Le simplet et les gros vilains !
Tous les vendredis, en fin de journée, j'apporte mes chèques à la banque et ensuite je vais dans mon petit rade favori où j'ai fini par connaître un peu tout le monde. J'ai plus d'affinités avec certains bien sûr, mais comme j'ai le contact assez facile, je serre des tas de mains.
Il y en a un assez rigolo. Un tout petit gars âgé d'une vingtaine d'années qui semble un peu simplet. Il a une drôle de tête rigolote avec de grosses lunettes et un sourire perpétuel accroché aux lèvres. S'il n'est pas trisomique 21, il n'a pas l'air très clair non plus. Il pourrait être trisomique 20 si ça existait !
En tout cas il possède une grande habileté dans l'alcoolisme puisqu'il descend whisky après whisky. Je suppose que sa paye passe là-dedans. Mais bon, je suppose que c'est un de ses rares plaisirs. Et puis, il est content parce que tout le monde lui parle, nous on est gentils avec lui. Alors c'est sûr que son foie rendra grâce tôt ou tard mais au moins il se sera moins fait chier que s'il était resté à faire des puzzles dans son appartement thérapeutique. D'ailleurs, je ne suis même pas sûr qu'il soit capable de faire un puzzle ou alors un truc de dix pièces seulement.
Il y en a un assez rigolo. Un tout petit gars âgé d'une vingtaine d'années qui semble un peu simplet. Il a une drôle de tête rigolote avec de grosses lunettes et un sourire perpétuel accroché aux lèvres. S'il n'est pas trisomique 21, il n'a pas l'air très clair non plus. Il pourrait être trisomique 20 si ça existait !
En tout cas il possède une grande habileté dans l'alcoolisme puisqu'il descend whisky après whisky. Je suppose que sa paye passe là-dedans. Mais bon, je suppose que c'est un de ses rares plaisirs. Et puis, il est content parce que tout le monde lui parle, nous on est gentils avec lui. Alors c'est sûr que son foie rendra grâce tôt ou tard mais au moins il se sera moins fait chier que s'il était resté à faire des puzzles dans son appartement thérapeutique. D'ailleurs, je ne suis même pas sûr qu'il soit capable de faire un puzzle ou alors un truc de dix pièces seulement.
Vendredi dernier, un drame est survenu dans ce café. L'une des habituées, une septuagénaires discrète qui vient vider quelques rosés est sortie et est tombée. Ca s'est passé très vite. Elle s'est retourner pour saluer quelqu'un, son talon a accroché une aspérité sur le trottoir et elle est partie en arrière. Elle est tombée de tout son long. Je l'ai regardée tomber sans rien faire, j'ai juste entendu son crâne cogner durement contre le bitume de la chaussée.
Lorsque je me suis approché, je l'ai crue morte. Elle avait les yeux ouverts, et une rigole de sang s'écoulait de son crâne. Un bon copain me hurlait de faire quelque chose mais je lui ai dit que je n'étais pas médecin. J'ai gardé mon sang-froid et j'ai appelé les pompiers. Faire le 18 était tout ce que je pouvais faire.
Un autre copain, pharmacien de profession, s'est occupé d'elle car il a son BSR. Il nous a alors demandé un manteau pour la couvrir. Et là, silence total. Je regarde ceux qui sont dehors et personne ne bouge. Le copain ingénieur du son ne moufte pas, un autre DG d'une grosse PME regarde le ciel, un avocat fixe ses chaussures. Quant à moi, je ne réagis pas plus à cette demande, me disant que j'ai déjà donné puisque j'ai appelé les pompiers. Aucun de nous n'a envie de salir son beau manteau !
Tant et si bien que c'est notre ami Simplet qui ôte son pauvre blouson pour couvrir cette malheureuse femme. Et le voici en t-shirt dans l'air frais de la soirée tandis que les pompiers tardent à arriver. Il ne le récupérera qu'une heure après sans se plaindre. Il sourit toujours.
Après le départ de l'ambulance des pompiers, je parle un peu de notre comportement à mes copains. Tous se sentent un peu minables car effectivement, chacun de nous attendait que l'autre se dévoue ! J'avance l'hypothèse selon laquelle Simplet, dans son innocence s'est révélé bien plus humain que nous, malgré notre intelligence. Chacun l'admet, trop content d'évacuer sa culpabilité en rendant hommage à Simplet. C'est une manière de célébrer l'idiot et sa touchante gentillesse dénue de tout calcul.
Tout le monde semble d'accord quand tout à coup, je casse cette belle unité. Ces abrutis en ont presque les larmes aux yeux, tout contents qu'ils sont de s'abaisser face à l'idiot pour se soustraire à leur mauvaise conscience. Je leur dis que ce sont vraiment des idiots parce que si Simplet a donné son blouson, c'est justement parce qu'il lui manque ce qui nous caractérise, nous les "normaux" : la capacité d'anticipation.
Là où nous avions vu un enchainement de faits, manteau tâché sur la chaussée par le bitume et le sang, pressing, coût du pressing, temps perdu, etc., lui n'avait rien anticipé.
