07 décembre, 2009

Ca me troue le cul ! Le stalking 1

Argh ! Attention, ne vous fiez pas à ses jolies couleurs !


J'aurais pu appeler cet article "je suis un gros branleur," toutefois "ça me troue le cul m'a semblé nettement moins vulgaire. Je n'oublie pas que parmi mes lecteurs, se dissimulent aussi des lectrices.

Le vicomte de Dampmartin dans ses Mémoires sur divers événemens de la Révolution et de l'émigration. (cité par Remy de Gourmont) explique :

«Rivarol ravissait les suffrages par sa rapide et lumineuse éloquence. Mon imagination me retrace souvent cet homme rare dont la superbe figure et la voix harmonieuse embellissaient la diction, qui chez aucun autre n'atteignit à un si haut degré de perfection. Entraîné par un charme irrésistible, on ne se lassait pas de l'entendre. Dans sa bouche, les sujets les plus sérieux prenaient de l'intérêt et les plus arides appelaient l'attention. Sa délicatesse ingénieuse donnait de la valeur aux choses ou légères ou frivoles. Un tact heureux des convenances le sauvait du pédantisme et l'éloignait de la présomption. Enfin, signe rare, mais incontestable, de sa supériorité, il faisait éprouver une satisfaction qui prévenait le développement des germes de la jalousie.»

Chateaubriand disait aussi de Rivarol qu'il était brillant dans les salons, sortant dix aphorismes à l'heure dont chacun aurait suffit à constituer la base d'un livre qu'il n'écrirait jamais. En gros Rivarol n'était qu'un gros branleur nanti de tas d'idées mais sans suite dans les idées. Parfois, je me fais l'effet d'être comme lui : un type plein d'idées mais un peu trop ramier pour les concrétiser.

Ainsi, voici déjà quelques années, une de mes chères patientes me parle d'un des locataires de son immeuble qu'elle me décrit comme un "pauvre gars, un pauvre type, qui lui fait de la peine". Elle me dit qu'il aime bien lui parler, se confier un peu, ce qu'elle accepte de bon cœur parce qu'elle a bon fond.

Quelque chose me dit que son "brave type" en question n'est pas si "brave" que cela et que l'expression "trop poli pour être honnête" s'applique parfaitement dans ce cas. Je demande quelques détails et le portrait du bonhomme s'esquisse sans mon cerveau (j'aurais du dire "super cerveau"). Là où ma patiente ne voit qu'un "pauvre type", je distingue un petit être chafouin et mielleux avec des tas d'idées derrière la tête. Je communique mes impressions à cette patiente en lui disant que les intentions de ce type ne me semblent pas claires. Je lui dis qu'à sa place, je resterais aimable avec le type mais conserverais mes distances, refusant notamment de recevoir ses confidences sur sa vie, aussi triste soit-elle.

Comme elle est surprise, je lui explique que je pense que ce type est ce que l'on nomme en anglais un "stalker". Rappelons que le stalking est une forme grave de harcèlement mêlant recherche d'intimité avec une victime et violation de sa vie privée. Je lui explique alors pourquoi je pense cela en étayant mon jugement d'arguments que je pense imparable.

Ma charmante patiente, gauchiste au grand cœur, persiste à penser que je vois le mal partout du fait de ma profession et finit par rire de moi. Pour elle, un agresseur a forcément des intentions mauvaises que l'on distingue forcément. J'ai beau lui dire que certains prédateurs se dissimulent derrière une façade avenante. Ainsi les dendrobates, charmantes petites grenouilles sécrétant une toxine terrible, offrent-elles de superbes couleurs !

Ce qui devait arriver arriva. S'enhardissant face à a la gentillesse de ma patiente qu'il assimile à de la faiblesse, le "brave type" l'agressera quelques semaines plus tard, d'une manière particulièrement violente. Fort heureusement, ma patiente s'en tirera juste avec la peur de sa vie. Lorsqu'elle me contera son aventure, j'aurai le triomphe modeste évitant de lui dire "alors qui avait raison ma grande ?", car cela aurait été inapproprié. Conforté dans l'idée que je suis génial par l'irruption d'un fait que j'avais prévu de longue date, je me contentai alors de mon autosatisfaction.

De fait, j'ai eu souvent à expliquer à mes chères patientes que dans les rapports avec un homme, il pouvait y avoir soit d ela drague franche et directe soit une attitude plus réservée respectant l'intimité. J'ai toujours songé que le mélange des deux n'était pas de bon augure et qu'un type qui envahissait leur intimité, fut-ce pour partager des confidences ou se livrer n'était jamais très clair. Non, que je pense qu'il faille chaque fois se méfier mais simplement rester sur ses gardes.

