Confit en dévotion !
Deux fois de suite, je suis allé à la messe parce qu'il y avait des communions. Il faut dire que de nombreux parents, ayant deviné ma grande sagesse et perçu combien je serais un excellent guide spirituel pour leurs enfants, m'ont demandé d'être parrain. Ce que j'ai accepté de bonne grâce car il ne m'appartient pas de priver un petit être de la fabuleuse sagesse dont je suis dépositaire.
Comme mai est le mois des communions et que mes filleuls grandissent autant que je vieillis, "j'étais de communion" comme l'on dit trivialement. C'est ainsi, que votre serviteur, confit en dévotion, entra par deux fois dans la demeure de Dieu afin d'y entendre la messe.
La première cérémonie eut lieu dans la chapelle du collège catholique où l'une de mes filleules va à l'école. A première vue, rien ne signalait cette chapelle d'un quelconque autre bâtiment et moi je l'avais même prise pour un théâtre ! J'avais eu raison, parce que cette chapelle fait aussi office de théâtre et de salle de cinéma. On a donc bien raison de dire que Dieu est partout.
Vu l'aménagement des lieux, tout de béton vêtu, on aurait même du rajouter deux ou trois ponts pour en faire aussi un garage. L'endroit étant vaste, on aurait pu y entretenir pas mal de voitures, entre deux pièces, films ou messes ! Sur la scène tout au fond, une croix assez moche pas très visible avertissait que l'on n'était finalement pas dans un garage.
La cérémonie fut assez médiocre. Le prêtre, un être falot mais sympathique nous expliqua dans son prêche ce qu'était la sainte trinité. Pour ce faire, il nous parla des femmes et des hommes et du fait que si l'on était toujours sûr que la mère était la mère, on n'était jamais vraiment sur de qui était le père. Il en vint ensuite, afin d'agrémenter son discours très confus d'un exemple, par nous parler de la célèbre trilogie de Pagnol. Et si j'ai bien tout retenu, Dieu serait un peu César, Fanny serait le saint-esprit tandis que le fils aurait été Césariot, le fils que Fanny a eu avec Marius mais qu'elle a élevé avec César ! Vous suivez ? Ensuite, le prêche parle de solidarité et d'Haïti ce qui est rigolo puisqu'à travers les fenêtres on aperçoit les Alpes et que ça ne fait pas penser aux Caraïbes.
Je vois le brave prêtre s'embrouiller dans tout cela sans bien savoir comment s'en sortir de sa trilogie marseillaise et je rigole intérieurement, ce qui n'est pas très charitable. Devant l'assistance médusée, le prêtre se tait et ce sont deux guitaristes qui se mettent à jouer tandis qu'une femme chante. C'est très pop et je remarque qu'un des guitaristes a une douze cordes et je me dis qu'il est balèze vu que moi j'ai du mal avec les quatre cordes de ma basse.
Ensuite des tits nenfants tout de blanc vêtus viennent annoner des textes auxquels ils ne croient pas face au micro et les parents prennent es photos tandis que l'assemblée applaudit. Moi, je m'ennuie un peu mais je fais semblant d'être passionné parce qui se passe. Juste avant la fin, la dame qui chante qui doit aussi posséder des fonctions d'intendance dans le collège, prévient les parents qu'il faut impérativement rendre les aubes dès lundi huit heures du matin en les remettant dans le cornet.
J'apprends ainsi qu'en Haute-Savoie, un sac plastique se dit un cornet. Elle remercie ensuite les deux guitaristes. Celui assis à sa droite s'appelant Georges, elle nous demande de remercier Georges mais comme elle ne se souvient plus du prénom de celui qui est assis à sa gauche, elle nous dit fort simplement de remercier aussi le guitariste de gauche. Effectivement avec sa barbe et ses lunettes, ce mec qui joue de la douze cordes pourrait bien être un mec de gauche.
Durant toute la cérémonie à défaut du souffle de Dieu, j'ai senti celui du ridicule achevé planer. Comme j'étais coincé sur mon banc en plein milieux et que le chapelle-théâtre-cinéma était bourrée à craquer, j'ai été obligé de rester. Par contre, je dois admettre que l'on n'a pas eu trop chaud même si j'avais peur de transpirer comme un cochon avec mon costume et ma cravate. Je me suis même trouvé un peu con vu que certaines personnes étaient venues en survêtement. En revanche, certaines femmes étaient carrément habillées comme de grosses traînées, et je pense qu'avec leur robe raz la touffe, elles ont encore eu moins chaud que moi !
Quinze jours après, on remet cela et là j'ai eu chaud. Cette fois-ci, c'est une très belle église gothique qui accueille la cérémonie et je me dis naïvement que la cérémonie sera un peu plus conforme aux canons de l'Église.
Que dalle ! Le prêtre est cette fois ci un peu vermoulu et en plus on crève de chaud. Là aussi les gens applaudissent comme si l'on était au spectacle mais le prêtre dans un accès de lucidité explique qu'il est interdit de faire des photos durant la cérémonie. Celle-ci se poursuit et il me semble que comme dans Le lac de Lamartine, le temps a suspendu son vol. J'ai le droit à un prêchi-prêcha lourdingue et emberlificoté qui m'endort. Je pardonne évidemment le brave prêtre parce que peut-être qu'à son âge moi aussi je ne serai plus très frais non plus.