Nous ne sommes pas plus des salauds qu'il n'est un saint, nous ne sommes victimes que de ce que nous sommes. Intelligents, nous avons anticipé les conséquences de notre acte tandis que notre camarade simplet, n'a obéi qu'à sa frustre génétique qui le rend incapable d'envisager les conséquences complexes de ses actes.
Le vrai saint aurait été celui qui comme nous aurait été doté d'une intelligence normale, mais serait passé outre, pour aider cette femme, quitte à assumer les conséquences de son acte (pressing,tc.). Il n'y en avait pas ce soir là.
D'ailleurs, les évangiles ne célèbrent pas les "simples d'esprit" mais les "pauvres en esprit". Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux leur appartient" écrit Mathieu (5.3). Il s'agit non de célébrer la crétinerie mais simplement ceux, qui éloignant l'orgueil, ont une attitude suffisament humble pour se soumettre à Dieu.
Mais fort heureusement ce soir là, à défaut de véritable "pauvre en esprit" il y avait Simplet. Et comme j'ai malgré tout apprécié son geste, je lui ai offert un whisky. Pas terrible pour son foie, mais il était super content !
De toute manière, je ne suis pas sûr qu'un livre lui aurait fait énormément plaisir. Et puis à défaut de sacrifier mon manteau, j'ai un peu dilué ma culpabilité en lui payant le coup.
Et puis, et puis, merde ! C'est tout de même moi qui ai appelé les pompiers non ?! Je n'ai pas été complètement nul sur ce coup ! Je me souviens encore de leur tronche à tous quand cette pauvre femme était par terre. Ils se regardaient tous pour savoir qui appellerait le premier. Et c'est moi qui l'ai fait. Alors l'autre pouvait bien filer son manteau, chacun son tour !
Etre un héros en passant un coup de fil, je pouvais encore. Devenir un super héros en filant mon manteau, ça aurait blessé mon humilité.
J'ai préféré partager l'héroïsme ! Je ne suis peut-être pas loin de la sainteté ...
Lorsque je me suis approché, je l'ai crue morte. Elle avait les yeux ouverts, et une rigole de sang s'écoulait de son crâne. Un bon copain me hurlait de faire quelque chose mais je lui ai dit que je n'étais pas médecin. J'ai gardé mon sang-froid et j'ai appelé les pompiers. Faire le 18 était tout ce que je pouvais faire.
Un autre copain, pharmacien de profession, s'est occupé d'elle car il a son BSR. Il nous a alors demandé un manteau pour la couvrir. Et là, silence total. Je regarde ceux qui sont dehors et personne ne bouge. Le copain ingénieur du son ne moufte pas, un autre DG d'une grosse PME regarde le ciel, un avocat fixe ses chaussures. Quant à moi, je ne réagis pas plus à cette demande, me disant que j'ai déjà donné puisque j'ai appelé les pompiers. Aucun de nous n'a envie de salir son beau manteau !
Tant et si bien que c'est notre ami Simplet qui ôte son pauvre blouson pour couvrir cette malheureuse femme. Et le voici en t-shirt dans l'air frais de la soirée tandis que les pompiers tardent à arriver. Il ne le récupérera qu'une heure après sans se plaindre. Il sourit toujours.
Après le départ de l'ambulance des pompiers, je parle un peu de notre comportement à mes copains. Tous se sentent un peu minables car effectivement, chacun de nous attendait que l'autre se dévoue ! J'avance l'hypothèse selon laquelle Simplet, dans son innocence s'est révélé bien plus humain que nous, malgré notre intelligence. Chacun l'admet, trop content d'évacuer sa culpabilité en rendant hommage à Simplet. C'est une manière de célébrer l'idiot et sa touchante gentillesse dénue de tout calcul.
Tout le monde semble d'accord quand tout à coup, je casse cette belle unité. Ces abrutis en ont presque les larmes aux yeux, tout contents qu'ils sont de s'abaisser face à l'idiot pour se soustraire à leur mauvaise conscience. Je leur dis que ce sont vraiment des idiots parce que si Simplet a donné son blouson, c'est justement parce qu'il lui manque ce qui nous caractérise, nous les "normaux" : la capacité d'anticipation.
Là où nous avions vu un enchainement de faits, manteau tâché sur la chaussée par le bitume et le sang, pressing, coût du pressing, temps perdu, etc., lui n'avait rien anticipé.
Nous ne sommes pas plus des salauds qu'il n'est un saint, nous ne sommes victimes que de ce que nous sommes. Intelligents, nous avons anticipé les conséquences de notre acte tandis que notre camarade simplet, n'a obéi qu'à sa frustre génétique qui le rend incapable d'envisager les conséquences complexes de ses actes.
Le vrai saint aurait été celui qui comme nous aurait été doté d'une intelligence normale, mais serait passé outre, pour aider cette femme, quitte à assumer les conséquences de son acte (pressing,tc.). Il n'y en avait pas ce soir là.
D'ailleurs, les évangiles ne célèbrent pas les "simples d'esprit" mais les "pauvres en esprit". Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux leur appartient" écrit Mathieu (5.3). Il s'agit non de célébrer la crétinerie mais simplement ceux, qui éloignant l'orgueil, ont une attitude suffisament humble pour se soumettre à Dieu.