Ce n'est pas parce qu'on se prétend gentil et qu'on en a l'apparence qu'on l'est forcément. Le stalker, ce type (généralement ce sont des hommes) qui harcèlent les femmes ne sont pas tous des gens violents et intimidants. Souvenons-nous que la peur des femmes peut se dissimuler derrière une attitude ultra-agressive comme sous une attitude apparemment soumise et respectueuse. Quelle que soit l'apparence comportementale de la personne avec qui l'on parle, on devrait simplement se demander si il est normal de tenir une conversation aussi intime avec elle compte-tenu de la proximité que l'on a avec cette personne.

Voilà, confronté à cette expérience, j'en étais à tracer des esquisses, établir des règles, créer des axiomes pour aboutir à une typologie comportementale des stalkers et j'étais content de moi. Or voici que depuis peu est paru un ouvrage sur le sujet qui me semble fort bien fait. Rien de nouveau pour moi puisque l'auteur reprend tout ce que j'ai pensé avant elle tout seul dans la quiétude de mon petit cabinet. Sauf que là où je n'ai rien fait, me contentant de réfléchir, l'auteur aura réussi à écrire quelque chose qui restera sans doute comme le premier ouvrage en langue française sur le sujet.

A cet auteur la gloire et l'argent, à moi l'anonymat et la solitude crasse ! Bon, ce qui me rassure, c'est qu'il aura fallu à cet auteur, un temps infini pour compiler et analyser des tas de données chiantes, tandis qu'un seul car m'aura suffit pour tracer ce qui aurait pu être une thèse magistrale qui aurait suffit à me donner le Nobel de psychologie si ce dernier avait existé.

On se rassure comme on peut. Toutefois, pour vivre heureux, il faut toujours accepter ses limites et ses vulnérabilités. Gros branleur je suis, gros branleur je resterai. Parfois cela me désole, cela me troue le cul comme je l'annonçais en titre de cet article ! Je reste en revanche sans doute aussi le seul psy au monde à parler de dendrobates et de phyllobates à mes patient(e)s.

Dans un prochain article je vous proposerai un résumé de ce que l'on connait sur le stalking.

9 Comments:

Blogger isha said...

J'aime beaucoup ce que vous faites ( ok, d'accord, j'écris cela uniquement pour que vous validiez ce commentaire ).

Une chose, cependant : souvent, à la fin de vos notes, vous précisez que vous vous fendrez d'un futur texte sur tel ou tel sujet ma foi fort alléchant, et deux fois sur trois ( grosso modo, on ne va pas s'emmerder avec des statistiques détaillées ), le texte ne vient jamais.

Est-ce là une technique marketing pour conserver votre marché captif ?

7/12/09 6:01 PM  
Blogger philippe psy said...

Non ma chère Isa, c'est juste mon côté "branleur".

8/12/09 2:01 AM  
Blogger Epicier vénéneux said...

Etre un branleur ça fait jeune, et le jeunisme ça fait vendre.

Le stalker est-il un chic type?

8/12/09 3:49 PM  
Blogger michka said...

excellent billet.

Je ne sais plus qui a dit que le succès des autres est la punition des paresseux.

Les motifs à l' inaction sont parfois la paresse donc devant l' oeuvre à accomplir comme vous l'indiquez fort justement.

Dans certains cas il peut aussi s' agir d' une sorte de paralysie devant le succès qui s' offre, un peu comme le bras hésitant du tennisman avant de frapper la balle de match pour la victoire du tournoi.

Quoi qu’il en soit je pense que l’ action de faire est toujours supérieure car plus généreuse à l’ action de ne pas faire.

A titre d’ exemple j’ observe que Paul Mac Cartney n' est grand que des chansons qu' il a écrites et non pas de celles qu' il n' a pas composées.

9/12/09 4:29 PM  
Blogger Sylvain JUTTEAU said...

Ca y est, il y a eu 7000 visites sur mon blog en un an et demi.

7000 visites, cela fait presque 15 jours du blog de piti Phiphi.

Toju.

9/12/09 5:05 PM  
Blogger Sylvain JUTTEAU said...

On peut lire dans Wikipédia :

"Le zurnisme, qui est la création d'un néologisme pour obtenir une exclusivité de référencement. Le mot zurnisme est lui-même un zurnisme, qui a été créé en 2007 par un blog français. "

Toju

9/12/09 5:07 PM  
Blogger philippe psy said...

Michka :peut-être que le fait e les avoir rédigés dans ma tête me suffit.

10/12/09 9:19 AM  
Blogger michka said...

Merci pour votre réponse Philippe.

Je lis vos billets avec grand plaisir car ils sont souvent l'écho de mes propres pensées et préoccupations.

Peut-on considérer vos billets comme des croquis de vos idées ? Les croquis se caractérisent par le trait abréviateur du dessin.Pour certains peintres du fait de leurs qualités ils sont à même de suffire à leur auteur.

10/12/09 7:54 PM  
Blogger elcondorpasa said...

test

13/12/09 6:05 PM  

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