13 mars, 2009

De l'utilité de la cigarette dans le processus de reconnaissance !

Fumer tue bien sûr !

Voici quelques années, un médecin que je connais bien m'expliquait combien l'attitude d'un de ses patients l'avait attristée. après être venu la consulter pour de graves problèmes de toxicomanie, il l'avait laissée tomber une fois traité pour aller consulter un confrère près de chez lui. Il était parti comme cela. Il avait disparu, sans un merci, sans l'avertir de quoi que ce soit, une fois traité. Elle ne cessait de me répéter : "tu te rends compte, après tout ce que j'ai fait pour lui ? Ce n'est vraiment pas sympa ".

Je comprenais sa tristesse parce que c'est sans doute le meilleur médecin que je connaisse. Dès que j'ai un cas un peu complexe, une personnalité un peu difficile, c'est à elle que je fais appel.

Je lui avais ensuite expliqué qu'il ne fallait rien attendre de nos patients au-delà des honoraires que nous percevions pour remplir notre obligation de moyens. Tout ceci est un peu rigide mais c'est la réalité. Quoique nous fassions, nous ne sommes que des prestataires de services et la plupart des personnes nous consultent comme tels. C'est un phénomène assez connu . "Quand on va mal, on apprécie la douceur de l'infirmière mais quand on va mieux, on ne se souvient que de la douleur des piqûres" dit un proverbe, et c'est assez vrai.

Personnellement, je n'ai pas à me plaindre car j'ai une clientèle assez sympa à 99%. Pourtant, quelle que soit l'affection que je puisse avoir pour eux, je n'oublie pas que ce sont des patients que je vois dans le cadre d'un travail rémunéré et non des amis. Une fois traités, je sais que je ne les reverrai plus. Autonomiser les gens est d'ailleurs l'essence de ma fonction. Mon but n'est pas d'accrocher les patients pour en faire des amis.

Cela peut arriver avec certains parce que nous partageons autre chose que l'alliance thérapeutique, une certaine manière de considérer la vie et des valeurs. Cela reste assez rare et concerne sans doute un pour mille des patients. Ceux-là, une fois le "travail" fini, et un peu de temps passé, j'aurais toujours du plaisir à les revoir en dehors du cabinet.

C'est assez curieux et bien des confrères hurleraient à cette idée, mais cela ne me choque pas de voir quelqu'un que j'aie pu connaitre en thérapie. Comme je pratique des thérapies comportementales et cognitives, je décourage le transfert et le contre-transfert. La relation thérapeutique que je peux avoir avec les patients n'est donc en rien comparable avec celle qu'un psychanalyste pourrait avoir. L'idée que j'ai de ma fonction est plus celle qu'aurait un professeur de piano. Aller mieux s'apprend, j'en suis persuadé. Et rien n'empêche un prof' de piano de fréquenter certains des élèves avec lequel il a beaucoup d'affinités à l'extérieur du conservatoire.

Voilà à peu près où j'en suis. Une fois les honoraires payés en contrepartie du travail que j'éffectue, je n'attends rien des patients. Cela s'appelle ne pas être dans la "toute puissance" dans mon métier. Le contrat étant clair, je ne risque pas d'être déçu ! Si je décide d'en faire "plus", c'est de ma responsabilité et parce que je le veux bien et non dans l'espoir d'avoir "plus" de la part du patient. Il m'est arrivé de recevoir gratuitement des paumés. C'était mon choix et je n'attendais rien en contrepartie.

En revanche, parfois je suis agréablement surpris par la reconnaissance de certains. Ainsi, voici quelques temps, je reçois une patiente venue exprès de province pour me voir parce qu'on lui a dit beaucoup de bien de moi. C'est une femme plus très jeune et très anxieuse avec qui le contact s'établit parfaitement. Un cas finalement assez simple malgré ses symptômes importants. Elle repart manifestement contente et rassurée. Je lui ai donné les coordonnées d'un médecin qui pourra lui prescrire un traitement adapté.

Deux semaines après, elle me demande si j'aurais cinq minutes pour elle. Elle me dit que bien sûr elle me paiera des honoraires. Comme elle de gros problèmes d'argent, je lui dis que je ne vais rien prendre pour cinq/dix minutes de mon temps. Rendez-vous est fixé pour cet entretien téléphonique. Tout se passe parfaitement bien et nous raccrochons au bout d'un quart d'heure.

J'ai oublié cet épisode quand voici une semaine, je reçois un courrier. Manuscrit, ce qui est rare de nos jours, il a été rédigé par cette patiente. Il commence par "Je tenais à vous remercier très chaleureusement pour les conseils et le temps que vous m'avez accordés".