Mais fort heureusement ce soir là, à défaut de véritable "pauvre en esprit" il y avait Simplet. Et comme j'ai malgré tout apprécié son geste, je lui ai offert un whisky. Pas terrible pour son foie, mais il était super content !
De toute manière, je ne suis pas sûr qu'un livre lui aurait fait énormément plaisir. Et puis à défaut de sacrifier mon manteau, j'ai un peu dilué ma culpabilité en lui payant le coup.
Et puis, et puis, merde ! C'est tout de même moi qui ai appelé les pompiers non ?! Je n'ai pas été complètement nul sur ce coup ! Je me souviens encore de leur tronche à tous quand cette pauvre femme était par terre. Ils se regardaient tous pour savoir qui appellerait le premier. Et c'est moi qui l'ai fait. Alors l'autre pouvait bien filer son manteau, chacun son tour !
Etre un héros en passant un coup de fil, je pouvais encore. Devenir un super héros en filant mon manteau, ça aurait blessé mon humilité.
J'ai préféré partager l'héroïsme ! Je ne suis peut-être pas loin de la sainteté ...
11 Comments:
Quel gentleman ce petit simplet, ça me laisse toute pantoise ! tu me le présenteras ? je suis sûre de ne jamais mourir de froid avec lui !! et puis en échange, je l'aiderai à faire des puzzles d'au moins 20 pièces !!
Ah oui Laurence ! Justement je pensais à toi ... Je me disais qu'il ferait un gentil petit mari ! Tu le présenteras à tes parents. Ta mère l'adorera ! Par contre, fais attention qu'il ne se coupe pas avec les outils de ton père !
pour devenir un super heros monsieur Psy, il faut une cape. (et des collants... pas filés !)
^^
Bien vu... mais pas très optimiste tout ça...
Pourquoi faire ce biller si vous ne vous sentez pas encore coupable ?
Pourquoi a-t'on deux yeux? Pour voir le relief, pour mesurer les profondeurs.
La richesse d'un débat entre deux débatteurs sincères, c'est que les points de vue différents permettent une vue approfondie de la réalité. Un même point de la réalité est vu sous deux angles.
***
Dans l'histoire que vous exposez, je vois une réalité différente de la votre. Je vois un simplet qui a une hiérarchie des valeurs intacte, et je vois des hommes à la cérébralité hypertrophiée par la modernité. Cette hypertrophie masque et trouble la hiérarchie des valeurs.
La valeur de la vie est supérieure à la valeur du ticket de pressing. Ces deux valeurs, même si elles ont le même nom, recouvrent une réalité d'une nature différente.
Dans la modernité, le quantitatif l'emporte sur le qualitatif. Les différences de nature sont gommées au profit des différences de degré.
Toju.
Non Mr Jutteau, vous ne faites que projeter une perspective moraliste là où, pour ma part je ne vois que l'affrontement entre personnes capables d'anticipation et un brave type qui en est incapable.
Simplet a obéi à l'injonction "donnez vite un manteau !" et rien de plus. Il n'est pas meilleur que nous, il est tout aussi esclave de ses gènes.
Je trouve bizarre que vous soyez esclave de vos genes. J'aurais plutot pense que vous seriez capable de prendre du recul et d'apprecier, malgre votre anticipation de problemes mineurs, ce qui est juste et ce qui ne l'est pas.
En gros, se comporter avec autrui de la meme facon que l'on aimerait qu'autrui se comporte avec nous.
Ceci dit, vous le savez bien au fond de vous, malgre vos justifications. Vous ayez suivi la foule alors que je vous pensais plus independent, comme d'ailleurs vous le redevenez apres en etant en desaccord sur l'explication du comportement de Simplet (et qui sont probablement justes).
Une question pour vous: si la meme situation arrivait a nouveau, que feriez vous alors?
non, je n'ai pas suivi la foule. D'ailleurs, j'ai tout de même téléphoné. Que d'autres se dévouent pour filer leur manteau.
Si la même chose arrivait de nouveau ? Si la femme qui est par terre est vraiment canon, pas de doute, je me jette sur elle pour la protéger du froid :)))
Oui, magnifique démonstration de la différence de point de vue !
J'écris "valeur", et vous lisez "perspective moraliste".
Votre réalité est vraie, ma réalité est vraie, mais le point duquel on se place est différent.
Sur le fonds, mon point de vue est que la valeur accordée à la vie est préexistante à l'homme, tandis que la morale est une production humaine.
La morale s'apprend, les valeurs s'acceptent.
Simplet garde une vue directe des valeurs. Son esprit n'est pas troublé par l'intellectualité.
***
Bon, à part çà, j'ai fait un nouvel article. Mon blog continue d'être fréquenté, à raison de 10 à 15 visites par jour.
http://projeteuropeen.blogspot.com/2009/03/quoi-sert-un-revenu-minimum.html
Le dernier post datait de janvier.
Toju.
Bah j'aurais été là, elle ne serait pas tombé !
(et vu que je n'étais pas là, bah... c'est pas moi qui l'ai poussée !)
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