a de fortes chances pour qu'il sombre dans l'alcool : c'est un fait avéré. Les dépendances fonctionnent comme des vases communicants ; il suffit de se débarrasser d'une pour tomber dans une autre.
On ne guérit jamais d'une dépendance, on ne fait qu'en troquer une mauvaise pour une bonne.

Il faut vraiment être dans un pays géré par des crétins pour croire que ce genre de mise en garde fonctionne.
En attendant, le poker explose en France et des parties privées et intéressées ont lieu dans des dizaines de milliers d'endroits chaque jour. A moins de fliquer le pays comme a pu l'être la RDA, je ne vois pas comment régler le problème. Faire peser plus de charges sur les exploitants du jeux (PMU, casinos, etc.) ne peut à terme que développer le jeu clandestin.

Et puis, posons-nous la question de savoir pourquoi le jeu explose ? Y-a-t-il une étude épidémiologique sur ce sujet . Pourrait-on voir un lien entre ce phénomène et le fait que notre pays détienne le triste record de consommation de psychotropes ? Lorsque l'on a une vie décevante, dans laquelle on se sent contrôlé par son environnement, le jeu est un moyen simple de tenter de s'en sortir. Dans un pays rongé par la sinistrose, on finit par croire que Bienvenue chez les ch'tis représente la vraie vie et que le salut passe par le poker ! On a les paradis artificiels que l'on peut !


Mais bon, rassurons-nous, incapables de changer le présent et de préparer l'avenir, nos gouvernants sont là pour nous assurer un ersatz de bonheur insoutenable, sorte de bouillie sucrée, indigeste et écœurante. L'état, devenu mère omnisciente, omnipotente, et castratrice, nous prévient dorénavant tous : "vous pouvez aller jouer les enfants, mais soyez sages !".

Souvenons-nous que seuls les enfants sages écoutent leurs parents, les autres n'en feront toujours qu'à leur tête. C'est la dure loi de l'addiction : n'en faire qu'à sa tête... ou plutôt qu'avec ce que l'on a dans sa tête.


Scoop : Dès 1947, Bugsy Siegel en avait fait son cheval de bataille !

4 Comments:

Blogger Sylvain JUTTEAU said...

Cf le guide de l'hygiénisme pour débutants :


http://www.hygienisme.org/

28/4/08 12:39 PM  
Blogger monoi said...

Ce que je trouve le plus enervant, c'est l'hypocrisie ambiante.

Comme si le groupe Barriere en avait vraiment a foutre, alors que leur business c'est de faire tourner des casinos.

La responsabilite c'est bien quand c'est celle des autres.

29/4/08 12:02 PM  
Anonymous Anonyme said...

"A moins de préférer la sucette offerte."

Aaaaaah? On peut se faire sucer, au casino d'Enghien? J'espère que c'est des pipes équitables, au moins. Et durables, tant qu'à faire. Et solidaires! Solides, quoi.

29/4/08 2:23 PM  
Blogger philippe psy said...

Robert, n'oubliez pas que ce sont les fumeurs qui sucent et non l'inverse ! Donc c'est à vous que l'on proposera de sucer ... une sucette.

29/4/08 5:29 PM  

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