Et se termine par :
"Encore merci docteur X, je suis contente que mes amis m'aient permis de rencontrer des personnes rares comme vous et le docteur Y. Votre simplicité et votre chaleur me touchent droit au coeur. Le style de votre cabinet, le thé que vous m'avez offert et une cigarette contribuent à rendre les choses plus simples et plus humaines... Avec toute ma reconnaissance"

J'ai beau jouer les blasés et me dire que je n'attends rien d'autres que mes honoraires, je pense que chaque fois que j'ai donné de mon temps gratuitement c'était aussi pour avoir l'occasion, fut-elle rare, d'avoir un peu de cette reconnaissance. Il est gratifiant de rencontrer parfois des gens qui comprennent que ma pratique est un peu différente de celle de la plupart de mes confrères. Mais je garde la tête froide et ne me reconnais pas le droit d'exiger quoi que ce soit.

Et puis, vous aurez noté que si la cigarette est nusibile pour la santé, elle reste toujours le symbole d'un moment fort de sympathie que l'on partage. Les pneumologues et les psychologues ne seront décidement jamais d'accord sur les bienfaits du tabac.

5 Comments:

Blogger Laurent said...

Je partage entièrement vos positions à l’égard du tabac (cf tous les articles que vous avez postés à ce sujet). C’est un peu enrageant de constater que quelqu’un, en l’occurrence vous, me « pique » mes idées. Et pas seulement en ce qui concerne le tabac : vous formulez bien et de façon fort intéressante ce que je n’aurais pu qu’ébaucher (et puis… je n’ai pas de blog). Plus sérieusement, je note que l’affreux libertarien que vous êtes, aristocrate teigneux, est capable de désintéressement – du moins financier. Et là, j’y vois encore la confirmation de ce que seule une organisation libérale de la société, dans laquelle l’Etat matriarcal ferait place à une responsabilisation des individus, permet l’altruisme. Bon, j’aurais du mal à développer mais je tenais juste, par cette petite incursion, à vous dire combien vos réflexions, coups de gueule et autres incartades sont salutaires. Je sais, ça fait un peu lèche-boules comme vous dites. Je crois être sûr d’une chose cependant : il y aura plein de petits malins piquant allègrement vos écrits et infoutus de vous témoigner la moindre reconnaissance. Moi je ne suis pas trop malin mais je reconnais que vous m’apprenez plein de choses.

18/3/09 12:49 PM  
Blogger Unknown said...

en gros tu nous dis que si on te gratte derrière l'oreille tu ronronnes
rien d'original
a+

18/3/09 9:08 PM  
Anonymous Anonyme said...

j'avais mis un com sur le transfert et son évacuation, mais apparemment il a été mis aux chiottes.

20/3/09 10:09 PM  
Anonymous Anonyme said...

La question est comment mettre le transfert et le contre transfert de côté, si les deux existent ?

Un peu comme la gravitation ne peut être découragée puisque incontournable.

Je pensais, non psy que je suis, que le transfert était découragé par le contre transfert puisque les analystes parlent d'analyse du transfert.

21/3/09 8:24 PM  
Blogger claudia13013 said...

Conviviale cigarette...

Maitenant, cette première cigarette a le goût nostalgique des petits matins. Les volutes de fumée s'étirent au-dessus de la table solitaire sur ce trottoir, suivant les chemins tortueux de mon esprit.

Avant… il y a eu un avant… avant on discutait au troquet devant son café, sa cigarette à la main, on refaisait le monde… ensemble… entre fumeurs et non-fumeurs.

Depuis LA Loi, les yeux dans le vague, je bois ma première noisette de la journée. Elle laisse à chaque gorgée, cette amertume troublante, que je déteste et aime en même temps. Amertume pleine de nostalgie des temps heureux où je n'avais pas encore de grandes décisions à prendre devant mon petit noir, de choix à faire pour participer à la vie politique de ma cité, et de raison à garder pour soutenir les collègues ou les amis…

Les souvenirs insouciants explosent en myriades d'images fugitives, intemporelles, impalpables.

La nicotine envahit mes artères et me donne un sentiment d'apaisement qui vient conforter mon esprit las. Lasse, je le suis. Une dernière bouffée de parfum virtuel aux fragrances d'absence d'avenir, de manque d'allant, d'espoir.

Alors, une dernière gorgée cafeinée… et les traces de mon passé coulent dans mes veines, faisant chavirer mon cœur un bref instant.
Puis j'écrase mon mégot sur le trottoir, dans le tumulte de la vie de la rue qui reprend ses droits.

22/3/09 1:22 PM  

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