Mais cette fois-ci, prétextant ma très bonne éducation afin de laisser ma place assise à une dame, je suis debout tout au fond près de la porte. Et ça c'est très rusé. Ce qui fait que je peux aller de temps à autre me fumer ma petite clope. C'est très très mal. Mais m'ennuyant de plus en plus, et ayant mal aux pieds à force de piétiner debout au fond de l'église, une idée diabolique me vient. C'est ainsi, que discrétos, je me casse par la porte pour aller me boire un café assis tranquillement à la terrasse du petit rade accueillant ! A peine assis, je me hâte d'envoyer un SMS "suis au rade en face" à mon pote Olive qui est resté coincé dans l'église.
C'est ainsi que je passe une bonne vingtaine de minutes à faire joujou avec mon iphone et en regardant les gens passer sans culpabiliser une minute parce que je me dis que Dieu en sa Grande Sagesse ne m'en voudra pas de m'être échappé d'un truc aussi gonflant. Conscient que le temps passe lui aussi, je finis par payer le café, me lève et reviens vers l'église au moment où les premières personnes commencent à sortir. Parce que si je peux assumer le fait de m'être barré comme un voleur de la cérémonie, je me souviens tout de même qu'en tant que parrain j'ai aussi des devoir liés à ma charge !
Bon, malgré toute ma bonne volonté et mon éducation religieuse façonnée dans l'une des toutes meilleures écoles catholiques de France, je n'ai pas beaucoup senti Dieu dans ces deux messes. Si l'élévation du profane vers le sacré ne fut pas attesté, en revanche j'ai assisté à l'inverse. En effet, dans les deux lieux de cultes, on retrouvait placardés à l'extérieur des affiches vantant les mérites de la solidarité. Peut-être qu'ils devraient carrément organiser les cérémonies dans les sections du PS du coin ? A force de doctrine sociale, les cérémonies catholiques deviennent aussi chiante qu'un discours de Mélenchon.
Je me souviens qu'un duc authentique très porté sur le beau sexe et dont je fus l'adjoint voici près de vingt ans lors que j'occupais des fonctions professionnelles dans son entreprise me disait : "Voyez-vous mon cher Philippe, si je suis très croyant je n'ai jamais été calotin et les curés m'emmerdent le plus souvent".
Aujourd'hui, alors que Dieu l'a rappelé auprès de lui et qu'Il lui a sans doute pardonné ses fredaines parce qu'après tout on est humain et faillible, je lui dis : "Comme je vous comprends mon bon Philippe, comme je vous comprends !". Oui, il portait le même prénom que moi !
Aujourd'hui aux informations télévisées que j'ai regardées par inadvertance, j'ai appris qu'avait eu lieu une Padre Cup, au cours de laquelle 72 prêtres vêtus de noir s'étaient affrontés au volant de kartings. sur le circuit Beltoise de Trappes. Cet événement dixit l'évêque qui en parlait était sensé "dépoussiérer et décomplexer" l'image de l'Église.
Si l'un de ces guignols venait à me lire, je ne saurais trop lui suggérer de commencer par organiser des cérémonies dignes de ce nom avant d'entreprendre de concurrencer Jenson Button, parce que si lui s'est bien éclaté en karting, moi qu'est-ce que je m'emmerde dans les églises !
9 Comments:
Bonjour,
Votre commentaire sur les cérémonies religieuses m'a fait penser ce que chantait Brassens, en 1976 :
"Sans le latin, la messe nous emm...."
Apparemment, ils n'ont pas encore compris le message.
"En revanche, certaines femmes étaient carrément habillées comme de grosses traînées..."
Tu leur as parlé de ton ami qui vit près du RER B?
Les obligations du parain me font tordre de rire ! le commentaire sur les affiches appelant à la solidarité est du bien vu, bravo!
@Gringeot : oui t'inquiète, je leurs ai fait de la retape pour ta petite église de la sainte réconciliation où tu assures le paradis éternel en échange d'une sainte fellation ! Je leurs ai laissé ta carte :)
Bonjour !
Jeune prêtre de 32 ans, je suis un des "guignols" de la Padre Cup... Allez voir les vidéos : vous verrez que ces jeunes prêtres qui étaient là ne ressemblent pas forcément à ceux que vous avez rencontré.
Et je vous invite quand vous voulez à l'une des messes que je célèbre dans ma paroisse ( Houilles, 78 )... Si mon sermon est vraiment emmerdant, ou la liturgie vous semble affligeante, je vous offre le champagne... Sinon, c'est le contraire ! parce que je pense justement que c'est une des caractéristiques de la jeune génération : retrouver la beauté des rites, la franchise et la clarté du discours, et des "cérémonies dignes de ce nom"
Cordialement !
