05 avril, 2009

Le bouc émissaire !

Caricature montrant le patron abusant du salarié ! (source CNT)

La France crève depuis trente ans d'un excès de lois mais il n'y en a jamais assez. Dernièrement, sous l'impulsion de la jalousie pathologique de la population qu'il faut sans cesse apaiser, un texte destiné à limiter les avantages du patronat a été mis à l'étude. Ce sera forcément un texte idiot comme seul notre pays en a le secret.

D'une part, il consacre encore et toujours la mainmise de l'état sur les affaires privées. D'autre part, il tend à stigmatiser une catégorie de la population, le patronat, pour en faire un bouc émissaire bien commode en ces temps troublés de crise. Plutôt que de se pencher sur les problèmes réels du pays, il est bien plus commode de trouver des responsables facilement haïssables. La révolution qui vient, organisée par les pires individus qui soient, se fera évidemment contre les capables.

D'origine religieuse, l'expression bouc émissaire désigne en langage courant la personne qui est désignée par un groupe comme devant endosser un comportement social que ce groupe souhaite évacuer. Cette personne est alors exclue du groupe, au sens propre ou figuré, parfois punie, ou condamnée.

La personne choisie ne l'est pas forcément pour avoir partagé ce comportement, elle peut être une victime expiatoire choisie pour d'autres raisons du fonctionnement du groupe.

Un ouvrage de René Girard intitulé « Le Bouc émissaire » (1982) montre à l'œuvre ce phénomène qu'il nomme le triangle mimétique : formé de trois pôles qui sont les individus A, B et le bien supposé, le triangle mimétique décrit ce jeu symbolique et la relation réelle entre A et B :

- dans laquelle B :

* dispose d'un bien,
* semble disposer d’un bien,
* ou pourrait disposer d’un bien,

- dont A pense soit :

* qu'il en est lui-même dépourvu,
* que sa propre jouissance du même bien est menacée par le seul fait que B en dispose (ou puisse en disposer).

Le « bien » est appelé par René Girard « objet » et il n’est pas nécessairement matériel.

Ce triangle mimétique semble motivé par la nécessité d’avoir à défaut de pouvoir être. Ne pouvant être l’autre directement, l’individu (A) pense que ce qui caractérise l’autre (B) et qui justifie encore la différence entre lui (A) et son modèle (B), est un avoir (l’objet ou le bien).

Le problème réside dans l’imitation réciproque au désir de l’objet. Plus A va désirer l’objet, plus B (s’il rentre dans le mécanisme du désir mimétique) va faire de même. Et plus A et B vont (par rapport à leur désir) se ressembler. Schématiquement, plus la tension vers l’objet est forte, plus l’indifférenciation entre A et B est importante. Or, pour René Girard, c’est cette indifférenciation des individus qui est porteuse de violence (au travers de la tension vers un même objet). Finalement, cette rivalité mimétique ainsi engendrée va être créatrice de conflit et de violence.

Le phénomène du bouc émissaire est un phénomène collectif. C’est la réponse inconsciente (René Girard utilise le terme de « méconnaissance ») d’une communauté à la violence endémique que ses propres membres ont générée au travers des rivalités mimétiques dues au triangle mimétique.

Le phénomène du bouc émissaire est la loi du « tous contre un ». Il a pour fonction d’exclure la violence interne à la société (endémique) vers l’extérieur de cette société. Pour que ce phénomène soit effectif, il faut :

- que la mise en œuvre du rituel du bouc émissaire reste cachée,
- que la violence résultante de cet acte n’entraîne pas une escalade de violence, d’où la nécessité d’un « typage » des victimes (elles ne sont pas choisies au hasard). C’est le principe de moindre violence, en ce sens la figure du patron est parfaite puisqu'on peut le transformer aisément en exploiteur, surtotu dans un pays ou l'égalité est érigée en religion.
- que les individus soient persuadés de la culpabilité du bouc émissaire. Et nos amis journalistes s'emploient parfaitement à relayer des informations erronées concernant l'économie en général et le monde des affaires en particulier,
- et (dans une moindre mesure) que les victimes soient persuadées d’être coupables. Et l'attitude du MEDEF, qui loin de s'insurger contre l'irruption de l'état dans la gestion des entreprises, accepte de négocier, montre bien qu'en France le patron se sent coupable.

Le problème de ce mécanisme régulateur de la violence est son caractère temporaire. En effet, la violence endémique générée par le désir mimétique se fait tôt ou tard ressentir. L’on a recours alors à un nouveau bouc émissaire.

Pour René Girard, le bouc émissaire est le mécanisme collectif permettant à une société de survivre à la violence générée par le désir mimétique individuel des membres. Le bouc émissaire désigne aussi l’individu, nécessairement coupable pour ses accusateurs mais innocent du point de vue de la « vérité », par lequel le groupe, en s’unissant uniformément contre lui, va retrouver une paix éphémère.

Si l’on adopte cette analyse sociologique, on peut admettre que les français en prenant les "patrons" comme boucs émissaires, connaitront un répit par rapport aux véritables causes de leur problèmes :

- le fait que certains payent des impôts et prennent des risques tandis que d'autres en profitent grassement.
- le fait que tous soient finalement persuadés que la progrès envisageable soit d'en foutre le moins possible tout en vivant encore mieux !

2 Comments:

Blogger Marine said...

"- le fait que tous soient finalement persuadés que la progrès envisageable soit d'en foutre le moins possible tout en vivant encore mieux !"
Bin oué :-)

6/4/09 1:45 AM  
Blogger Unknown said...

"La France crève depuis trente ans d'un excès de lois mais il n'y en a jamais assez"

Treante ans?
T'es en retard Philippe.

Dans un pays (la France) où le moindre rat est administré policièrement, … cette immense fabrique de lois qui, en France, enserre toutes choses. (Chapitre X, VI, note 3)
Marx Capital Livre 1

14/4/09 2:11 PM  

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