Abbé GROSJEAN
( http://www.padreblog.fr )
Bonjour mon père (ou padre ?),
Alors vous sentez-vous dépoussiéré et décomplexé par votre course en kart ? Dans tous les cas, vous ne manquez pas de courage ni d'audace et je suppose que cela vous aura aidé pour passer les virages à la corde et "enfumer" les autre "padres" et monter sur la première marche du podium. De toute manière je suppose que "les premiers seront les derniers" ne s'appliquait pas à votre compétition sportive.
Je suis vraiment ravi que vous soyez passé me mettre un petit mot. Vous auriez plu au Cardinal O'Flaherty ! Décidément, abandonnez le kart et mettez vous à la boxe. Auriez-vous du sang irlandais ? Plutôt que l'Abbé Grosjean seriez-vous le father Bigjohn ? Les êtres frustres comme je le suis ont toujours besoin de pasteurs fermes.
Je serai ravi de passer vous "entendre"mais je vous préviens que pas très loin de mon cabinet se trouve une église dans laquelle Bourdaloue officiait. Donc vous serez sévèrement challengé !
Mais je ne doute pas qu'appartenant à la jeune génération, dont la "franchise et la beauté du discours" enchantent la jeune génération, vous soyez en mesure de rivaliser avec votre auguste prédécesseur.
Je ne demande qu'à vous croire. Malheureusement, le dernier prêtre s'étant appliqué à être franc dans son discours ne m'avais pas vraiment convaincu. Il faut dire qu'il expliquait aux jeunes que le Christ était "un peu comme un sandwiche que l'on mettrait dans son sac à dos et que l'on croquerait en cas de faim spirituelle". Vous comprenez qu'entre celui-ci et le dernier ayant comparé la Sainte Trinité à la trilogie de Pagnol, la franchise dans le discours me laisse un peu perplexe. Certes les jeunes de notre époque sont parfois un peu idiots, mais est-ce une raison pour ne pas tenter de les élever un peu ?
Dans tous les cas, si je venais à m'ennuyer, respectant à la lettre ce que dit Matthieu (6.5), je ne resterai pas. Mais, même si je devais passer les trois quarts de la messe assis au café en face, je viendrai tout de même vous saluer et me faire connaitre.
Et si d'aventure, j'étais conquis,et je ne souhaite que cela, c'est tout naturellement que je viendrai le rouge au front, bourrelé de remords, et tout pantelant de honte, face à vous en me traitant moi-même de guignol.
Nous pourrons même échanger sur nos "professions" respectives. Tant de personnes me prennent pour une sorte de curé laïc que je me dis parfois que j'ai raté ma vocation.
Vous remerciant d'avoir lu ma modeste prose,
Je vous dis donc à très bientôt et vous prie d'agréer l'expression de ma très profonde dévotion, ainsi que l'exigent les usages.
Philippe
Hey !
Sacré moment de bonheur à te lire,
le plus ennuyeux, c'est qu'on peut avoir envie de croire et besoin de croire, on s'attend à mieux, quand même.
Fais un saut si tu as l'occasion un jour, dans une messe tradi, c'est un peu vieux-passé, avec un public souvent limite facho ou style Neuilly/XVIème mais franchement ça a de la gueule, tu verras et le préchi-precha tiens la route.
De préférence le dimanche !
Bravo l'abbé Grosjean pour ce karting. Qui est devenu champion.
@Philippe : je connais un prêtre qui a fait aussi ce karting à Trappes. Mais il n'est pas celui que vous décriez. Venez "assister" à "sa" messe qu'il officie tous les premier dimanche du mois à Saint Quentin les Source (Montigny le Bretonneux). Je pense que vous seriez édifié. La prochaine est le dimanche 4 juillet, la dernière avant la reprise au mois de septembre.
Je partage votre humour et la justesse description de certaines messes. Mais soyez un charitable avec les prêtres qui font ce qu'ils peuvent, les pauvres. Ils sont plus à plaindre que d'être fustigés !
Bien à vous
@U-777 : j'étais très bon en latin. Ceci dit effectivement entre les tradis et l'alternative gaucho-solidaire, j'ai bien du mal. Entre deux maux, je choisis de rester chez moi. De toute manière comme il n'existe aucune obligation évangélique d'aller à la messe, je suis tranquille :)
@AP : Être charitable ou ne pas l'être ... Je comprends tout à fait que les curés s'amusent en faisant les cons en kart. Moi-même qui vous écris, je suis déjà allé sur ce même circuit même que je n'ai pas trouvé ça très rigolo. Ce que je fustigeais, ce n'est pas le fait qu'on soit prêtre et qu'on veuille se détendre (moi même je me détends en ce moment) mais qu'on avance cette partie de déconnade comme une volonté de "dépoussiérer" l'Église ! Si c'était du marketing, c'était un peu mince. Et ce d'autant plus, que plus l'Église tente de se moderniser, plus elle se ringardise et perd ses fidèles. A ce niveau de marketing, on ne peut guère trouver pire que chez l'UMP avec son site "créateurs d'avenir" destiné aux jeunes (qui n'y vont pas). Mais moi, ce que j'en dis ...
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